LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 268 F-B
Pourvoi n° Q 21-11.827
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
M. [X] [B], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 21-11.827 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
2°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 2], ayant une antenne [Adresse 4]
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 novembre 2020), le 7 juillet 2016, M. [B] a demandé à l'administration fiscale le dégrèvement partiel de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dont il s'était acquitté au titre des années 2014 et 2015, au motif que devait être rétroactivement déduite de l'assiette de l'ISF une dette correspondant au montant de la prestation compensatoire qu'il avait été condamné à payer à son ex-épouse par un jugement de divorce du 4 février 2016.
2. Après rejet de sa réclamation, M. [B] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir condamner l'administration fiscale à lui restituer les sommes de 89 114 euros et de 86 494 euros au titre de l'ISF pour les années 2014 et 2015, alors « qu'est déductible de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune une dette certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'en cas de contestation relative au montant de la dette, sans que son principe soit discuté, la déduction s'opère rétroactivement pour le montant arrêté par la décision mettant fin à la contestation ; qu'il résultait des motifs de l'arrêt attaqué que, dans la procédure de divorce engagée en 2011 par M. [B], les parties s'accordaient sur le principe d'une prestation compensatoire due à l'épouse par le mari et ne s'opposaient que sur le montant de cette prestation ; qu'il s'ensuivait, dans la mesure où le juge du divorce est tenu de respecter l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, que la dette de M. [B] au titre de la prestation compensatoire était certaine, dans son principe, dès avant le jugement du 4 février 2016 l'ayant fixée à la somme de 7,5 millions d'euros ; qu'en jugeant cependant que la dette de M. [B] au titre de la prestation compensatoire était restée incertaine jusqu'au jugement du 4 février 2016, et en refusant par conséquent de déduire cette dette de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2014 et 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 768 du code général des impôts, 885 D et 885 E du même code, applicables à la cause, ensemble les articles 270 du code civil et 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Pour être déductible de l'assiette de l'ISF, une dette doit, par application des articles 885 D et 885 E, alors applicables, et 768 du code général des impôts, être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, une dette incertaine du fait d'une contestation pouvant toutefois être rétroactivement déduite lorsque son montant est ultérieurement arrêté par une décision mettant fin à la contestation.
5. Il résulte de l'article 270 du code civil que le droit à une prestation compensatoire naît à la date à laquelle la décision prononçant le divorce devient irrévocable.
6. Dès lors, une dette de prestation compensatoire dont le montant a été arrêté postérieurement au fait générateur de l'ISF, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, ne peut être rétroactivement déduite de l'assiette de cet impôt qu'à condition que le divorce ait été prononcé par une décision devenue irrévocable avant cette date, peu important qu'un accord des parties sur le principe du versement d'une prestation compensatoire ait existé au jour du fait générateur.
7. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'un jugement du 4 février 2016, devenu irrévocable par l'acquiescement réciproque des parties, intervenu le 24 mars 2016, a prononcé le divorce de M. [B] et de son épouse et mis à la charge du premier le versement d'une prestation compensatoire.
8. Il en résulte que la dette correspondant à la prestation compensatoire que M. [B] a été condamné à payer n'était pas née au 1er janvier des années 2014 et 2015 et qu'elle n'était donc pas déductible de l'assiette de l'ISF dû au titre de ces années.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
10. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.