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08/03/2023 | FRANCE | N°21-21476;21-21477

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 mars 2023, 21-21476 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 162 F-D

Pourvois n°
C 21-21.476
D 21-21.477 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023

La société BCV avocats-Abogados, société

d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° C 21-21.476, D 21-21.477 contre deux arrêts rendus l...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 162 F-D

Pourvois n°
C 21-21.476
D 21-21.477 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023

La société BCV avocats-Abogados, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° C 21-21.476, D 21-21.477 contre deux arrêts rendus les 12 février 2020 et 14 juin 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans les litiges l'opposant à M. [Z] [M] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° C 21-21.476 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° D 21-21.477 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société BCV Avocats-Abogados, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 21-21.476 et D 21-21.477 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Agen, 12 février 2020 et 14 juin 2021), M. [H], avocat au barreau de Toulouse, a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulouse d'un litige relatif à une créance d'honoraires à l'égard à la société BCV Avocats-Abogados, société d'avocats inscrite au barreau de Bordeaux (la société d'avocats). En application des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le 19 octobre 2018, les bâtonniers de l'ordre des avocats aux barreaux de Toulouse et Bordeaux ont désigné le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Agen (le bâtonnier tiers) pour régler le différend.

3. Le 26 juillet 2019, M. [H] a formalisé une requête adressée au bâtonnier tiers qui, le 9 août suivant, a enjoint la société d'avocats de conclure pour le 30 septembre en vue d'une convocation le 16 octobre 2019.

4. Le 9 septembre 2019, la société d'avocats a saisi la cour d'appel d'Agen d'une requête en constatation du dessaisissement du bâtonnier tiers et en nullité de la décision du 9 août 2019. Par arrêt du 12 février 2020, la cour d'appel a rejeté la requête.

5. Par décision du 13 juillet 2020, le bâtonnier tiers a condamné la société d'avocats à payer à M. [H] la somme de 345 100 euros HT correspondant à 493 heures de travail sur la base horaire de 700 euros HT. Par arrêt du 14 juin 2021, la cour d'appel a confirmé cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches, du pourvoi n° C 21-21.476, et sur le moyen, pris en ses quatre dernières branches, du pourvoi n° D 21-21.477, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° C 21-21.476

Enoncé du moyen

7. La société d'avocats fait grief à l'arrêt du 12 février 2020 de rejeter sa requête, alors :

« 1°/ que lorsqu'un différend d'ordre professionnel naît entre avocats relevant de barreaux différents, l'avocat le plus diligent saisit par requête son bâtonnier qui doit s'accorder avec celui de l'avocat défendeur sur la désignation du bâtonnier d'un barreau tiers ; que le tiers bâtonnier est saisi à réception de la requête initiale, sans que les avocats en litige n'aient à lui adresser une nouvelle requête ; qu'en décidant le contraire, pour dire que le tiers bâtonnier n'a été saisi qu'à réception de la nouvelle requête de Me [H], soit le 26 juillet 2019, et non à réception de la décision le désignant à laquelle était joint le dossier de Me [H], soit le 19 octobre 2018, la cour d'appel a violé les articles 142, 179-2 et 179-5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

2°/ qu'en tout état, lorsque la requête initiale est communiquée au tiers bâtonnier par le bâtonnier initialement saisi, le tiers bâtonnier doit à tout le moins être tenu pour saisi à compter du jour où il accuse réception auprès des avocats en litige de la requête initiale ; qu'en retenant que le tiers bâtonnier n'a été saisi qu'à réception de la nouvelle requête de Me [H], soit le 26 juillet 2019, quand ils constataient pourtant que le tiers bâtonnier avait reçu le 19 octobre 2018 la décision le désignant à laquelle était joint le dossier de Me [H] et en avait accusé réception auprès des avocats en litige par lettre du 6 février 2019, la cour d'appel a violé les articles 142, 179-2 et 179-5 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. »

Réponse de la Cour

8. Le bâtonnier d'un barreau tiers, désigné en application de l'article 179-2, alinéa 3, du décret du 27 novembre 1991, est saisi, conformément à l'article 142 du même décret, par l'une ou l'autre des parties, soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'ordre des avocats au barreau dont le bâtonnier désigné est membre, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à lui adressée. Selon l'article 179-5, le bâtonnier rend sa décision dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, susceptible de prorogation.

9. Après avoir relevé que le bâtonnier tiers avait reçu la requête de M. [H], dans les formes prescrites à l'article 142, le 26 juillet 2019, peu important que la requête initiale lui ait été transmise avec la désignation par les bâtonniers de l'ordre des avocats aux barreaux de Toulouse et de Bordeaux, la cour d'appel en a justement déduit que celui-ci avait été saisi à cette date, de sorte que la décision du 9 août 2019 avait été rendue dans le délai de quatre mois.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° D 21-21.477

Enoncé du moyen

11. La société d'avocats fait grief à l'arrêt du 14 juin 2021 de la condamner à payer à M. [H] la somme de 345 100 euros HT, alors « que les honoraires de l'avocat tiennent compte notamment de ses diligences ; que faute d'avoir recherché si le taux horaire qu'ils retenaient était justifié au regard de la nature des diligences accomplies par M. [H], les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat. »

Réponse de la Cour

12. Sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond du montant des honoraires dus par la SCP en application de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société BCV Avocats-Abogados aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BCV Avocats-Abogados et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen au pourvoi n° C 21-21.476 produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société BCV avocats-Abogados.

L'arrêt attaqué, critiqué par la société BCV, encourt la censure ;

EN CE QU' il a rejeté la requête de la SELARL BCV enregistrée au greffe le 9 septembre 2019 ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu'un différend d'ordre professionnel naît entre avocats relevant de barreaux différents, l'avocat le plus diligent saisit par requête son bâtonnier qui doit s'accorder avec celui de l'avocat défendeur sur la désignation du bâtonnier d'un barreau tiers ; que le tiers bâtonnier est saisi à réception de la requête initiale, sans que les avocats en litige n'aient à lui adresser une nouvelle requête ; qu'en décidant le contraire, pour dire que le tiers bâtonnier n'a été saisi qu'à réception de la nouvelle requête de Me [H], soit le 26 juillet 2019, et non à réception de la décision le désignant à laquelle était joint le dossier de Me [H], soit le 19 octobre 2018, la cour d'appel a violé les articles 142, 179-2 et 179-5 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout état, lorsque la requête initiale est communiquée au tiers bâtonnier par le bâtonnier initialement saisi, le tiers bâtonnier doit à tout le moins être tenu pour saisi à compter du jour où il accuse réception auprès des avocats en litige de la requête initiale ; qu'en retenant que le tiers bâtonnier n'a été saisi qu'à réception de la nouvelle requête de Me [H], soit le 26 juillet 2019, quand ils constataient pourtant que le tiers bâtonnier avait reçu le 19 octobre 2018 la décision le désignant à laquelle était joint le dossier de Me [H] et en avait accusé réception auprès des avocats en litige par lettre du 6 février 2019, la cour d'appel a violé les articles 142, 179-2 et 179-5 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ;

ALORS QUE, troisièmement, tout acte accompli par un bâtonnier, quand il est dessaisi de l'affaire, est nul pour excès de pouvoirs ; qu'en opposant au surplus, pour rejeter la demande en nullité de la société BCV, que la fixation du calendrier de procédure ne serait pas une décision, les juges du fond ont violé les articles 144 et 179-5 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les règles gouvernant l'excès de pouvoirs ;

ALORS QUE, quatrièmement, tout acte accompli par un bâtonnier, quand il est dessaisi de l'affaire, est nul pour excès de pouvoirs ; qu'en opposant au surplus, pour rejeter la demande en nullité de la société BCV, que les textes afférents ne prévoient expressément aucune cause de nullité, les juges du fond ont violé les articles 144 et 179-5 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les règles gouvernant l'excès de pouvoirs. Moyen au pourvoi n° D 21-21.477 produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société BCV avocats-Abogados.

L'arrêt attaqué, critiqué par la société BCV, encourt la censure ;

EN CE QU' il a, confirmant la décision du bâtonnier d'[Localité 3], condamné la société BCV, représentée par Me [J], à payer à Me [H] la somme de 345.100 euros HT correspondant à 493 heures de travail sur la base horaire de 700 euros HT ;

ALORS QUE, premièrement, les honoraires de l'avocat tiennent compte notamment de ses diligences ; que faute d'avoir recherché si le taux horaire qu'ils retenaient était justifié au regard de la nature des diligences accomplies par Me [H], les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

ALORS QUE, deuxièmement, les honoraires de l'avocat tiennent compte notamment de sa notoriété ; qu'en opposant à la contestation de la société BCV portant sur la notoriété de Me [H] et suivant laquelle un taux horaire de 700 euros HT était pratiqué par des avocats faisant partie du « Legal 500 Paris », dont ne fait pas partie Me [H], qu'elle serait dédaigneuse et déplacée, les juges du fond, qui ont refusé de se prononcer sur la notoriété de Me [H], ont violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

ALORS QUE, troisièmement, il appartient à l'avocat de justifier des éléments permettant de fixer ses honoraires et notamment de sa notoriété ; qu'en opposant à la contestation de la société BCV portant sur la notoriété de Me [H] et suivant laquelle un taux horaire de 700 euros HT était pratiqué par des avocats faisant partie du « Legal 500 Paris », dont ne fait pas partie Me [H], que celle-ci n'était pas étayée par une documentation quelconque, les juges du fond, qui ont fait peser la charge de la preuve sur la société BCV, ont violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble les articles 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

ALORS QUE, quatrièmement, la rémunération des prestations accomplies par un avocat au profit d'un autre avocat dans le cadre d'une affaire que ce dernier traite doit tenir compte du service rendu et de la rémunération perçue par le second pour cette affaire ; qu'en allouant à Me [H] une somme 345.100 euros au titre des prestations qu'il a réalisées au profit de la société BCV dans le cadre du dossier WCA, sans s'expliquer sur le service rendu, ni sur le montant des honoraires perçus par la société BCV dans ce dossier, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 11 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;

ALORS QUE, cinquièmement, et indépendamment même des règles relatives aux honoraires de l'avocat, faute d'avoir recherché si la somme allouée à Me [H] au terme de leur calcul n'était pas disproportionnée au regard des prestations fournies, en l'état de la rémunération perçue par la société BCV pour l'ensemble des diligences qu'elle a accomplies dans le cadre du dossier WCA, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-21476;21-21477
Date de la décision : 08/03/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 14 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 mar. 2023, pourvoi n°21-21476;21-21477


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.21476
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