LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mars 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 211 F-D
Pourvoi n° N 22-10.127
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023
1°/ la société Saint-Ouen habitat public, office public de l‘habitat, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société d'Economie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (SEMISO), société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 22-10.127 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Total Energies Marketing services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Saint-Ouen habitat public, office public de l'habitat et de la société d'Economie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Total Energies Marketing services, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. David, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2021), la société Semiso et l'Etablissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public (l'EPIC) ont présenté une requête en complément d'un arrêt rendu le 8 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris, dans une instance les opposant à la société Total Energies Marketing Services, en invoquant une omission de statuer sur la demande tendant à ce que l'indemnité d'occupation soit augmentée des taxes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. La société Semiso et l'EPIC font grief à l'arrêt d'écarter leur requête en omission de statuer, alors :
« 1°/ qu'à défaut de procéder à l'exposé des moyens des parties, la juridiction du second degré doit statuer au visa des dernières conclusions déposées par l'appelant ; qu'en se déterminant sur le seul visa de la requête en omission de statuer déposée par les requérantes le 7 juillet 2021, sans mentionner les dernières conclusions en date du 22 septembre 2021, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il est défendu aux juges du fond de méconnaître l'objet du litige ; que, par deux jeux de conclusions en date du 22 septembre 2021, les bailleurs et le preneur se sont accordés à reconnaître que l'indemnité annuelle d'occupation était majorée des taxes exigibles dont le bailleur peut solliciter le remboursement au preneur en vertu du bail expiré, à la seule exception de la TVA selon le preneur ; qu'en affirmant que le paiement des taxes exigibles était inclus dans le montant de l'indemnité d'occupation, après avoir constaté que le preneur n'avait pas conclu, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4, 455 et 954 du code de procédure civile :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il est défendu au juge de méconnaître l'objet du litige déterminé par les prétentions des parties, telles que fixées dans leurs dernières conclusions sur lesquelles il lui appartient de statuer.
4. Pour rejeter la requête, l'arrêt, qui ne vise que le dépôt de celle-ci, le 7 juillet 2021, relève que la société Total Energies Marketing Services n'a pas conclu et, retient que l'arrêt du 8 juillet 2020 procède à un calcul pour fixer l'indemnité d'occupation au montant de 43 348,50 euros outre les charges exigibles en vertu du bail expiré à compter du 1er janvier 2010 et que rien dans la motivation n'indique que la cour d'appel aurait souhaité ajouter, à l'indemnité d'occupation, les taxes exigibles.
5. En statuant ainsi, sans viser les dernières conclusions des parties ni statuer sur celles qu'elles ont, chacune, signifiées le 22 septembre 2021, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Total Energies Marketing services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Saint-Ouen habitat public - Office public de l'habitat et la société d'Economie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'EPIC SAINT OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT et la société SEMISO font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté leur requête en omission de statuer ;
1. ALORS QU'à défaut de procéder à l'exposé des moyens des parties, la juridiction du second degré doit statuer au visa des dernières conclusions déposées par l'appelant ; qu'en se déterminant sur le seul visa de la requête en omission de statuer déposée par la SEMISO et l'EPIC SAINT-OUEN HABITAT PUBLIC le 7 juillet 2021, sans mentionner les dernières conclusions en date du 22 septembre 2021, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
2. ALORS QU'il est défendu aux juges du fond de méconnaître l'objet du litige ; que, par deux jeux de conclusions en date du 22 septembre 2021, les bailleurs et le preneur se sont accordés à reconnaître que l'indemnité annuelle d'occupation était majorée des taxes exigibles dont le bailleur peut solliciter le remboursement au preneur en vertu du bail expiré, à la seule exception de la TVA selon le preneur ; qu'en affirmant que le paiement des taxes exigibles était inclus dans le montant de l'indemnité d'occupation, après avoir constaté que le preneur n'avait pas conclu, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'EPIC SAINT OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT et la SEMISO font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté leur requête en omission de statuer ;
1. ALORS QU'il résulte de l'article L. 145-28 du code de commerce que l'indemnité d'occupation constitue la contrepartie du droit au maintien dans les lieux du locataire qui s'opère aux clauses et conditions du bail expiré ; qu'il s'ensuit que l'indemnité d'occupation est majorée du montant des taxes dont le bail répercute la charge sur le locataire, à moins que l'arrêt liquidant l'indemnité d'occupation n'en décide le contraire par une disposition expresse ; qu'en décidant, à l'inverse, dans le silence de l'arrêt du 8 juillet 2020, que l'exigibilité des taxes relevait des modalités de calcul de l'indemnité d'occupation sans constituer une prétention autonome, et que la juridiction du second degré n'a pas entaché sa décision d'une omission de statuer en fixant le montant de l'indemnité d'occupation sans y inclure les taxes, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article 463 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'à ce qui a été expressément tranché dans le dispositif ; qu'il résulte de l'arrêt du 8 juillet 2020 que la cour d'appel de Paris n'a pas examiné explicitement la demande en paiement des taxes exigibles, ni dans ses motifs, ni dans son dispositif ; qu'en décidant néanmoins qu'elle se serait implicitement prononcée sur cette difficulté dans le silence de son arrêt du 8 juillet 2020, en s'abstenant d'inclure les taxes exigibles dans le montant de l'indemnité d'occupation, et qu'elle ne pouvait statuer sur le paiement des taxes exigibles sans porter atteinte à la chose jugée attachée à la liquidation de l'indemnité d'occupation dont il relève, la cour d'appel a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble les articles 463 et 480 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'EPIC SAINT OUEN HABITAT PUBLIC – OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT et la SEMISO font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté leur requête en omission de statuer ;
ALORS QU'en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation à venir de l'arrêt du 8 juillet 2020, sur le pourvoi n° V 20-20.844, emportera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué rejetant la requête en omission de statuer.