LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
COUR DE CASSATION
FD
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 5 avril 2023
NON-LIEU A RENVOI
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 506 FS-D
Affaire n° F 23-40.002
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 AVRIL 2023
La cour d'appel de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite à l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 19 janvier 2023, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
1°/ M. [O] [L], domicilié [Adresse 4],
2°/ Mme [W] [S], domiciliée [Adresse 3],
3°/ [E] [L], domiciliée [Adresse 4], mineure représentée par son père, M. [O] [L],
tous trois agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [L],
4°/ Mme [C] [G], épouse [L], domiciliée [Adresse 1],
5°/ Mme [B] [X], épouse [S], domiciliée [Adresse 2],
D'autre part,
le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 6].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [L], Mme [S], [E] [L], représentée par son père, M. [O] [L], Mme [G], épouse [L] et Mme [X], épouse [S], les observations écrites et orales de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, M. Martin, Mme Chauve, M. Pedron, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Le 22 août 2017, [Y] [L], piéton, a été victime d'un accident de la circulation en Irlande, qui a entraîné son décès le [Date décès 5] suivant.
2. Une juridiction irlandaise a condamné la conductrice du véhicule impliqué dans l'accident à une peine correctionnelle. La société Zurich assurances, assureur de celle-ci, a versé aux parents de la victime diverses sommes en réparation de certains de leurs préjudices.
3. Les parents de la victime, ses grands-mères et sa soeur (les consorts [L]) ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
4. Par jugement du 25 novembre 2021, la CIVI a dit que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) était seul compétent pour indemniser les ayants droit de [Y] [L] en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, s'est elle-même déclarée incompétente sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale pour connaître de l'indemnisation sollicitée et a déclaré en conséquence la requête des consorts [L] irrecevable.
5. Ceux-ci ont relevé appel de cette décision et ont saisi la cour d'appel de deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
6. Par arrêt du 15 décembre 2022, la cour d'appel de Paris a transmis l'une de ces questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigée :
« L'article 706-3 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par la Cour de cassation, est-il compatible avec le principe d'égalité en ce qu'il entraîne une différence de traitement dans l'indemnisation des victimes françaises d'un accident de la circulation à l'étranger en fonction du lieu de survenance de cet accident ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
7. En application des articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites.
8. La disposition dont la constitutionnalité est contestée est l'article 706-3 du code de procédure pénale, qui instaure, devant la CIVI, une procédure d'indemnisation des victimes de certaines infractions par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. Cet article exclut de son champ d'application les dommages relevant du chapitre 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relatif aux victimes d'accident de la circulation, qui ont vocation à être indemnisées soit par l'assureur du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué, soit par le FGAO.
9. La Cour de cassation juge que cet article n'est pas applicable à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation survenus dans un pays de l'Espace économique européen, telle l'Irlande, ou dont le bureau national d'assurance a adhéré au régime de la carte internationale d'assurance, qui relève du régime institué aux articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, transposant la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000, qui prévoient, notamment, la prise en charge des préjudices par le FGAO, en cas de défaillance de l'assureur du véhicule responsable (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014 ; 2e Civ, 6 mai 2021, n° 19-24.996 et 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-22.100).
10. Il en résulte que l'indemnisation des dommages dont les consorts [L] sollicitent réparation relève des articles précités du code des assurances, qui ne sont pas visés par la question prioritaire de constitutionnalité, et non de l'article 706-3 du code de procédure pénale.
11. En conséquence, la disposition contestée n'est pas applicable au litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.