LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 438 F-D
Pourvoi n° P 21-21.394
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023
La société Hôpital privé [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-21.394 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [J] [W], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hôpital privé [4], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [W], après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 18 juin 2021), Mme [W] a été engagée en qualité d'agent d'entretien en buanderie et travaux divers par la société Hôpital privé [4] le 1er février 1983. Elle était en dernier lieu agent de services hospitaliers.
2. A la suite d'un accident du travail survenu le 15 mai 2017, la salariée a été placée en arrêt de travail, prolongé jusqu'au 31 octobre 2018.
3. Le 5 novembre 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude, indiquant que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
4. Le 13 décembre 2018, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser des sommes à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement, de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de six mois d'indemnités de chômage versées à la salariée, alors « qu'il résulte de l'article L. 1226-10 du code du travail que la proposition de reclassement ‘'prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise'‘ ; que l'employeur ne doit donc recueillir l'avis du comité économique et social que pour autant qu'il est soumis à une obligation de reclassement ; que tel n'est pas le cas lorsque, conformément à l'article L. 1226-12 du code du travail, il résulte ‘'de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi'‘ ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'‘'à l'issue de la deuxième visite de reprise du 5 novembre 2018'‘, la salariée avait été déclarée inapte à son poste de travail, le médecin du travail indiquant que ‘'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'‘ et que ‘'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi'‘, ledit avis d'inaptitude visant au surplus ces circonstances comme un ‘'cas de dispense de l'obligation de reclassement. Articles L. 1226-1, L. 1226-20 du code du travail'‘ ; que dès lors, en affirmant que la consultation du comité social et économique constitue une garantie substantielle pour le salarié et que l'article L. 1226-10 du code du travail ne prévoit pas expressément de dispense à cette consultation pour le cas dans lequel tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, de sorte qu'il revenait à l'employeur de saisir le comité social et économique pour avis, fût-ce simplement pour l'informer du contenu de l'avis du médecin du travail qui imposait de procéder au licenciement pour inaptitude de Mme [W], la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, et L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
7. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis du comité social et économique, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
8. Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
9. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter le comité social et économique.
10. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la consultation du comité social et économique constitue une garantie substantielle pour le salarié, que l'article L. 1226-10 du code du travail ne prévoit pas expressément de dispense à cette consultation pour le cas dans lequel tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi et qu'en l'état actuel du droit positif, il revenait à l'employeur de saisir le comité social et économique pour avis, fût-ce simplement pour l'informer du contenu de l'avis du médecin du travail qui imposait de procéder au licenciement pour inaptitude de la salariée.
11. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'atteint pas les chefs de dispositif évoqués par ce même moyen condamnant l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement et au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail ni les chefs du dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société Hôpital privé [4] à verser à Mme [W] une somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonne l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de six mois d'indemnités de chômage versées à la salariée, l'arrêt rendu le 18 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne Mme [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.