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13/04/2023 | FRANCE | N°21-25227

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 avril 2023, 21-25227


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 285 F-D

Pourvoi n° E 21-25.227

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

1°/ la société CPS Loc le Tambouret, société civi

le immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ la société NCIS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 285 F-D

Pourvoi n° E 21-25.227

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

1°/ la société CPS Loc le Tambouret, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ la société NCIS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° E 21-25.227 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Bourdarios, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Malet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société CDR, société civile immobilière,

4°/ à la société CTL, société à responsabilité limitée, toutes deux ayant leur siège [Adresse 3],

défenderes ses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société CPS Loc le Tambouret et de la société NCIS, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Bourdarios, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Malet, et après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 octobre 2021), la société CPS Loc le Tambouret (la société CPS) a confié à la société Bourdarios la construction d'un mur de soutènement jouxtant le fonds de la société CDR. Des travaux ont été sous-traités à la société Malet.

2. La société CDR a assigné la société CPS pour qu'elle soit condamnée à effectuer des travaux confortatifs et à payer des dommages et intérêts. Les sociétés Bourdarios et Malet ont été appelées à la cause. Les sociétés CTL et NCIS, respectivement locataires des sociétés CDR et CPS, sont intervenues à l'instance.

3. Après l'effondrement d'une partie du mur, le tribunal a, par jugement du 12 décembre 2013, déclaré la société Bourdarios tenue de le reconstruire et a sursis à statuer sur les responsabilités relatives aux préjudices immatériels et la répartition des responsabilités entre la société Bourdarios et son sous-traitant.

4. Par jugement du 17 février 2015, le tribunal a prononcé la résiliation du marché entre la société CPS et la société Bourdarios, dit que la société CPS avait l'obligation de faire construire un autre mur et ordonné une expertise avant dire droit sur les autres demandes.
Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les sociétés CPS et NCIS font grief à l'arrêt de dire qu'en exécution de son engagement du 26 août 2010 et du jugement du 17 février 2015, la société CPS devrait avoir exécuté en nature, avant le 1er juin 2022, le mur de soutènement amont sous astreinte journalière de 500 euros par jour de retard, à courir jusqu'au 1er décembre 2022, alors :

« 1°/ que le plan local d'urbanisme institue des contraintes s'ajoutant à celles résultant du permis de construire ; qu'en condamnant la société CPS Loc Le Tambouret à faire construire le mur de soutènement sous astreinte au motif que son permis de construire, obtenu en 2010, était périmé en application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et qu'elle n'avait pas démontré avoir déposé une nouvelle demande de permis sans rechercher, comme elle y était invitée, si en toute hypothèse, le plan local d'urbanisme ne s'opposait pas à la construction d'un mur de deux mètres de hauteur, ainsi que l'avait relevé l'expert judiciaire et le président de la cour d'appel, dans son ordonnance du 7 février 2018, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne peut prononcer une condamnation sous astreinte s'il est établi que l'exécution est rendue impossible par l'attitude de l'adversaire ; qu'à défaut de s'être prononcée, comme elle y était invitée, sur le comportement de la société Bourdarios, qui n'avait pas exécuté sa propre condamnation, résultant d'un arrêt du 10 juillet 2017, à consigner une somme de 200 000 euros, affectée à la reconstruction du mur, sous le contrôle du maître d'oeuvre dont les attestations d'avancement des travaux devaient permettre le déblocage des fonds nécessaires à l'édification du mur de soutènement litigieux, ce qui empêche la société CPS Loc Le Tambouret d'exécuter ses propres obligations, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a retenu que la société CPS ne démontrait pas la réalité des difficultés auxquelles elle prétendait se heurter car, faute de toute démarche en ce sens, elle ne rapportait pas la preuve qu'une nouvelle demande de permis de construire établie de bonne foi conformément aux conclusions du rapport d'expertise ne pourrait pas aboutir, le cas échéant après présentation du projet aux services de l'urbanisme de la commune.

7. Dès lors qu'elle retenait que la société CPS ne démontrait pas avoir fait une nouvelle demande de permis de construire à la suite de la péremption de l'autorisation précédente, elle n'était pas tenue de répondre à des conclusions tenant à l'absence de versement des provisions destinées à financer les travaux, que ses constatations rendaient inopérantes.

8. Le moyen n'est donc pas fondé

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Les sociétés CPS et NCIS font grief à l'arrêt de condamner la société CPS à payer une provision de 20 000 euros à la société CTL, à valoir sur les préjudices immatériels subis, alors « que la condamnation à réparer des préjudices suppose une faute en lien causal avec les dommages dont la réparation est sollicitée ; qu'en condamnant la société CPS Loc Le Tambouret à verser une provision de 20 000 euros à la société CTL, locataire de la société CDR, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le rapport d'expertise de M. [P] n'avait pas établi que les désordres relevés sur l'immeuble appartenant à la société CDR étaient dépourvus de lien avec l'effondrement du mur de soutènement ou son absence de reconstruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour condamner la société CPS à verser à la société CTL une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices immatériels réclamée par l'intéressée sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que ce n'est que lorsque l'ouvrage sera réalisé que reprendra la discussion sur les autres chefs de préjudice, notamment immatériels.

12. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice subi par la société CTL en lien avec des fautes commises par la société CPS, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

13. Les sociétés CPS et NCIS font grief à l'arrêt de dire qu'il appartiendrait au tribunal de statuer sur l'imputabilité de la résiliation du marché passé entre la société CPS et la société Bourdarios, ainsi que sur le partage des responsabilités, alors « que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'en considérant qu'il appartenait au tribunal seul de statuer sur l'imputabilité de la résiliation du marché, après avoir elle-même constaté que la demande de la société CPS Loc Le Tambouret et de la société NCIS tendant à ce que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts exclusifs de la société Bourdarios n'était pas irrecevable dès lors qu'elle ne tendait qu'à faire écarter les prétentions adverses, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. La société Bourdarios conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que sous le couvert d'une violation de la loi, le moyen reproche à la cour d'appel d'avoir omis de statuer sur sa demande.

15. Cependant, le moyen, qui fait grief à l'arrêt de renvoyer au tribunal une demande dont la cour d'appel était saisie, ne reproche pas aux juges une omission de statuer au sens de l'article 463 du code de procédure civile.

16. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 5 et 564 du code de procédure civile :

17. Aux termes du premier de ces textes, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

18. Aux termes du second, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

19. Ecartant la fin de non-recevoir opposée par la société Bourdarios, l'arrêt retient que les demandes des sociétés CPS et NCIS tendant à ce qu'il soit jugé que la société Bourdarios a gravement manqué à ses obligations contractuelles, que soit prononcée la résiliation du contrat aux torts exclusifs de cette société et qu'il soit jugé que la société Bourdarios engage sa responsabilité contractuelle envers la société CPS et sa responsabilité délictuelle envers la société NCIS, ne sont pas irrecevables au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elles ne tendent qu'à faire écarter les prétentions adverses.

20. Il retient, néanmoins, qu'il appartiendra au tribunal de statuer sur l'imputabilité de la résiliation ainsi que sur le partage des responsabilités entre les divers protagonistes, conformément à sa démarche énoncée dans le jugement du 24 août 2017 et que les conditions d'une évocation prévues à l'article 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies.

21. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de statuer sur les demandes qu'elle avait déclarées recevables en appel et dont elle était saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société CPS Loc le Tambouret à payer une provision de 20 000 euros à la société CTL, à valoir sur les préjudices immatériels subis et en ce qu'il dit qu'il appartiendra au tribunal de statuer sur l'imputabilité de la résiliation du marché passé entre la société CPS et la société Bourdarios, ainsi que sur le partage des responsabilités, l'arrêt rendu le 11 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée ;

Condamne les sociétés CDR, CTL, Bourdarios et Malet aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-25227
Date de la décision : 13/04/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 11 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 avr. 2023, pourvoi n°21-25227


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Gadiou et Chevallier, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.25227
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