LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 286 F-D
Pourvoi n° E 21-22.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La Société hydroélectrique du Moulin de la Resse, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 21-22.375 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Toulouse (2ème chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Innov TP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société Amiantit France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée société APS France,
3°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société anonyme d'un Etat membre de la CE, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la Société hydroélectrique du Moulin de la Resse, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Amiantit France, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 mai 2021), la Société hydroélectrique du Moulin de la Resse (la société SHMR), exploitant une centrale hydroélectrique dont elle souhaitait remplacer une conduite d'amenée d'eau en acier, a commandé à la société APS, devenue Amiantit France, assurée auprès de la société Zurich Insurance Public Limited, des canalisations de résine armée en fibre de verre.
2. Les travaux de démontage de la conduite existante et d'installation de la nouvelle conduite ont été confiés à la société Innov TP, assurée auprès de la société Axa France IARD.
3. Après deux sinistres survenus lors de la mise en service de la conduite, la société SHMR a, après expertise judiciaire, assigné les sociétés APS, Innov TP et leurs assureurs aux fins d'indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société SHMR fait grief à l'arrêt de limiter la réparation de son préjudice à une certaine somme couvrant les pertes d'exploitation et de rejeter sa demande de réparation au titre des travaux de reprise, alors « que tenu d'évaluer le préjudice, le juge ne peut refuser d'y procéder en raison de l'insuffisance des preuves des parties ; qu'en considérant que la société SHMR ne justifie pas du coût des travaux de reprise pour avoir accepté que l'expert judiciaire n'en chiffre pas le montant, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie.
6. Pour rejeter la demande de condamnation formée par la société SHMR, l'arrêt, après avoir estimé que la responsabilité des sociétés Innov TP et APS devait être engagée au titre des dommages survenus à l'ouvrage de conduite d'eau en PRV, puis, dans une partie intitulée « coût des reprises », après avoir examiné les pièces produites, à savoir un devis de construction d'une nouvelle conduite d'eau en acier ainsi qu'un devis, d'un montant supérieur, pour la réfection de la conduite en PRV, retient que le maître de l'ouvrage a accepté que l'expert ne chiffre pas le coût des travaux de reprise en état stricto sensu de sorte que sa demande d'indemnisation sera rejetée, faute d'établir la réalité de ce coût ni le montant des sommes qu'il indique avoir exposées pour le remplacement des canalisations usagées.
7. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la Société hydroélectrique du Moulin de la Resse au titre de la réparation matérielle de l'ouvrage et limite son indemnisation à la seule réparation du préjudice immatériel, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne les sociétés Amiantit France, Axa France IARD et Zurich Insurance PLC aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.