LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 464 F-D
Pourvoi n° W 20-10.518
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 juillet 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023
1°/ La société France distrib, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [U] [P], agissant en qualité de liquidateur de la société France Distrib, ont formé le pourvoi n° W 20-10.518 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige les opposant à M. [V] [N], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société France distrib et de la société Ekip', ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 15 mars 2023 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 septembre 2019), M. [N] a été engagé en qualité de voyageur représentant placier (VRP) non exclusif par la société France distrib (la société) à compter du 30 octobre 2014.
2. Le salarié a été licencié le 28 août 2015.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 6 avril 2016, afin de contester son licenciement, solliciter la requalification de son contrat en un contrat de VRP exclusif à temps complet et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
4. Par jugement du 2 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société et la société Ekip', désignée en qualité de liquidatrice, a régulièrement repris l'instance.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, de congés payés afférents et d'indemnité compensatrice de préavis, alors « que le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que M. [N] était ''soumis de fait'' par la société France Distrib à une clause d'exclusivité, et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, ''le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel'', exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 7313-6 du code du travail et 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :
7. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés.
8. Selon le second, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.
9. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.
10. Pour requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, l'arrêt retient qu'il se déduit des pièces produites par le salarié et de l'économie générale du contrat que le représentant devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de son employeur et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'il était amené sur son lieu de travail et ramené par son chef d'équipe. Il en déduit qu'il était donc soumis de fait par son unique employeur à une clause d'exclusivité.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressé à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que le salarié n'était pas soumis à une clause d'exclusivité et ne pouvait prétendre au bénéfice de la rémunération minimale forfaitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation prononcée sur le premier moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le contrat de travail de voyageur représentant placier non exclusif de M. [N] en contrat de travail de voyageur représentant placier exclusif et condamne la société France Distrib à lui payer les sommes de 2 316,04 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 247,78 euros bruts au titre des congés payés, 1 238,90 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.