LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 21-83.390 F-D
N° 00500
MAS2
18 AVRIL 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 AVRIL 2023
M. [D] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [D] [G], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Z] [U], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [D] [G] a été relaxé par le tribunal de police du chef de blessures involontaires suivies d'une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois sur la personne de Mme [Z] [U].
3. La juridiction, faisant application de l'article 470-1 du code de procédure pénale, a reçu la constitution de partie civile de Mme [U], alloué une provision et renvoyé l'affaire sur les intérêts civils.
4. Après expertise, le tribunal correctionnel, statuant sur les seuls intérêts civils, a condamné M. [G] à verser diverses sommes à Mme [U] en réparation de son préjudice dont celles de 10 959 euros au titre de la tierce personne et de 13 120 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
5. M. [G] et Mme [U] ont interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur les quatrième et cinquième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en formation collégiale, alors « qu'en application de l'article 510 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, en vigueur à compter du 1er juin 2019, le principe de l'examen en appel à juge unique des condamnations prononcées en premier ressort à juge unique s'applique si l'appel porte sur une décision sur l'action civile ayant été rendue, après renvoi, par le tribunal correctionnel siégeant à juge unique, en application des alinéas 3 et 4 de l'article 464 du code de procédure pénale ; que les règles relatives à la composition des juridictions sont d'ordre public, les parties ne pouvant y renoncer ; qu'en statuant en formation collégiale, après le constat que « Maître Cochet a accepté la collégialité », quand l'appel portait sur une décision sur l'action civile ayant été rendue, après renvoi, par le tribunal correctionnel d'Albertville siégeant à juge unique, en application de l'article 464 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé l'article 510 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'arrêt attaqué que, après lecture par le président de la chambre des appels correctionnels de l'article 510 du code de procédure pénale et acceptation du recours à la collégialité par l'avocat du prévenu, la cour d'appel a statué, sur intérêts civils, en formation collégiale.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
10. En effet, le renvoi à la collégialité est une possibilité qui est offerte à la juridiction d'appel par l'article 510 précité, tel qu'issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, lorsque la complexité des faits l'exige.
11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à Mme [U] la somme de 12 740 euros au titre de l'aide temporaire, alors « que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en fixant dans ses motifs l'indemnité due au titre de l'aide temporaire à la somme de 10 959 euros, après avoir constaté que cette somme allouée en première instance n'était pas contestée et dit qu'elle sera confirmée, et en condamnant ensuite, dans son dispositif, M. [G] à verser à ce titre la somme de 12 740 euros, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
13.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
14. Pour infirmer la somme de 10 959 euros que M. [G] a été condamné en première instance à payer à Mme [U] au titre du préjudice d'assistance par une tierce personne et la fixer à 12 740 euros, l'arrêt attaqué relève, d'une part, que le médecin expert a fixé l'aide à une heure par jour jusqu'au 26 avril 2012 à 20 euros de l'heure, soit 482 x 20 = 9 620 euros, puis trois heures par semaine du 26 avril 2012 au 26 avril 2013, soit 52 x 3 heures x 20 = 3 120 euros, « soit une somme totale de 10 959 euros » et, d'autre part, que cette somme de 10 959 euros, qui n'est pas contestée, doit être confirmée.
15. En statuant ainsi, par une double contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt, résultant tant de la discordance entre le montant de la somme de 12 740 euros fixée au dispositif et celle de 10 959 euros énoncée aux motifs, que de l'infirmation, au dispositif, de la somme qu'elle avait confirmée, dans ses motifs, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à Mme [U] la somme de 189 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, alors « que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en fixant dans ses motifs l'indemnité due au titre de l'aide temporaire à la somme de 189 200 euros, motifs pris qu' « eu égard à la jurisprudence habituelle, le point de rente pour une femme de 46 ans se situe à 3 440 euros en 2010 en sorte qu'il sera alloué à Mme [U] la somme de 3 440 x 50 = 172 200 », et en condamnant ensuite, dans son dispositif, M. [G] à verser à ce titre la somme de 189 200 euros, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
18. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
19. Pour condamner M. [G] au paiement de la somme de 189 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel retient un taux d'incapacité de 50 % ainsi qu'un point de rente pour une femme âgée de 46 ans équivalent à 3 440 euros en 2010, de sorte qu'elle alloue à Mme [U] « la somme de 3 440 x 50 = 172 200 euros ».
20. En statuant ainsi, par des motifs contradictoires, ne relevant pas de l'erreur matérielle, alors que la somme de 189 200 euros fait apparaître une discordance qui ne peut être expliquée par les motifs retenus, comportant eux-mêmes une erreur de calcul, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
21. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux chefs de préjudice de tierce personne et de déficit fonctionnel permanent. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 20 novembre 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux chefs de préjudice de tierce personne et de déficit fonctionnel permanent, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille vingt-trois.