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22/03/2023 | FRANCE | N°21-19388

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2023, 21-19388


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 mars 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 275 F-D

Pourvoi n° G 21-19.388

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MARS 2023

Mme [T] [K], domiciliée [Adresse

2], a formé le pourvoi n° G 21-19.388 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 mars 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 275 F-D

Pourvoi n° G 21-19.388

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MARS 2023

Mme [T] [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-19.388 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sonova audiological care France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Audition santé avenir,

2°/ à la société Audilab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société Audissimo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Audilab et Audissimo, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sonova audiological care France, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2021), et les productions, Mme [K] a été engagée en qualité d'audioprothésiste le 13 mai 2009 par la société Sonova audiological care France (la société), anciennement dénommée Audition santé avenir.

2. La société ayant pris la décision de fermer définitivement le centre dans lequel la salariée travaillait, elle l'a convoquée, par lettre du 19 décembre 2015, à un entretien préalable à un licenciement au cours duquel il lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle, qu'elle a accepté le 26 janvier 2015.

3. Par acte notarié du 13 mars 2015, la société Audissimo, se substituant à la société Audilab, a fait l'acquisition du fonds de commerce dans lequel était installé le centre où la salariée travaillait.

4. Soutenant que la rupture de son contrat de travail était sans effet, comme étant intervenue à l'occasion de la cession du fonds de commerce à la société Audissimo et que son contrat devait se poursuivre de plein droit, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir la condamnation de son ancien employeur et des sociétés cessionnaires au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Audissimo et Audilab et à leur condamnation à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions abrogeant la règle de l'unicité de l'instance sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes, et non aux "appels interjetés", à compter du 1er août 2016 ; que pour les instances introduites avant le 1er août 2016, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail restent recevables même en appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 16 juillet 2015, ce qui ressort également du jugement ; qu'en rejetant dès lors comme irrecevables toutes les prétentions de la salariée au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail comme nouvelles en cause d'appel et ne répondant pas aux conditions posées par les articles 564 et 566 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s'évinçait que la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016, soit antérieurement à la date d'effet de l'abrogation de la règle de l'unicité de l'instance, de sorte que ses demandes nouvelles étaient en tout état de cause recevables en cause d'appel, a violé l'article 45 du décret susvisé, ensemble l'article R. 1452-7 du code du travail applicable au litige ;

2°/ que les parties peuvent toujours, en cause d'appel, ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément ; qu'en déclarant irrecevables ses demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Audissimo et Audilab et en condamnation de celles-ci à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand ces demandes constituaient l'accessoire, la conséquence et le complément de ses demandes initiales tendant à ce qu'il soit dit que son licenciement est privé d'effet et que son contrat de travail s'est poursuivi avec les sociétés Audissimo et Audilab, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 et l'article 566 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017.».

Réponse de la Cour

7. D'abord, l'arrêt constate que la salariée justifie la recevabilité de sa demande nouvelle en appel, sur le fondement des articles 565 et 566 du code de procédure civile applicables à l'appel en matière prud'homale depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.

8. Il en résulte que le moyen, qui soutient en sa première branche, que la demande est recevable sur le fondement du principe de l'unicité de l'instance prévu par l'article R. 1452-7 du code du travail, abrogé par l'article 8 du décret précité, est incompatible avec la position soutenue par celle-ci devant la cour d'appel.

9. Ensuite, selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

10. La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à l'égard des sociétés cessionnaires, qui a pour effet de rompre le contrat ne tendant pas aux mêmes fins que la demande initiale fondée sur l'article L. 1224-1 du code du travail qui tend à la poursuite du contrat de travail, c'est à juste titre que la cour d'appel a retenu la fin de non-recevoir.

11. Le moyen irrecevable en sa première branche, n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le motif économique invoqué par l'employeur s'apprécie, lorsque l'employeur appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe ; que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que "l'appartenance d'une entreprise à un groupe n'a(?) une incidence que pour l'appréciation du respect de l'obligation de reclassement" et inféré que le motif économique était justifié par la diminution du chiffre d'affaires de l'établissement de Paris 4ème [qui] est démontrée par l'attestation de l'expert-comptable, ce chiffre d'affaires d'un montant annuel de 98 835 euros démontre que cet établissement n'était pas rentable compte tenu des charges, le paiement du loyer et le salaire de Mme [K], dès lors la décision de céder le fonds s'explique pour maintenir la compétitivité de l'entreprise", ainsi que l'attestation de l'expert-comptable [qui] met en relief la diminution du chiffre d'affaires de ce magasin année après année" et par "un nouveau type de concurrence est apparue avec des assistants d'écoute vendus en pharmacie" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il lui appartenait de vérifier si la réorganisation invoquée par l'employeur était justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartenait la société Sonova audiological care France, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

13. Il résulte de ce texte que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.

14. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir relevé que l'appartenance d'une entreprise à un groupe n'avait d'incidence que pour l'appréciation du respect de l'obligation de reclassement, retient que la diminution du chiffre d'affaires de l'établissement dans lequel travaillait la salariée est démontrée par l'attestation de l'expert comptable, que cet établissement n'était pas rentable, que la décision de céder le fonds était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

15. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si la réorganisation de la société, dont l'appartenance à un groupe n'était pas contestée, était justifiée par l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervenait, d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Audilab et Audissimo, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [K] de ses demandes tendant à ce que son licenciement par la société Sonova audiological care France soit jugé sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de cette dernière à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il la condamne aux dépens et à payer à la société Sonova audiological care France la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Met hors de cause les sociétés Audilab et Audissimo ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Sonova audiological care France, anciennement dénommée Audition santé avenir, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Sonova audiological care France, anciennement dénommée Audition santé avenir, Audilab et Audissimo et condamne la société Sonova audiological care France à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [K]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [T] [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à ce qu'il soit dit que son licenciement est privé d'effet et que son contrat de travail s'est poursuivi avec les sociétés Audissimo SAS et Audilab ;

1°) ALORS QUE la cession d'une unité de production ou d'un établissement, constitué par un ensemble d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, entraîne le transfert d'une entité économique conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés relevant de l'unité de production ou de l'établissement cédé, peu important qu'ils aient été licenciés pour motif économique antérieurement à la cession ; qu'il en résulte que les licenciements économiques prononcés à l'occasion du transfert sont, à l'égard des salariés attachés à l'entité cédée, dépourvus d'effet et que le salarié licencié peut obtenir du cessionnaire la poursuite du contrat de travail ou, s'il l'a refusée, l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement qui se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant dès lors, au contraire, que « la chronologie des faits démontre qu'à la date de la signature de la cession du fonds de commerce, Mme [K] était licenciée depuis deux mois après un processus de concertation et de recherche de reclassement et que celle-ci après avoir signé le CSP s'était inscrite au registre du commerce et des sociétés prévoyant le commencement de son activité le 28 janvier 2015 » et que « Mme [K] n'établit aucune manoeuvre de la part des acquéreurs qui auraient concouru à la perte de son emploi, son licenciement étant antérieur à la lettre d'intention de la société Audilab en date du 17 février 2015 et aucun élément du dossier ne démontre que des pourparlers antérieurs à son licenciement aient eu lieu avec cette société », pour dire que « le contrat de cession de bail indique qu'aucun salarié n'est attaché au fonds de commerce, les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail n'étaient pas réunies », la cour d'appel a violé ce texte ;

2°) ET ALORS QU'en s'abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (cf. conclusions d'appel pp. 13 et suiv.), si la cession du fonds de commerce de l'établissement de la [Adresse 6] à la société Audilab ne constituait pas le transfert d'un ensemble d'éléments corporels ou incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, et dont l'activité est poursuivie ou reprise en conservant son identité, donc le transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [T] [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Audissimo SAS et Audilab et en condamnation de celles-ci à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions abrogeant la règle de l'unicité de l'instance sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes, et non aux « appels interjetés », à compter du 1er août 2016 ; que pour les instances introduites avant le 1er août 2016, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail restent recevables même en appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [K] avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 16 juillet 2015 (arrêt p. 3), ce qui ressort également du jugement (p. 2) ; qu'en rejetant dès lors comme irrecevables toutes les prétentions de la salariée au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail comme nouvelles en cause d'appel et ne répondant pas aux conditions posées par les articles 564 et 566 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s'évinçait que Mme [K] avait saisi le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016, soit antérieurement à la date d'effet de l'abrogation de la règle de l'unicité de l'instance, de sorte que ses demandes nouvelles étaient en tout état de cause recevables en cause d'appel, a violé l'article 45 du décret susvisé, ensemble l'article R. 1452-7 du code du travail applicable au litige ;

2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE les parties peuvent toujours, en cause d'appel, ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de Mme [K] en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Audissimo SAS et Audilab et en condamnation de celles-ci à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand ces demandes constituaient l'accessoire, la conséquence et le complément de ses demandes initiales tendant à ce qu'il soit dit que son licenciement est privé d'effet et que son contrat de travail s'est poursuivi avec les sociétés Audissimo SAS et Audilab, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 et l'article 566 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Mme [T] [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à ce que soit déclaré sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour motif économique et de ses demandes en condamnation de la société Sonova Audiological Care France SAS à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés et de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE, dans le cadre d'une proposition de contrat de sécurisation professionnelle, le motif économique se trouvant à l'origine de cette proposition doit être porté à la connaissance du salarié, par écrit, et ce, après l'engagement de la procédure et avant l'adhésion du salarié au dispositif ; que la lettre accompagnant la proposition du contrat de sécurisation professionnelle doit préciser le motif économique du licenciement et l'incidence des difficultés économiques invoquées sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en déboutant Mme [K] de l'ensemble de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu'elle constatait, d'une part, que « la lettre du 19 décembre 2014 (?) mentionne la nécessite de revoir son déploiement en région parisienne avec la fermeture du magasin de [Localité 5] dans lequel elle travaille, la politique de baisses des coûts des mutuelles et la concurrence de plus en plus virulente », d'autre part, que « la lettre de remise des documents relatifs au CSP mentionne la nécessite de fermer cette boutique et la concurrence importante en matière de prothèse auditive ; la fermeture de la boutique annoncée dans cette lettre sous-entend la suppression du poste de Mme [K] », ce dont il résultait que ce courrier du 19 décembre 2014 ne visait pas l'un des motifs économiques prévus par l'article L. 1233-3 du code du travail et ne précisait pas explicitement l'incidence de ce motif sur le contrat de travail de l'intéressée, de sorte qu'il ne répondait pas aux exigences de motivation de l'article L. 1233-16 du code du travail, la cour d'appel a violé ces textes, le premier en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

2°) ALORS QUE le motif économique invoqué par l'employeur s'apprécie, lorsque l'employeur appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe ; que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que « l'appartenance d'une entreprise à un groupe n'a(?) une incidence que pour l'appréciation du respect de l'obligation de reclassement » et inféré que le motif économique était justifié par « la diminution du chiffre d'affaires de l'établissement de Paris 4ème [qui] est démontrée par l'attestation de l'expert-comptable, ce chiffre d'affaires d'un montant annuel de 98.835 € démontre que cet établissement n'était pas rentable compte tenu des charges, le paiement du loyer et le salaire de Mme [K], dès lors la décision de céder le fonds s'explique pour maintenir la compétitivité de l'entreprise », ainsi que « l'attestation de l'expert-comptable [qui] met en relief la diminution du chiffre d'affaires de ce magasin année après année » et par « un nouveau type de concurrence est apparue avec des assistants d'écoute vendus en pharmacie » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il lui appartenait de vérifier si la réorganisation invoquée par l'employeur était justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartenait la société Sonova Audiological Care France SAS, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

3°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris de l'apparition d'un nouveau type de concurrence avec les assistants d'écoute vendus en pharmacie, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants et n'a pas caractérisé l'existence d'une menace concrète pesant sur la compétitivité du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartenait la société Sonova Audiological Care France SAS, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

4°) ALORS QUE la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement pèse sur l'employeur ; que dès lors, en jugeant qu'« il résulte des éléments versés aux débats que des offres de reclassement ont été faites à Mme [K] qu'elle a refusées, souhaitant rester en région parisienne » et qu'« elle ne démontre pas qu'il existait des emplois à Paris qui ne lui ont pas été proposés ou des emplois qui ont été proposés à des personnes extérieures à la société », la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;

5°) ET ALORS QUE l'employeur doit proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser ; que pour dire que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu qu'il avait vainement proposé à Mme [K] plusieurs offres de reclassement ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'employeur justifiait que les postes de reclassement proposés étaient les seuls emplois disponibles en rapport avec les compétences de la salariée, au besoin en les faisant bénéficier d'une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19388
Date de la décision : 22/03/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mar. 2023, pourvoi n°21-19388


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.19388
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