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05/04/2023 | FRANCE | N°21-21880

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 avril 2023, 21-21880


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 avril 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 280 F-D

Pourvoi n° S 21-21.880

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023

1°/ Mme [U] [M] [J], épouse [W], domiciliée [Adress

e 10],

2°/ la société Dolol, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 10],

3°/ la société [E] et Rousselet, exerçant sous l'enseign...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 avril 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 280 F-D

Pourvoi n° S 21-21.880

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023

1°/ Mme [U] [M] [J], épouse [W], domiciliée [Adresse 10],

2°/ la société Dolol, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 10],

3°/ la société [E] et Rousselet, exerçant sous l'enseigne SEL [E], dont le siège est [Adresse 7], en la personne de M. [S] [E], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Dolol,

4°/ la société [L]-Daude, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], en la personne de M. [R] [L], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Dolol,

5°/ la société Fides, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], en la personne de M. [N] [B], agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [U] [M] [J], épouse [W],

6°/ la société [K] Partners, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], en la personne de M. [Z] [K], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de Mme [U] [M] [J], épouse [W],

ont formé le pourvoi n° S 21-21.880 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la direction nationale de vérification de situations fiscales, agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques de Paris et du directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comptable responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest,

2°/ à la société Axa Banque, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [W], de la société Dolol, de la société [E], ès qualités, de la société [L]-Daude, ès qualités, de la société Fides, ès qualités et de la société [K] Partners, ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la direction nationale de vérification de situations fiscales, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2021), la société en nom collectif Dolol (la SNC Dolol), dont Mme [W] était la gérante, a acquis, le 1er octobre 2012, un bien immobilier au prix de 15 200 000 euros.

2. Le 17 avril 2015, le comptable chargé du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest, estimant que ce bien constituait en réalité la propriété exclusive de Mme [W], qui avait fait l'objet de divers redressements au titre de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune et serait, à ce titre, débitrice, solidairement avec son époux, de la somme de 13 748 266 euros, a assigné la SNC Dolol et Mme [W] en déclaration de simulation.

3. La SNC Dolol a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 30 novembre 2015. Un plan de sauvegarde prévoyant l'apurement de l'intégralité de son passif sur une durée de six années a été arrêté le 28 novembre 2019. La société [E] et Rousselet a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la société [L]-Daude maintenue en qualité de mandataire judiciaire.

4. Mme [W] a été mise en redressement judiciaire le 16 février 2021, la société Fides ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la société [K] Partners en qualité d'administrateur judiciaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [W] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 février 2016 qui a dit qu'elle était la véritable propriétaire, aux lieu et place de la SNC Dolol, du bien immobilier situé au [Adresse 3]/[Adresse 4] à [Localité 11], cadastré section AP, numéro [Cadastre 5], lieudit [Adresse 3], pour une contenance de 00ha 10a 09ca, et a ordonné la réintégration des biens et droits immobiliers dans le patrimoine de Mme [W], alors :

« 1°/ que, selon les constatations de l'arrêt, le prix d'acquisition du bien immobilier a été entièrement payé par la SNC Dolol, au moyen d'un prêt contracté par elle auprès de la société Axa Banque, son immeuble a été mis en location, la société a perçu les loyers et remboursé partiellement l'emprunt, d'où il résulte qu'elle avait une activité réelle conforme à son objet social, qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision de retenir une simulation au regard de l'article 1201 du code civil ;

2°/ que Mme [W] exposait, dans ses écritures, que les sommes qu'elle avait mises à la disposition de la SNC Dolol étaient des avances en compte courant ayant pour contrepartie l'inscription d'une créance à son profit dans les comptes de la société, si bien qu'en retenant que le bien avait été financé dans sa quasi-intégralité par Mme [W], sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1201 du code civil ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le relevé de compte de la SNC Dolol faisait ressortir que les échéances de remboursement du prêt étaient payées par la société elle-même et non par Mme [W], si bien qu'en affirmant que "les relevés bancaires de la SNC Dolol établissent que les échéances trimestrielles intermédiaires entre le 16 novembre 2012 et le 23 septembre 2014 ont été acquittées par Mme [W]", la cour d'appel a dénaturé lesdits relevés, violant ainsi l'interdiction précitée ;

4°/ que Mme [W] faisait valoir que le solde du prêt devait être remboursé par la revente du bien immobilier à laquelle la SNC Dolol s'était engagée conformément à l'article 1115 du code général des impôts, mais que la revente avait été rendue impossible par l'inscription d'hypothèque judiciaire par l'administration fiscale, de sorte qu'en affirmant qu'en l'absence de perspective de remboursement du prêt par la société, il était inévitable que Mme [W] assure ce remboursement, sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que Mme [W] justifiait que le schéma de financement adopté pour l'acquisition en cause, consistant en la souscription d'un prêt in fine garanti par un cautionnement réel portant sur un contrat d'assurance-vie ou des avoirs financiers détenus par le prêteur, était celui proposé par toutes les grandes banques françaises et internationales, si bien qu'en assimilant la mise en jeu du cautionnement au financement direct de l'acquisition par l'associé pour en déduire l'existence d'une simulation, sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 1321 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les parties contractantes ; elles n'ont point d'effet contre les tiers.

7. Par motifs propres et adoptés, l'arrêt constate que, le 24 juillet 2012, une promesse de vente portant sur un hôtel particulier a été consentie au bénéfice de Mme [W], avec faculté de substitution, moyennant le prix de 15 200 000 euros, et que, le 1er octobre 2012, la vente a été conclue avec la SNC Dolol, substituée dans les droits de Mme [W], cette société, immatriculée le jour même de la vente, ayant été constituée entre Mme [W], gérante et détentrice de 99 % du capital social, lequel ne s'élevait qu'à 10 000 euros, et son fils, M. [O] [W], détenteur du 1 % restant.

8. Il retient ensuite que, si un prêt de 16 000 000 euros, destiné au financement de cette acquisition, a été consenti, le 25 septembre 2012, par la société Axa Banque à la SNC Dolol, pour une durée de trois ans, le remboursement du capital étant stipulé in fine et les échéances portant sur les intérêts trimestriels à terme échu, la SNC Dolol ne présentait cependant pas les garanties permettant l'octroi d'un tel prêt ni n'était en mesure d'acquitter les intérêts intermédiaires, que Mme [W] s'est portée caution personnelle et solidaire à hauteur de 17 600 000 euros et a accepté de déléguer partiellement au profit du prêteur des créances d'assurance-vie à hauteur de, respectivement, 10 166 444 euros et 6 481 729 euros et qu'aucune hypothèque n'était inscrite sur le bien litigieux à la date du 13 mars 2015. Il en déduit que l'obligation de rembourser les échéances du prêt, en cas de défaillance de la SNC Dolol, reposait uniquement sur Mme [W], ce qui est confirmé par les conditions de remboursement du prêt à l'échéance le 30 septembre 2015.

9. Il relève encore qu'il ressort des relevés bancaires de la SNC Dolol que, du 4 octobre 2012 au 4 novembre 2013, les seules opérations portées au crédit du compte de cette société provenaient de Mme [W], qui alimentait ledit compte par des virements émis depuis son compte personnel ou du compte ouvert au nom de M. ou Mme [W], juste avant ou juste après le prélèvement des échéances trimestrielles de remboursement du prêt immobilier, et que si, du 5 novembre 2013 au 30 septembre 2014, période au cours de laquelle l'hôtel particulier a été donné à bail, le compte de la SNC Dolol a été alimenté par des virements mensuels de 23 000 euros effectués par M. [Y], locataire du bien litigieux, Mme [W] a continué à effectuer des virements de 37 026,48 euros le 1er avril 2014, de 40 000 euros le 25 juin 2014 et de 30 000 euros le 23 septembre 2014, les loyers perçus par la SNC Dolol étant insuffisants pour assurer le remboursement des échéances du prêt et le règlement des charges d'entretien. Il relève encore que des factures Veolia de mars 2013 et juin 2013, correspondant aux consommations de décembre 2012 et mai 2013, sont établies au nom de Mme [W].

10. Il relève enfin que, par un acte de cession d'actions du 20 février 2013, enregistré le 11 avril suivant au service d'enregistrement des entreprises du 7e arrondissement, Mme [W] et son fils ont cédé, au prix de 10 000 euros, l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans la SNC Dolol à une société de droit luxembourgeois Chen World Properties SA, créée le 4 avril 2012, dont l'actionnaire unique est la société GBT Holding, ayant elle-même pour actionnaire unique l'époux de Mme [W], mais que cette cession n'a pas été publiée et que Mme [W] et la SNC Dolol ont précisé que le projet n'avait pas abouti, le prix de cession n'ayant jamais été payé.

11. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et n'a pas commis la dénaturation alléguée, s'étant bornée à relever que Mme [W] avait fourni les fonds employés par la SNC Dolol pour le règlement des échéances trimestrielles entre le 16 novembre 2012 et le 23 septembre 2014, a pu retenir l'existence d'une simulation par interposition d'acquéreur, laquelle n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité réelle de la société interposée, et a ainsi légalement justifié sa décision d'ordonner la réintégration, dans le patrimoine de Mme [W], du bien immobilier acquis le 1er octobre 2012 par la SNC Dolol.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [W], la SNC Dolol, la société Fides, prise en la personne de M. [B], en qualité de mandataire judiciaire de Mme [W], la société [K] Partners, prise en la personne de M. [K], en qualité d'administrateur judiciaire de Mme [W], la société [E] et Rousselet, prise en la personne de M. [E], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SNC Dolol, et la société [L]-Daude, prise en la personne de M. [L], en qualité de mandataire judiciaire de la SNC Dolol, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-21880
Date de la décision : 05/04/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 avr. 2023, pourvoi n°21-21880


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.21880
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