LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 22-83.757 F-B
N° 00296
ODVS
14 MARS 2023
REJET
DECHEANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MARS 2023
M. [H] [J] et le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille ont formé des pourvois contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs de fraude fiscale, faux et usage, a déclaré irrecevables leurs appels de l'ordonnance de contestation de saisie fiscale.
Par ordonnance en date du 31 août 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [H] [J], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques et de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 17 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé, sur la demande de l'administration fiscale, deux autres juges des libertés et de la détention du même tribunal judiciaire à procéder à des opérations de visite et de saisie dans différents locaux susceptibles d'être le domicile ou le cabinet de M. [H] [J], ancien avocat.
3. Lors des opérations, le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats s'est opposé à la saisie de divers documents numériques et courriels. Ceux-ci ont été transférés sur une clé USB, qui a été placée sous scellé fermé et transmise, avec le procès-verbal mentionnant les objections à la saisie, au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue sur la contestation.
4. Par ordonnance du 30 mai 2022, le juge des libertés et de la détention qui avait autorisé les opérations de visite et de saisie a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité, rejeté une exception de nullité prise de ce que le juge des libertés et de la détention ne pouvait à la fois autoriser la saisie, la pratiquer, puis juger de sa contestation sans méconnaître le principe d'indépendance et d'impartialité des juridictions, ordonné avant dire droit une expertise informatique et renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure.
5. M. [J] et le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [J]
6. À défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction rendue sur le recours suspensif formé à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation, par le bâtonnier ou son délégué, de la saisie effectuée dans le cabinet ou au domicile d'un avocat, entre dans les prévisions de l'article 567 du code de procédure pénale.
7. Dès lors, le pourvoi formé contre une telle décision est recevable.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille
8. Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation.
9. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens
Enoncé des moyens
10. Le premier moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable le recours de M. [J] contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille du 30 mai 2022 sans avoir entendu les parties, alors « qu'aux termes de l'article 56-1 alinéa 8 du code de procédure pénale, la décision du juge des libertés et de la détention rendue sur la contestation, par le bâtonnier, d'opérations de saisies pratiquées au domicile ou au cabinet d'un avocat peut faire l'objet d'un recours devant le président de la chambre de l'instruction dans un délai de vingt-quatre heures ; que, par renvoi à l'alinéa 5 du même texte, le président de la chambre de l'instruction doit, pour statuer sur ce recours, entendre le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué ; qu'en se prononçant le 2 juin 2022 sur le recours formé le 30 mai précédent par M. [J] sans entendre les parties, la présidente de la chambre de l'instruction a violé les dispositions susvisées de l'article 56-1 du code de procédure pénale. »
11. Le second moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable le recours de M. [J] contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille du 30 mai 2022, alors « qu'aux termes de l'article 56-1 alinéa 8 du code de procédure pénale, toute décision rendue par le juge des libertés et de la détention sur la contestation du bâtonnier quant à l'irrégularité des opérations de saisie effectuées au domicile ou au cabinet d'un avocat peut faire l'objet d'un recours suspensif devant le président de la chambre de l'instruction ; qu'aucune disposition ni aucun principe ne limite aux seules décisions du juge des libertés et de la détention ordonnant la restitution des scellés contestés ou leur versement à la procédure, l'exercice de ce recours ; qu'en déclarant le recours formé par M. [J] irrecevable aux motifs que l'ordonnance qui lui était déférée n'avait « ni jugé qu'il n'y avait pas lieu de saisir les documents saisis en ordonnant leur restitution immédiate, ni ordonné le versement de scellés et du procès-verbal au dossier de la procédure » de sorte que « les appels formés contre cette décision (...) n'entr(aient) pas dans les conditions de recours prévues par l'article 56-1 du code de procédure pénale » (ordonnance attaquée, p. 2, § 3), la présidente de la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
13. Selon l'article 56-1, alinéas 4 à 7, du code de procédure pénale, la décision prise par le juge des libertés et de la détention à la suite de la saisie, à laquelle s'est opposé le bâtonnier, d'un document ou d'un objet dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, est, soit dans le sens de la restitution immédiate du scellé, soit dans le sens de son versement à la procédure.
14. Il en résulte que le recours, prévu par l'article 56-1, alinéa 8, du même code, devant le président de la chambre de l'instruction, n'est ouvert que contre les décisions qui tranchent cette contestation en prononçant l'une ou l'autre de ces mesures.
15. En conséquence, c'est à juste titre que le président de la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable le recours formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant l'exception de nullité prise de la violation du principe d'indépendance et d'impartialité des juridictions et ordonnant, avant dire droit, une expertise informatique des scellés, les requérants conservant la possibilité de soulever à nouveau les moyens de nullité et exceptions rejetés par le premier juge à l'occasion du recours formé, le cas échéant, devant le président de la chambre de l'instruction, contre la décision du premier juge se prononçant sur le sort des scellés.
16. Dès lors, le second moyen n'est pas fondé et le premier moyen, pris d'un grief relatif aux modalités d'examen du recours, est sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur le pourvoi formé par M. [J] :
Le REJETTE.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-trois.