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13/04/2023 | FRANCE | N°21-20339

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 avril 2023, 21-20339


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 385 F-D

Pourvoi n° S 21-20.339

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023

M. [K] [C], domicilié [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° S 21-20.339 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 385 F-D

Pourvoi n° S 21-20.339

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023

M. [K] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-20.339 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à la société Brasserie des Iles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], de Me Haas, avocat de la société Brasserie des Iles, après débats en l'audience publique du 2 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mai 2021), M. [C] a été engagé en qualité de chef de cuisine par la société Brasserie des Iles, à compter du 1er février 1990.

2. Le 14 octobre 2016, le salarié a été licencié.

3. Le 5 décembre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents et de l'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures travaillées n'incombe à aucune des parties de sorte que le juge ne peut, pour rejeter la demande, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le salarié avait produit, en plus des bulletins de paie mentionnant le paiement de sept heures supplémentaires hebdomadaires, une pièce mentionnant les horaires du restaurant de 12h à 15h et de 19h à 22h le lundi et du mercredi au samedi, et de 19h à 22h le dimanche ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a estimé que le témoignage d'un livreur qui déclare avoir fait des livraisons quotidiennes au restaurant en présence du salarié vers 6h/6h15 ne comporte pas la moindre précision sur la période de ses constatations, que l'attestation d'un commercial à une date à laquelle le salarié n'était plus présent dans l'entreprise témoigne prendre les commandes entre 7h45 et 8h le vendredi de chaque semaine auprès du salarié présent sur les lieux sans qu'il soit possible de déterminer durant quelle période il a effectué ce travail, que celle d'un autre commercial mentionne de manière encore plus vague la présence du salarié à son poste vers 8h lors de son passage pour les prises de commandes, et que quatre photocopies de calendrier des années 2013 à 2016 ne comportent d'autres mentions que l'indication manuscrite +6h" et de manière exceptionnelle +8h" à côté de dates correspondant selon le salarié à des jours travaillés et +12h" à côté de dates fériées ; qu'en retenant que ces éléments considérés dans leur ensemble ne permettent pas au salarié d'étayer à suffisance" sa demande, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, et partant a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs
acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au
nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter,
à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à
l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa
conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des
exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt relève qu'il produit des bulletins de paie mentionnant le paiement de sept heures supplémentaires hebdomadaires dont quatre heures majorées de 10% et trois heures majorées de 20%, une pièce qui mentionne les horaires du restaurant « Brasserie des Iles », soit de 12h à 15h et de 19h à 22h le lundi et du mercredi au samedi, et de 19h à 22 h le dimanche, le témoignage d'un livreur qui déclare avoir fait des livraisons quotidiennes au restaurant en présence du salarié vers 6h/6h15, sans la moindre précision sur la période de ses constatations, l'attestation d'un commercial qui, le 24 octobre 2016, date à laquelle M. [C] n'était plus présent dans l'entreprise, « atteste prendre les commandes entre 7h45 et 8h le vendredi de chaque semaine » auprès du salarié « présent sur les lieux », sans qu'il soit possible de déterminer durant quelle période il a effectué ce travail, le témoignage d'un autre commercial qui, de manière encore plus vague, mentionne : « A mon passage pour les prises de commandes, je voyais [P] [C], le chef de cuisine, à son poste vers 8H00 », quatre photocopies de feuilles de calendrier des années 2013 à 2016 ne comportant d'autres mentions que l'indication manuscrite « + 6H » et de manière exceptionnelle « + 8 H », à côté de dates qui, selon lui, correspondraient à des jours travaillés, et l'inscription « + 12H » à côté de dates fériées.

10. Il retient qu'en application des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, ces éléments, considérés dans leur ensemble, ne permettent pas au salarié d'étayer à suffisance sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation prononcée n'atteint pas les condamnations de l'employeur aux dépens et au paiement d'une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [C] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Brasserie des Iles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brasserie des Iles et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-20339
Date de la décision : 13/04/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 avr. 2023, pourvoi n°21-20339


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.20339
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