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22/03/2023 | FRANCE | N°21-23360

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mars 2023, 21-23360


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 mars 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 221 F-D

Pourvoi n° A 21-23.360

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 MARS 2023

La société SB alliance, société en nom collectif

, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-23.360 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 mars 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 221 F-D

Pourvoi n° A 21-23.360

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 MARS 2023

La société SB alliance, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-23.360 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Syneha, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société SB alliance, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Syneha, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2021) rendu en référé et les productions, le 3 juin 2014, la société SB alliance (la société SB), qui exerce une activité de centrale de référencement, a conclu un contrat avec la société Syneha aux termes duquel celle-ci assurait une mission de gestion du référencement des fournisseurs de la société SB. Le 8 décembre 2016, un avenant à ce contrat a été signé, à effet du 1er juin 2017, pour une durée de deux années, le contrat étant renouvelable par tacite reconduction par périodes successives de deux années, sauf dénonciation.

2. Par lettre du 2 juin 2020, la société SB a notifié à la société Syneha sa décision de ne pas renouveler le contrat du 8 décembre 2016 à la date du 1er juin 2021.

3. Sur requête de la société SB fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, une ordonnance du 23 octobre 2020 a désigné un huissier de justice aux fins d'obtenir de la société Syneha la communication de certains documents.

3. Par lettre du 10 novembre 2020, reçue par courriel le 13 novembre 2020, la société SB a notifié à la société Syneha sa décision de résilier le contrat du 8 décembre 2016 avec effet immédiat.

4. Invoquant le dommage imminent que lui causait la rupture sans préavis, la société Syneha a assigné en référé la société SB en demandant le maintien du contrat jusqu'au 31 décembre 2021 ainsi que la communication, par cette société, de certains documents.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société SB fait grief à l'arrêt d'ordonner le maintien jusqu'au 1er juin 2021 des effets du contrat conclu le 8 décembre 2016 avec la société Syneha, alors « qu' en s'abstenant de s'expliquer sur la circonstance que le manquement grave, de nature à justifier la résiliation du contrat, tiré de l'opposition de la société Syneha, le 29 octobre 2020, à l'exécution d'une décision de justice prescrivant une mesure d'instruction in futurum, avait été révélé entre le 2 juin et le 10 novembre 2020, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ensemble l'article 1124 nouveau du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 873 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, le président du tribunal peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

7. Pour ordonner le maintien jusqu'au 1er juin 2021 des effets du contrat en cause, l'arrêt retient qu'aucun des manquements imputés à la société Syneha, dont se prévaut la société SB au soutien de la résiliation sans préavis du 10 novembre 2020, n'a été révélé entre les 2 juin et 10 novembre 2020 et en déduit qu'aucun des manquements allégués par la société SB n'est de nature à justifier une telle résiliation.

8. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la circonstance, invoquée par la société SB au titre des faits reprochés à la société Syneha justifiant la rupture immédiate du contrat, de l'opposition de celle-ci à l'exécution de la mesure d'instruction ordonnée le 23 octobre 2020, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Syneha aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Syneha et la condamne à payer à la société SB alliance la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société SB Alliance.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué, critiqué par la SNC SB ALLIANCE, encourt la censure,

EN CE QU'il a ordonné le maintien jusqu'au 1er juin 2021 des effets du contrat signé le 8 décembre 2016 entre les sociétés SYNÉHA SAS et SNC SB ALLIANCE ;

ALORS QUE, PREMIÈREMENT, le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer ; que le juge des référés ne peut dès lors ordonner le maintien d'un contrat à l'effet de prévenir le dommage imminent résultant de la rupture elle-même lorsque le contrat a déjà été rompu à la date à laquelle il statue ; qu'en se fondant sur la nécessité de prévenir le dommage imminent résultant de la rupture du contrat du 8 décembre 2016 quand ils constataient que ce contrat, dont le terme expirait le 1er juin 2021, était résilié depuis le 20 novembre 2020, de sorte que le dommage invoqué s'était déjà réalisé, les juges du fond ont violé l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, lorsqu'il ordonne une mesure à l'effet de prévenir un dommage imminent, le juge des référés doit s'assurer que cette mesure n'est pas disproportionnée au regard du but poursuivi ; qu'au cas d'espèce, la société SB ALLIANCE invitait le juge à constater les conséquences excessives qu'aurait le maintien du contrat du 8 décembre 2016, dès lors qu'il avait été rompu depuis près d'un an, que la résiliation n'avait précédé son terme que de 7 mois et qu'à la suite de la rupture, la société SB ALLIANCE avait conclu d'autres contrats avec les fournisseurs du groupe SAVENCIA, incompatibles avec le maintien rétroactif du contrat du 8 décembre 2016 ; qu'en s'abstenant de rechercher si eu égard à ces circonstances, le maintien rétroactif du contrat n'était pas disproportionné au regard du but poursuivi, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, les juges du fond sont tenus de respecter les limites du litige ; qu'au cas d'espèce, la société SYNEHA sollicitait le maintien du contrat du 8 décembre 2016 jusqu'à la date du 30 juin 2022, en invoquant l'obligation de la société SB ALLIANCE de lui accorder un préavis suffisant, eu égard aux caractéristiques de la relation contractuelle ; que la société SB ALLIANCE s'opposait au maintien du contrat jusqu'à cette date ; qu'en privant d'effet la décision de résiliation du 10 novembre 2020, pour maintenir le contrat jusqu'au 1er juin 2021, date de son terme, les juges du fond ont méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué, critiqué par la SNC SB ALLIANCE encourt la censure,

EN CE QU'il a ordonné le maintien jusqu'au 1er juin 2021 des effets du contrat signé le 8 décembre 2016 entre les sociétés SYNÉHA SAS et SNC SB ALLIANCE ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, dans le cadre du contrat conclu le 8 décembre 2016, il était prévu que la rémunération de la société SYNEHA, en contrepartie du processus de référencement, était acquittée par les fournisseurs des sociétés du groupe SAVENCIA ; que la société SB ALLIANCE et la société SYNEHA étaient de ce fait même en situation d'indivisibilité avec les fournisseurs référencés en application du contrat du 8 décembre 2016 ; qu'en acceptant de statuer sur la demande de la société SYNEHA, visant à la poursuite du contrat, nonobstant sa résiliation par la société SB ALLIANCE, sans que soient mis en cause les fournisseurs débiteurs de la rémunération due à la société SYNEHA, les juges du fond ont violé l'article 14 du code de procédure ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, à la suite de la résiliation du contrat du 8 décembre 2016, la société SB ALLIANCE a conclu de nouvelles conventions de référencement avec les fournisseurs aux termes desquelles les fournisseurs s'acquittent d'une commission en contrepartie de leur référencement ; que le maintien du contrat du 8 décembre 2016, comportant obligation pour les fournisseurs de rémunérer la société SYNEHA, tel que décidé par les juges du fond, postulait l'anéantissement des contrats passés avec la société SB ALLIANCE avec les fournisseurs ; qu'en acceptant néanmoins de statuer sans que les fournisseurs soient en cause, les juges du fond ont violé l'article 14 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué, critiqué par la SNC SB ALLIANCE encourt la censure,

EN CE QU'il a ordonné le maintien jusqu'au 1er juin 2021 des effets du contrat signé le 8 décembre 2016 entre les sociétés SYNÉHA SAS et SNC SB ALLIANCE ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans ses conclusions, la société SB ALLIANCE invoquait, au titre des manquements graves justifiant la résiliation du contrat, les indices graves de conflit d'intérêts, le refus de la société SYNEHA de répondre aux demandes d'éclaircissement du Groupe et son opposition, le 29 octobre 2020, à l'exécution d'une décision de justice prescrivant une mesure d'instruction in futurum ; qu'en retenant qu'aucun des manquements imputés à la société SYNEHA, dont se prévaut la société SB ALLIANCE au soutien de la résiliation sans préavis du 10 novembre 2020, n'ont été révélés entre le 2 juin et le 10 novembre 2020, les juges du fond ont dénaturé les conclusions de la société SB ALLIANCE et violé le principe susvisé ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en s'abstenant de s'expliquer sur la circonstance que le manquement grave, de nature à justifier la résiliation du contrat, tiré de l'opposition de la société SYNEHA, le 29 octobre 2020, à l'exécution d'une décision de justice prescrivant une mesure d'instruction in futurum, avait été révélé entre le 2 juin et le 10 novembre 2020, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ensemble l'article 1124 nouveau du code civil ;

ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, avant d'écarter le grief tiré du conflit d'intérêt à raison du temps écoulé entre les alertes du mois d'octobre 2019 et la notification de la résiliation le 10 novembre 2020, les juges du fond se devaient de rechercher si la société SB ALLIANCE n'était pas fondée à procéder de la sorte dès lors que les simples alertes ne démontraient pas la réalité de manquements graves, qu'il lui appartenait de collecter les éléments lui permettant d'être assurée qu'il y avait bien eu conflit d'intérêt entre l'un de ses salariés et la société SYNEHA, que la procédure d'audit interne initiée à la suite des alertes s'est achevée à la fin du mois de septembre 2020 et a donné lieu à des conclusions approuvées le 23 septembre 2020 et que les procédures judiciaires visant à la communication de documents ont donné lieu à l'ordonnance du 23 octobre 2020, laquelle a fait l'objet d'un refus d'exécution le 29 octobre 2020 ; que faute de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ensemble l'article 1124 nouveau du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-23360
Date de la décision : 22/03/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mar. 2023, pourvoi n°21-23360


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.23360
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