LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 454 F-D
Pourvoi n° Z 21-17.655
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023
M. [I] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-17.655 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Saipem, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La société Saipem a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Saipem, après débats en l'audience publique du 15 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 mars 2021), M. [J] a été engagé en qualité d'agent technique grue le 22 septembre 2008 par la société Saipem, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 300 euros.
2. Licencié le 30 août 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 20 janvier 2014, de demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié et sur les quatre moyens du pourvoi incident de l'employeur
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre un simple décompte des heures quotidiennes ou hebdomadaires réalisées par le salarié. En l'espèce, la cour d'appel a constaté que le salarié produisait ''un décompte mensuel du nombre de jours travaillés et du nombre d'heures travaillées par jour'', ce dont il se déduisait qu'il présentait des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur pouvait répondre en produisant ses propres éléments ; qu'en jugeant au contraire, pour débouter M. [J] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, que ''ce décompte n'est pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments'', la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié se borne à communiquer un décompte mensuel du nombre de jours travaillés et du nombre d'heures travaillées par jour et que ce décompte n'est pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [J] de sa demande formée au titre des heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 17 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Saipem aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saipem et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.