LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 346 FS-B
Pourvoi n° K 21-22.242
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023
L'association d'enseignement agricole de [Localité 10], dite Ecole d'ingénieurs de [Localité 10], dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° K 21-22.242 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [P] [Y], domiciliée [Adresse 8],
2°/ à Mme [X] [N], domiciliée [Adresse 2],
3°/ à M. [D] [F], domicilié [Adresse 7],
4°/ à Mme [U] [T], épouse [I], domiciliée [Adresse 5],
5°/ à M. [M] [B], domicilié [Adresse 6],
6°/ à M. [L] [A], domicilié [Adresse 4],
7°/ à Mme [Z] [H], domiciliée [Adresse 1],
8°/ à M. [O] [W], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de l'association d'enseignement agricole de [Localité 10], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [Y], [N], M. [F], Mme [T], MM. [B], [A], Mme [H] et de M. [W], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 juillet 2021), Mme [Y] et sept autres étudiants ont signé des contrats de professionnalisation au cours de la formation qu'ils ont entreprise au sein de l'association d'enseignement agricole de [Localité 10] (l'association) pour les années scolaires 2014-2015 puis 2015-2016.
2. N'ayant pu obtenir le remboursement des frais de scolarité acquittés au titre de ces années, ils ont saisi un tribunal de grande instance d'une demande en répétition de l'indu.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux défendeurs au pourvoi des sommes en remboursement de frais de scolarité, ainsi qu'à titre de dommages-intérêts, alors « que l'objectif du législateur, en créant le contrat de professionnalisation, a été de permettre aux jeunes de moins de 26 ans et aux demandeurs d'emploi d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification afin de favoriser leur insertion ou leur réinsertion professionnelle ; qu'à l'heure actuelle, le contrat de professionnalisation s'adresse également à certaines catégories de personnes comme les bénéficiaires du RSA ou de l'AAH et a toujours pour objet de permettre aux intéressés d'acquérir une des qualifications correspondant aux besoins prévisibles de l'économie ; que le contrat de professionnalisation n'est donc pas destiné aux jeunes qui, ni salariés, ni demandeurs d'emploi, ni appartenant à une catégorie nécessitant une protection spéciale, étaient déjà engagés dans un parcours d'enseignement destiné à l'acquisition d'un diplôme ; que par suite, si rien n'interdit la conclusion d'un contrat de professionnalisation entre un employeur, un élève d'un établissement d'enseignement et ce dernier, les dispositions légales prévoyant que les organismes de formation "ne peuvent conditionner l'inscription d'un salarié en contrat de professionnalisation au versement par ce dernier d'une contribution financière de quelque nature qu'elle soit", ne sauraient s'appliquer à l'étudiant inscrit dans une école d'ingénieurs depuis plusieurs années qui aurait normalement poursuivi ses études même s'il n'avait pas conclu un contrat de professionnalisation et qui, comme les années précédentes, règle les frais de scolarité qu'il aurait payés s'il avait poursuivi ses études sans conclure un tel contrat ; qu'en décidant que l'Ecole d'ingénieurs de [Localité 10] ne pouvait réclamer à ses étudiants les frais de scolarité pour la période couvrant celle du contrat de professionnalisation, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 6314-1, L. 6321-1, L. 6325-2-1 et L. 6325-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de la combinaison des articles L. 6325-1 et L. 6325-2-1 du code du travail que le contrat de professionnalisation est un contrat de travail ouvert notamment aux personnes âgées de seize à vingt-cinq ans révolus afin de compléter leur formation initiale, qu'il est conclu entre un employeur et un salarié, et a pour objet de permettre à ce dernier d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 6314-1 et de favoriser son insertion ou la réinsertion professionnelle, sans que les organismes publics ou privés de formation conditionnent l'inscription d'un salarié au versement par ce dernier d'une contribution financière de quelque nature qu'elle soit, peu important que le salarié ait été précédemment inscrit dans l'établissement dispensant la formation en qualité d'étudiant.
5. L'arrêt relève que la qualité préalable de salarié à la conclusion d'un contrat de professionnalisation n'est pas exigée et qu'un tel contrat est ouvert aux étudiants dès lors qu'il consiste à compléter une formation initiale effectuée sous statut scolaire ou universitaire, de sorte qu'est sans objet le débat opposant les parties sur le moment auquel l'étudiant acquiert la qualité de salarié.
6. Il retient également que le principe de gratuité du contrat de professionnalisation est consacré sans équivoque par l'article L. 6325-2-1 du code du travail, qu'il n'existe aucun texte législatif dérogatoire validant l'exception revendiquée par l'association et qu'un double financement est exclu puisque les frais de formation générale sont à la charge de l'employeur ou d'un opérateur de compétences.
7. La cour d'appel en a exactement déduit que l'association ne pouvait réclamer de contributions aux intéressés et qu'elle devait leur rembourser les frais d'inscription pour les deux années couvrant la période du contrat de professionnalisation.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association d'enseignement agricole de [Localité 10] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association d'enseignement agricole de [Localité 10] et la condamne à payer à Mmes [Y], [N], M. [F], Mme [T], MM. [B], [A], Mme [H] et M. [W] la somme globale de 4 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.