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19/04/2023 | FRANCE | N°21-19049

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-19049


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 avril 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 406 F-D

Pourvoi n° Q 21-19.049

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

Mme [G] [J], domiciliée [Adress

e 2], a formé le pourvoi n° Q 21-19.049 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 avril 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 406 F-D

Pourvoi n° Q 21-19.049

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

Mme [G] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-19.049 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Casavita, absorbée par la société Finvita, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Domusvi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Finvita, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Casavita qu'elle a absorbée et en sa qualité d'actionnaire de cette société,

4°/ à la société d'investissements DVH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Finvita et Domusvi ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société d'investissements DVH, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés Domusvi et Finvita, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mai 2021), Mme [J] a été engagée, en qualité de directrice des exploitations, le 1er septembre 2009 par la société Dolcea GDP Vendôme.

2. Son contrat de travail a ensuite été transféré à la société DVD participations, appartenant au groupe Domusvi, puis, à compter du 1er octobre 2014, à la société Casavita. Elle y exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice générale des résidences services et développement.

3. En 2014, lors du rachat du groupe Domusvi par un fonds d'investissements, la salariée a cédé les actions de la société DVD participations, qui lui avaient été attribuées en 2011, à la société Manvita et a acquis des actions de la société Manvita 2, toutes deux sociétés holding de la société Casavita. En juillet 2015, elle a signé une promesse unilatérale de vente de ses actions au profit de la société Finvita en cas de licenciement et, dans tous les cas, à la date à laquelle elle cesserait d'être salariée d'une société du groupe.

4. Licenciée pour motif économique le 5 octobre 2016, elle a cédé ses actions à la société Finvita en avril 2017.

5. En juillet 2017, à l'occasion d'une cession du groupe Domusvi, des cadres dirigeants ont cédé leurs actions, largement valorisées dans l'intervalle, pour réinvestir le produit de cette cession dans la nouvelle opération qui leur était proposée.

6. Soutenant notamment que son licenciement était injustifié et l'avait privée d'une chance de céder, en juillet 2017, aux mêmes conditions que les autres associés, les actions Manvita et Manvita 2, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre du licenciement injustifié et en réparation du préjudice résultant de la perte de chance.

7. La société Finvita est venue aux droits de la société Casavita le 30 juin 2021.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident qui est préalable et les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de la société Casavita à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'avoir pu conserver dans son patrimoine les actions Manvita et Manvita 2 et les réinvestir, alors « que toute perte de chance, même minime, n'est pas hypothétique et ouvre droit à réparation ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande d'indemnisation du préjudice résulté de sa perte de chance d'avoir pu conserver dans son patrimoine les actions Manvita et Manvita 2 et les réinvestir, la cour d'appel a retenu que ‘'la perte de chance implique la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable'‘ et estimé que cette ‘'probabilité raisonnable'‘ n'était pas établie de sorte que la perte de chance était ‘'purement hypothétique'‘ ; qu'en exigeant ainsi un degré de probabilité raisonnable et en considérant en conséquence hypothétique la perte de chance n'excédant pas ce degré, cependant que toute perte de chance, même minime, n'est pas hypothétique et ouvre droit à réparation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Recevabilité du moyen

10. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire à la position défendue par la salariée devant les juges du fond.

11. Cependant, l'argumentation développée par la salariée devant la cour d'appel, qui faisait valoir que la perte de chance impliquait seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable, n'est ni contraire ni incompatible avec le moyen de cassation.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

13. Il résulte de ce texte que toute perte de chance, qui implique seulement la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain, ouvre droit à réparation.

14. Pour rejeter la demande de la salarié fondée sur l'existence d'une perte de chance, l'arrêt retient que la probabilité pour la salariée d'être toujours présente dans l'entreprise à compter de juin 2017 et au-delà de cette date n'est pas démontrée et qu'il n'est établi par aucun élément la probabilité raisonnable que la salariée aurait été contrainte de vendre en juin 2017 ou d'apporter à la nouvelle société d'investissement en octobre 2017, ses actions nécessairement demeurées jusqu'à cette date dans son patrimoine si elle n'avait pas été licenciée.

15. Il ajoute que toute la démonstration de la perte de chance de la salariée repose sur la valeur des actions en cas de réinvestissement de celles-ci dans le cadre des opérations financières réalisées en juin et en octobre 2017 dans le nouveau ‘'managing package'' et conclut que la perte de chance de vendre les actions Manvita et Manvita 2 en juin 2017 et de les réinvestir dans la nouvelle société d'investissement en octobre 2017 comme allégué par la salariée si elle n'avait pas été licenciée, purement hypothétique, n'est pas démontrée.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la rupture injustifiée du contrat de travail et la perte de sa qualité de salariée avaient contraint l'intéressée à céder ses actions en avril 2017 et, d'autre part, qu'elle faisait auparavant partie des dirigeants de la société ayant bénéficié du nouveau dispositif d'intéressement mis en place en octobre 2017, ce dont il résultait que son licenciement lui avait fait perdre une chance de céder en juillet 2017, aux mêmes conditions que les autres associés, les actions Manvita et Manvita 2 qu'elle détenait au jour de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [J] de sa demande en dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance d'avoir pu conserver dans son patrimoine les actions Manvita et Manvita 2 et les réinvestir, l'arrêt rendu le 5 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Finvita aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Finvita à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19049
Date de la décision : 19/04/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 avr. 2023, pourvoi n°21-19049


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.19049
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