LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2023
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 462 F-D
Pourvoi n° U 20-10.516
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 mai 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023
1°/ La société France distrib, société à responsabilité limitée, en liquidation judiciaire, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [F] [X], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société France distrib,
ont formé le pourvoi n°U 20-10.516 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige les opposant à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société France distrib et de la société Ekip', ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 15 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 septembre 2019), Mme [G] a été engagée en qualité de voyageur représentant placier (VRP) non exclusif par la société France Distrib (la société) à compter du 5 février 2015.
2. La salariée a démissionné le 31 mars 2015.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 6 avril 2016, afin de solliciter la requalification de son contrat en un contrat de VRP exclusif à temps complet ainsi que le paiement de diverses sommes.
4. Par jugement du 2 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société et la société Ekip', désignée en qualité de liquidatrice, a régulièrement repris l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif de la salariée en contrat de travail de VRP exclusif et de le condamner à lui payer des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, de congés payés afférents et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors « que le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que Mme [G] était ''soumise de fait'' par la société France Distrib à une clause d'exclusivité, et, en conséquence, qu'elle pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, ''le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel'', exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L.7313-6 du code du travail et 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :
6. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés.
7. Selon le second, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.
8. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.
9. Pour requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif de la salariée en contrat de travail de VRP exclusif et condamner l'employeur à lui payer des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, l'arrêt retient qu'il se déduit des pièces produites par la salariée et de l'économie générale du contrat que la représentante devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de son employeur et qu'elle était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'elle était amenée sur son lieu de travail et ramenée par son employeur ou son chef d'équipe. Il en déduit qu'elle était donc soumise de fait par son unique employeur à une clause d'exclusivité.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail de la salariée ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressée à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que la salariée n'était pas soumise à une clause d'exclusivité et ne pouvait prétendre au bénéfice de la rémunération minimale forfaitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt critiquées par le moyen entraîne la cassation des chefs de dispositif ayant ordonné à l'employeur la remise à la salariée des bulletins de salaire et des documents sociaux dûment rectifiés ainsi que ceux ayant condamné l'employeur aux dépens ainsi qu'à verser à la salariée une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.