LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 334 F-D
Pourvoi n° E 21-20.121
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 AVRIL 2023
M. [T] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-20.121 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à l'association [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [V], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association [3], après débats en l'audience publique du 15 février 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 mai 2021), M. [V] a été engagé le 1er mai 2010 par l'association [3] ([3], ci-après l'association). Le 2 mai 2016, il a été désigné par un syndicat comme candidat au premier tour des élections des délégués du personnel, fixé au 30 mai 2016.
2. Le 26 août 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 5 septembre 2016 auquel il ne s'est pas présenté, avec notification de mise à pied conservatoire. Par lettre du 12 septembre 2016, l'association a sollicité l'autorisation de licencier le salarié.
3. Le 19 septembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution fautive du contrat de travail et discrimination syndicale.
4. Par décision du 10 novembre 2016, l'inspection du travail a rejeté l'autorisation de licenciement du salarié pour incompétence matérielle, le salarié ne bénéficiant plus de la protection spéciale depuis le 2 novembre 2016. L'association a notifié au salarié son licenciement pour faute grave par lettre du 19 novembre 2016.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième et quatrième moyens et sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de ne requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein qu'à compter du 1er février 2015
5. En application de l'articl 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de rappel de salaires pour la période du 1er février 2015 au 19 novembre 2016
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 19 269,75 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er février 2015 au 19 novembre 2016 et de le débouter du surplus de ses demandes à ce titre, alors « que le juge doit en toutes circonstances respecter le principe du contradictoire ; qu'il ne peut à ce titre relever d'office un moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce qu'il convenait de déduire du montant du rappel de salaire dû à l'exposant consécutivement à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet à partir du 1er février 2015, la somme de 22 315,59 euros qui lui avait été payée en avril 2016 au titre de ses heures complémentaires, déduction qui n'était nullement demandée par l'employeur, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
7. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
8. Pour condamner l'association à payer au salarié la somme de 19 269,75 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er février 2015 au 19 novembre 2016, après avoir dit que le recours par l'employeur à des heures complémentaires a eu pour effet, à compter de la date de cette première irrégularité, de porter la durée du travail du salarié à celle d'un temps complet, de sorte qu'il doit être fait droit à la demande de requalification à partir du 1er février 2015, l'arrêt retient que le rappel de salaire correspondant, au vu des bulletins de salaire reconstitués du salarié, s'élève sur la base de la différence entre un salaire à temps plein de 4 631,24 euros bruts et le salaire à temps partiel perçu de 2 886,40 euros, à la somme de 41 585,34 euros bruts, dont à déduire la somme de 22 315,59 euros perçue au titre des heures complémentaires, soit au total la somme de 19 269,75 euros, le calcul partiellement présenté en net par le salarié étant impossible à vérifier.
9. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de ce qu'il convenait de déduire du montant du rappel de salaire dû au salarié au titre de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet à partir du 1er février 2015, la somme de 22 315,59 euros qui lui avait été payée en avril 2016 au titre de ses heures complémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 19 269,75 euros bruts le montant de la condamnation de l'association [3] à payer à M. [V] à titre de rappel de salaires pour la période du 1er février 2015 au 19 novembre 2016, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne l'association [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association [3] et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.