LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 avril 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 304 F-D
Pourvoi n° Y 21-22.461
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 AVRIL 2023
Mme [N] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-22.461 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [G], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 juin 2021), Mme [G], après avoir fait publier la déclaration notariée d'insaisissabilité de sa résidence principale le 14 juin 2010, a été mise en liquidation judiciaire le 21 septembre 2011. La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque) a déclaré à la procédure une créance au titre de deux prêts qu'elle avait consentis le 31 janvier 2007 pour l'achat de sa résidence principale. Après la clôture de la liquidation judiciaire prononcée par un jugement du 18 septembre 2013, la banque a assigné Mme [G] le 17 septembre 2015 aux fins d'obtenir sa condamnation à payer le solde des prêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [G] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de la banque recevable et fondée à obtenir un titre exécutoire à son encontre aux fins d'exercice de son droit de poursuite sur l'immeuble et de fixer le montant de ses créances, alors :
« 1°/ que, si le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable, bénéficie d'un droit de poursuite sur cet immeuble, il n'en demeure pas moins soumis au principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites ainsi qu'à l'interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d'ouverture ; qu'il en résulte que, s'il doit être en mesure d'exercer le droit qu'il détient sur l'immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que l'action de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence introduite par une assignation du 17 septembre 2015, avait pour objet d'obtenir la condamnation à paiement de Mme [G] ; qu'en jugeant néanmoins que l'action de la banque était recevable, la cour d'appel a violé les articles L. 526-1, L. 622-7, L. 622-21 et L. 643-11 du code de commerce ;
2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, par une assignation du 17 septembre 2015, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence a attrait Mme [G] devant le tribunal de commerce aux fins d'obtenir sa condamnation à paiement des sommes restants dues au titre des prêts qu'elle lui avait consentis ; qu'en jugeant que "bien que sollicitant la condamnation de Mme [G] au paiement des sommes dues au titre du prêt, [son action] tendait à l'obtention d'un titre exécutoire aux fins d'exercice de son droit de poursuite contre l'immeuble", la cour d'appel, qui a jugé à tort que l'action de la banque poursuivait l'obtention d'un titre exécutoire en vue d'engager une procédure de saisie immobilière, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Après avoir énoncé que le créancier auquel la déclaration notariée d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d'un droit de poursuite sur cet immeuble afin de recouvrer sa créance, qu'il doit être en mesure d'exercer en obtenant, s'il n'en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, la cour d'appel retient exactement, sans méconnaître l'objet du litige, que, même si la banque demandait à tort, dans son assignation, le paiement des sommes restant dues au titre des prêts, son action tendait en réalité au recouvrement de sa créance par l'obtention d'un titre exécutoire aux fins d'exercice par le créancier de son droit de poursuite de l'immeuble, de sorte qu'elle était recevable.
4. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [G] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ qu'une demande en justice n'interrompt la prescription qu'autant qu'elle est recevable ; qu'en jugeant que l'assignation délivrée le 17 septembre 2015 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, tendant à obtenir la condamnation à paiement de Mme [G], dont la procédure de liquidation judiciaire avait été clôturée pour insuffisance d'actifs le 18 septembre 2013, avait eu pour effet d'interrompre la prescription biennale instituée par l'article L. 137-2 du code de la consommation, en sorte que la banque était recevable et fondée, à la faveur de conclusions en date du 21 avril 2021, à substituer à sa demande initiale une demande de fixation de sa créance, la cour d'appel, qui a méconnu qu'en vertu de l'arrêt des poursuites individuelles, la demande en paiement initiale était irrecevable et n'avait donc pu interrompre la prescription biennale, a violé, ensemble, les articles L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, 2241 et 2243 du code civil, ensemble, L. 643-11 du code de commerce ;
2°/ que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre qu'autant qu'elles poursuivent un même but ; qu'une action en paiement ne poursuit pas le même but qu'une action en fixation d'une créance ; qu'en jugeant que l'action de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence tendant à obtenir la condamnation à paiement de Mme [G], introduite par une assignation délivrée le 17 septembre 2015 et soutenue en appel par deux jeux distincts de conclusions, avait valablement interrompu le délai de prescription biennale, en sorte qu'était recevable la demande en fixation de la créance que la banque avait substituée à la première demande à la faveur de conclusions d'appelante en date du 21 avril 2021, quand ces deux actions ne tendaient pas au même but si bien que la seconde demande présentée plus de deux années après la clôture de l'insuffisance d'actif de Mme [G] prononcée le 18 septembre 2013, était irrecevable comme tardive, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. »
Réponse de la cour
6. Ayant relevé que la banque avait déclaré sa créance le 28 novembre 2011 et que la liquidation judiciaire avait été clôturée par un jugement du 18 septembre 2013, sans qu'il ait été statué sur sa demande d'admission, puis retenu que l'action en paiement, engagée par la banque par l'assignation du 17 septembre 2015, tendait à l'obtention d'un titre exécutoire aux fins d'exercice par le créancier de son droit de poursuite sur l'immeuble, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai biennal de prescription de l'article L. 218-2 du code de la consommation, interrompu par la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire, n'était pas expiré à la date de l'introduction de l'action.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.