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29/03/2023 | FRANCE | N°21-20915

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mars 2023, 21-20915


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mars 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 324 F-D

Pourvoi n° T 21-20.915

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MARS 2023

M. [F] [H], domicilié [Adresse 1], a f

ormé le pourvoi n° T 21-20.915 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mars 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 324 F-D

Pourvoi n° T 21-20.915

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MARS 2023

M. [F] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-20.915 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Serdis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [H], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Serdis, après débats en l'audience publique du 8 février 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 juin 2021), M. [H] a été engagé à compter du 8 octobre 1992 par la société Serdis (la société). Il a successivement été positionné sur différentes fonctions et au dernier état de la relation de travail, il a occupé le poste de directeur cadre du 1er mai 2013 au 17 décembre 2017.

2. Contestant le bien-fondé de son licenciement intervenu le 15 septembre 2017, le salarié a saisi le 25 septembre 2017 la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en exécution de son contrat de travail et de la rupture de ce dernier.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre du harcèlement moral, alors :

« 1°/ que lorsqu'il est saisi d'un litige relatif à un harcèlement, le juge qui retient l'existence de faits permettant de présumer l'existence d'une situation de harcèlement ne peut débouter le salarié de ses demandes sans se fonder sur des motifs permettant d'établir que l'employeur justifie ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [H], au nombre des faits laissant présumer une situation de harcèlement, établissait que la société avait engagé de manière temporaire M. [C], ancien directeur du magasin à la retraite sanctionné et licencié cinq ans plus tôt notamment pour son attitude envers le salarié, afin de le pousser au départ, de libérer son poste de directeur de magasin et de le confier à M. [S] [R], frère jumeau du dirigeant de l'entreprise, que lors d'une réunion du 6 janvier 2017, le PDG de la société Serdis avait annoncé à l'ensemble des cadres et agents de maîtrise de l'entreprise l'embauche en qualité de ''général manager'' de M. [C], l'humiliant ainsi par la remise en cause publique de son autorité et de sa gestion du magasin, cet ancien directeur s'étant immiscé dans ses fonctions de directeur de magasin sans qu'aucune explication préalable ne lui ait été donnée, afin de le déstabiliser, l'évinçant de ses responsabilités commerciales et de ses responsabilités d'encadrement et de gestion de l'établissement, s'est fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à tout harcèlement et débouter, en conséquence, le salarié de ses demandes, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles la société, pour aider M. [H] à redresser la situation du magasin, avait fait appel à M. [C] dont l'intervention n'avait pas été humiliante et s'était faite dans des conditions de préparation et de présentation aux cadres et agents de maîtrise exemptes d'abus ou de faute, sans que M. [H] ait été écarté de ses fonctions de directeur, le salarié n'avait pas exercé toutes les prérogatives lui incombant en 2017 en raison de son absence, M. [C] ayant dû se substituer à lui, et l'employeur l'avait déchargé des réunions de la centrale Scapnor pour qu'il se recentre sur ses fonctions de directeur de magasin, circonstances qui n'étaient pourtant pas de nature à justifier le comportement de l'employeur à l'endroit du salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que la cour d'appel qui, après avoir constaté que M. [H], au nombre des faits laissant présumer une situation de harcèlement, établissait que pour la première fois depuis 16 ans, sa prime de bilan 2017 lui avait été versée avec 8 mois de retard, en décembre 2017 au lieu de mai 2017, à titre de sanction pécuniaire, la société indiquant dans ses écritures d'appel qu'elle avait « volontairement retardé le versement de la prime "bilan" due à M. [H] compte tenu du comportement qu'avait cru devoir adopter ce dernier depuis le début de l'année 2017 », s'est fondée, pour dire que l'employeur justifiait que les décisions prises étaient étrangères à tout harcèlement moral et débouter, en conséquence, le salarié de ses demandes, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles le retard de paiement de la prime bilan était justifié compte tenu du comportement qu'avait adopté M. [H] depuis le début de l'année 2017, refusant de prendre en considération les difficultés rencontrées par le magasin et de travailler de concert avec M. [C] pour remédier à l'augmentation exponentielle des stocks et de la ''casse'', circonstances qui ne permettaient pourtant pas de justifier le comportement de l'employeur à l'endroit du salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

5. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

6. Pour rejeter les demandes, l'arrêt, après avoir retenu comme éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral notamment le fait que l'employeur avait engagé M. [C] le 16 janvier 2017 en qualité de « général manager », ancien salarié de la société qui avait été licencié cinq ans auparavant notamment suite à son attitude envers M. [H] et à l'immixtion de ce salarié dans les fonctions de directeur du magasin exercées par ce dernier, et, le retard volontaire paiement de la prime bilan due au salarié, relève que s'il était effectivement particulièrement inapproprié dans le contexte du litige de recruter le frère jumeau du dirigeant légal de la société pour remplacer M. [H] au poste de directeur du magasin, en raison des suspicions que cela ne pouvait que provoquer, il n'en demeure pas moins que les mesures prises par l'employeur étaient justifiées par la nécessité de redresser la situation du magasin, que l'employeur a légitimement pu faire appel à M. [C] pour aider M. [H] à redresser la situation du magasin en limitant les stocks et la « casse » autant que possible par un management efficace, que l'intervention de M. [C] n'a aucunement été humiliante et qu'elle s'est faite dans des conditions de préparation et de présentation aux cadres et agents de maîtrise exemptes d'abus ou de faute.

7. L'arrêt ajoute que M. [H] n'a pas été écarté de ses fonctions de directeur mais qu'il s'est lui-même mis hors-jeu en déniant les problèmes et en refusant l'aide que son employeur a mobilisée.

8. L'arrêt en déduit que les problèmes de santé de M. [H] ne peuvent pas être imputés à la faute de l'employeur ni à des faits de harcèlement moral ou à des manquements à l'obligation de sécurité.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'ensemble des mesures prises par l'employeur étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en particulier le choix en qualité de « général manager » aux côtés du salarié d'une personne avec laquelle il n'était pas contesté que ce dernier avait rencontré de graves difficultés relationnelles cinq ans auparavant et la décision de reporter le paiement d'une prime, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge qu'il n'y a aucun élément de nature à justifier du harcèlement moral, en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes afférentes au harcèlement moral et en ce qu'il condamne le salarié aux dépens, à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Serdis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Serdis et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-20915
Date de la décision : 29/03/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 08 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mar. 2023, pourvoi n°21-20915


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.20915
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