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12/04/2023 | FRANCE | N°21-19670

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 2023, 21-19670


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 avril 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 434 F-D

Pourvoi n° Q 21-19.670

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023

M. [L] [P], domicilié [Adresse

1], a formé le pourvoi n° Q 21-19.670 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litig...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 avril 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 434 F-D

Pourvoi n° Q 21-19.670

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023

M. [L] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-19.670 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Airbus opérations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Portageo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La société Portageo a formé un pourvoi incident et un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse aux pourvois incident et provoqué invoque, à l'appui de chacun de ses recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Airbus opérations, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Portageo, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 mai 2021), M. [P], salarié de la société ESR a été mis à disposition de la société Dimension Data afin de travailler pour le compte de la société Airbus opérations aux termes d'un ordre de mission du 1er septembre 2006.

2. Le 3 juin 2013, le salarié a été engagé par la société de portage salarial Portageo suivant contrat à durée indéterminée et a poursuivi les missions confiées à la société Dimension Data au sein de la société Airbus opérations.

3. Le 30 avril 2015, la société Airbus a mis fin au contrat conclu avec la société Dimension Data. Celle-ci a notifié à la société Portageo la fin de la prestation de portage salarial le 29 octobre 2015.

4. Le salarié a cessé toute activité à compter du 2 novembre 2015.

5. Le 28 juin 2016, il a été licencié pour insuffisance professionnelle par la société Portageo et a saisi la juridiction prud'homale aux fins de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail avec la société Airbus opérations, de requalification en contrat de travail de droit commun du contrat conclu avec la société Portageo et de paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de M. [P]

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident de la société Portageo, qui est préalable

Enoncé du moyen

7. La société Portageo fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer à ce dernier des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, alors :

« 1°/ que par dérogation au droit commun, l'entreprise de portage salarial n'est pas tenue de fournir des missions à son salarié ; que le licenciement d'un salarié porté motivé par une insuffisance de prospection ayant conduit à ce que le salarié n'exerce pas d'activité de portage salarial pendant une longue période repose donc sur une cause de licenciement sui generis, ne pouvant être analysée à travers le prisme de la dichotomie entre insuffisance professionnelle et négligence fautive utilisée en matière de rupture du contrat de travail de droit commun ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que « ''la société Portageo a licencié M. [P] par lettre du 28 juin 2016 à laquelle il est expressément fait référence pour "insuffisance professionnelle en portage salarial" », la cour d'appel a retenu que dès lors que M. [P] n'avait pas exécuté son obligation de rechercher du travail malgré les mises en demeure de son employeur, il ne s'agissait ''pas d'une insuffisance professionnelle mais bien d'une négligence fautive relevant de la matière disciplinaire ce qui justifie que le licenciement de M. [P] soit jugé sans cause réelle et sérieuse'' ; qu'en faisant application de la distinction entre insuffisance professionnelle non disciplinaire et négligence fautive disciplinaire à la rupture d'un contrat de portage salarial, la cour d'appel a violé l'article L. 1254-2 III du code du travail ;

2°/ que l'insuffisance de prospection du salarié qui n'est pas imputée à sa mauvaise volonté ou à un comportement de nature volontaire est constitutive d'une insuffisance professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que « ''la société Portageo a licencié M. [P] par lettre du 28 juin 2016 à laquelle il est expressément fait référence pour "insuffisance professionnelle en portage salarial" », elle l'estime insuffisant dans ses missions de prospection et de négociation commerciale de ses prestations de portage salarial, elle lui rappelle qu'en sa qualité de salarié porté, il lui appartient de réaliser lui-même la prospection, la négociation et la définition des prestations de portage salarial effectuées par lui auprès d'entreprises clientes ; qu'en jugeant dès lors le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté la réalité de l'absence de prospection commerciale de l'intéressé, motifs pris que ''M. [P] n'a pas exécuté son obligation de rechercher du travail malgré les deux mises en demeure de son employeur de sorte qu'il ne s'agit pas d'une insuffisance professionnelle mais bien d'une négligence fautive relevant de la matière disciplinaire ce qui justifie que le licenciement de M. [P] soit jugé sans cause réelle et sérieuse'', cependant que la société Portageo, qui ne se prévalait pas de la mauvaise volonté délibérée du salarié ou d'une abstention fautive de sa part, lui reprochait uniquement une insuffisance de prospection d'où il était résulté l'absence de nouvelles missions à lui confier, ce dont il résultait que le licenciement n'avait pas une nature disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1254-2 III, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir analysé le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement et relevé qu'était reprochée au salarié une absence d'exécution de son obligation de rechercher du travail malgré deux mises en demeure, a pu décider que le licenciement avait été prononcé non pour une insuffisance professionnelle mais pour une négligence fautive de sorte qu'il avait un caractère disciplinaire.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi provoqué de la société Portageo

Enoncé du moyen

10. La société Portageo fait grief à l'arrêt de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les allocations versées au salarié du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 3 mois d'indemnités, alors « que la cassation de l'arrêt sur le fondement du pourvoi incident de la société Portageo, en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [P] sans cause réelle et sérieuse, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a ordonné à la société Portageo de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées au salarié à concurrence de trois mois d'indemnités. »

Réponse de la Cour

11. Le rejet du pourvoi incident prive de portée ce moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal de M. [P]

Enoncé du moyen

12. M. [P] fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 10 000 euros les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés, dont le licenciement prononcé avant le 24 septembre 2017 est sans cause réelle et sérieuse, a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que dans le cadre d'un contrat de travail de portage salarial, l'indemnité se calcule sur la base de la rémunération que le salarié a perçue pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en limitant les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 000 euros, somme inférieure aux salaires des six derniers mois effectivement travaillés, aux motifs ''qu'aucun salaire ne lui a été versé pendant les 6 derniers mois de la relation de travail en sorte que l'indemnité minimale prévue par la loi est équivalente à zéro'', la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit.

14. Cependant, dans ses conclusions d'appel, le salarié demandait le versement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse « moyennant le plancher de 6 mois de salaires » prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail.

15. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

16. Selon ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

17. Après avoir retenu que la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était bien fondée sur l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a fixé leur montant à la somme de 10 000 euros aux motifs qu'aucun salaire n'avait été versé au salarié pendant les 6 derniers mois de la relation de travail de sorte que l'indemnité minimale prévue par la loi est équivalente à zéro.

18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la moyenne des trois derniers mois de salaire payés au salarié était de 5.747,35 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation prononcée sur le quatrième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois incident et provoqué de la société Portageo ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le montant des dommages-intérêts alloués à M. [P] à la somme de 10 000 euros, l'arrêt rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Portageo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Portageo à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19670
Date de la décision : 12/04/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 07 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 avr. 2023, pourvoi n°21-19670


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.19670
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