LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mars 2023
Cassation
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 202 F-D
Pourvoi n° Y 21-20.897
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MARS 2023
M. [I] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-20.897 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société BRED Banque populaire, société anonyme coopérative, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société BRED Banque populaire a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [H], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société BRED Banque populaire, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), par un acte du 27 mai 2008, la société BRED Banque populaire (la banque) a consenti à la société Akriline (la société) un prêt de 735 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de M. [H], à concurrence de 25 % du capital restant dû et dans la limite de 183 750 euros. La société ayant été placée en sauvegarde puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la disproportion de son engagement.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
2. La banque fait grief à l'arrêt d'ordonner la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels, alors « que les parties s'accordaient à dire que l'exposante versait les accusés de réception des lettres d'information annuelle de la caution pour les années 2017 à 2019 ; qu'en se bornant toutefois, pour ordonner la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels de la Banque, à indiquer que "c'est à juste titre que M. [H] fait valoir que la copie des lettres simples d'information annuelle de la caution est insuffisante à établir une preuve de leur envoi", la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
4. Pour condamner M. [H] à payer à la banque la somme de 59 096,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2018, l'arrêt retient que ce dernier fait valoir à juste titre que la copie des lettres simples d'information annuelle de la caution est insuffisante à établir la preuve de leur envoi, qui est contesté, de sorte que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts en application de l'article L. 341-6, ancien, du code de la consommation et que sa créance doit être diminuée de la part des intérêts des échéances impayées des 21 juillet, octobre 2016 et des 21 janvier, avril 2017.
5. En statuant ainsi, alors que M. [H], qui exposait dans ses conclusions que la banque ne produisait que les accusés de réception de ses lettres d'information des 8 février 2017, 23 février 2018 et 7 janvier 2019, ne contestait pas que cette dernière avait satisfait à son obligation d'information pour les sommes dues au titre des années 2016, 2017 et 2018, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. M. [H] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 59 096,63 euros, avec intérêts capitalisés, alors « qu'en affirmant que, d'après sa déclaration d'impôts 2009, M. [H] déclarait avoir investi personnellement la somme de 150 000 euros dans le capital d'une PME pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue par la loi dite TEPA, quand, aux termes de cette déclaration, la somme de 150 000 euros avait été investie par le couple et non par M. [H] seul, la cour d'appel a dénaturé cette déclaration d'impôts, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
7. Pour condamner M. [H] à payer à la banque la somme de 59 096,63 euros, l'arrêt relève notamment qu'il résulte de son avis d'imposition pour l'année 2009 sur les revenus 2008 que ce dernier a déclaré avoir investi personnellement la somme de 150 000 euros dans le capital d'une PME aux fins de bénéficier d'une réduction d'impôt en application de la loi dite TEPA.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'avis d'impôt sur le revenu 2009 et, notamment de la rubrique intitulée « réduction d'impôt (15) », que la somme de 150 000 euros correspond à une somme déclarée par M. et Mme [H], au titre d'un investissement dans le capital d'une PME, de sorte qu'une telle somme ne pouvait être comptabilisée en totalité dans les actifs de M. [H], qui était marié sous le régime de la séparation de biens, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société BRED Banque populaire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [H].
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné M. [H] à verser à la société Bred banque populaire la somme de 59 096,63 € avec intérêts capitalisés ;
ALORS, premièrement, QU'en appréciant la disproportion du cautionnement de M. [H] en adjoignant à ses revenus ceux de son épouse au motif que celle-ci devait participer aux charges du ménage, après avoir constaté que M. [H] était marié sous le régime de la séparation de biens, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
ALORS, deuxièmement, QU'en affirmant, pour exclure la disproportion manifeste de son cautionnement, que M. [H] était associé à 51 % de la société Dismouss, sans viser ni analyser les pièces d'où elle prétendait déduire cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, troisièmement, QU'en tenant compte de la valeur des parts de la société Dismouss que M. [H] aurait détenues, tout en constatant que leur prix de 980 000 € avait été financé à hauteur de 735 000 € grâce à l'emprunt garanti par l'exposant, ce dont il suivait qu'elles ne se trouvaient pas dans son patrimoine au jour du cautionnement, la cour d'appel, qui a apprécié la disproportion manifeste en se plaçant à une date postérieure au cautionnement, a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
ALORS, quatrièmement, QU'en affirmant que d'après sa déclaration d'impôts 2009 M. [H] déclarait avoir investi personnellement la somme de 150 000 € dans le capital d'une PME pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue par la loi dite TEPA, quand aux termes de cette déclaration la somme de 150 000 € avait été investie par le couple et non par M. [H] seul, la cour d'appel a dénaturé cette déclaration d'impôts, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société BRED Banque populaire.
La Bred Banque Populaire fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels ;
alors que les parties s'accordaient à dire que l'exposante versait les accusés de réception des lettres d'information annuelle de la caution pour les années 2017 à 2019 ; qu'en se bornant toutefois, pour ordonner la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels de la Banque, à indiquer que « c'est à juste titre que M. [H] fait valoir que la copie des lettres simples d'information annuelle de la caution est insuffisante à établir une preuve de leur envoi » (arrêt p. 6 § 7), la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.