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08/03/2023 | FRANCE | N°21-16663

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 mars 2023, 21-16663


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 221 F-D

Pourvoi n° W 21-16.663

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023

La société La Poste, société anony

me, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-16.663 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (15e ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 221 F-D

Pourvoi n° W 21-16.663

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023

La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-16.663 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à M. [W] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 mars 2021), M. [X] a été engagé, à compter du 15 septembre 2011, en qualité de facteur par la société La Poste.

2. Le 22 juin 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, lequel lui a été notifié le 16 août 2017.

3. Le salarié, qui avait précédemment saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de diverses sanctions, a demandé que soit prononcée la nullité de ce licenciement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et de le condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « qu'un document interne à l'entreprise, ayant pour seul objet d'expliciter la réglementation applicable aux salariés chargés de l'appliquer, est dépourvu de valeur normative et contraignante et n'est pas de nature à engager l'employeur à l'égard des salariés de l'entreprise ; que le ''guide mémento des règles de gestion RH PX 10'' de La Poste constitue un document interne à l'entreprise se bornant à expliciter la réglementation applicable, à destination des seuls délégataires du pouvoir disciplinaire en charge de les appliquer, de sorte qu'une éventuelle méconnaissance de son contenu n'est pas de nature à affecter la validité d'une mesure de licenciement prise par l'employeur ; qu'au cas présent, la cour d'appel a prononcé la nullité du licenciement du salarié aux motifs, d'une part, que ''contrairement à ce que la société La Poste soutient, les chapitres du guide mémento recueil PX, notamment le guide du chef d'établissement (PX 8) et le guide mémento des règles de gestion des ressources humaines (PX 10), ne constituent pas des outils anciens formulant de simples recommandations, sans valeur normative et impérative à l'usage des chefs d'établissement et des équipes des services des ressources humaines, mais regroupent les règles internes arrêtés par l'employeur adaptant les textes légaux et conventionnels applicables à la gestion des salariés de droit privé, dont ceux-ci sont fondés à se prévaloir, dès lors que la société La Poste n'établit ni les avoir abrogées, ni les avoir modifiées, ni avoir informé et consulté les représentants du personnel à cette fin'' et, d'autre part, que ''le PX 10 prévoit expressément que la ou des fautes reprochées au salarié doivent être mentionnées dans la lettre de convocation à l'entretien préalable et que les motifs de l'entretien doivent être ceux mentionnés dans la convocation sous peine d'entraîner la nullité de la procédure. Ces règles, plus protectrices que les dispositions légales, constituent des garanties de fond dont le non-respect prive le salarié de la possibilité de préparer de manière plus efficace sa défense'', ce dont elle a déduit que « les motifs invoqués par la société La Poste lors de l'entretien préalable n'ayant pas été mentionnés dans la lettre de convocation à cet entretien adressée au salarié, la procédure de licenciement est nulle, ainsi que le PX 10 le prévoit expressément, de sorte que le licenciement de l'intéressé doit être déclaré nul » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le guide mémento des règles de gestion RH de La Poste constitue un document de travail interne à l'entreprise dépourvu de toute valeur normative et contraignante, de sorte que sa méconnaissance n'était pas de nature à affecter la validité du licenciement du salarié, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

5. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

6. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient, d'abord, que le guide mémento des règles de gestion des ressources humaines (PX 10) de La Poste regroupe les règles internes arrêtées par l'employeur adaptant les textes légaux et conventionnels applicables à la gestion des salariés de droit privé, dont ceux-ci sont fondés à se prévaloir, dès lors que la société La Poste n'établit ni les avoir abrogées, ni les avoir modifiées, ni avoir informé et consulté les représentants du personnel à cette fin.

7. Il énonce ensuite que ce guide mémento prévoit que les fautes reprochées au salarié doivent être mentionnées dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, sous peine d'entraîner la nullité de la procédure, et que ces règles, plus protectrices que les dispositions légales, constituent des garanties de fond dont le non-respect prive le salarié de la possibilité de préparer sa défense.

8. Il retient enfin que les motifs du licenciement n'ayant pas été mentionnés dans la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié, la procédure de licenciement est nulle ainsi que le guide mémento PX 10 le prévoit expressément.

9. En statuant ainsi, alors que le guide mémento des règles de gestion RH PX 10 de La Poste constitue un document interne à cette entreprise, se bornant à expliciter les règles de droit, à destination des délégataires du pouvoir disciplinaire en charge de les appliquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

10. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement notifié par la société La Poste à M. [X] est nul et condamne la société La Poste à payer à M. [X] la somme de 12 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société La Poste

La société La Poste fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement notifié par la société La Poste à M. [X] est nul et d'AVOIR condamné la société La Poste à payer à M. [X] la somme de 12.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

1. ALORS QU'un document interne à l'entreprise, ayant pour seul objet d'expliciter la réglementation applicable aux salariés chargés de l'appliquer, est dépourvu de valeur normative et contraignante et n'est pas de nature à engager l'employeur à l'égard des salariés de l'entreprise ; que le « guide mémento des règles de gestion RH PX 10 » de La Poste constitue un document interne à l'entreprise se bornant à expliciter la règlementation applicable, à destination des seuls délégataires du pouvoir disciplinaire en charge de les appliquer, de sorte qu'une éventuelle méconnaissance de son contenu n'est pas de nature à affecter la validité d'une mesure de licenciement prise par l'employeur (Soc. 27 mai 2021, n° 19.16.117 FS-P, production n° 7 et 8) ; qu'au cas présent, la cour d'appel a prononcé la nullité du licenciement de M. [X] aux motifs, d'une part, que « contrairement à ce que la société La Poste soutient, les chapitres du guide mémento recueil PX, notamment le guide du chef d'établissement (PX 8) et le guide mémento des règles de gestion des ressources humaines (PX 10), ne constituent pas des outils anciens formulant de simples recommandations, sans valeur normative et impérative à l'usage des chefs d'établissement et des équipes des services des ressources humaines, mais regroupent les règles internes arrêtés par l'employeur adaptant les textes légaux et conventionnels applicables à la gestion des salariés de droit privé, dont ceux-ci sont fondés à se prévaloir, dès lors que la société La Poste n'établit ni les avoir abrogées, ni les avoir modifiées, ni avoir informé et consulté les représentants du personnel à cette fin » (arrêt, p. 5) et, d'autre part, que « le PX 10 prévoit expressément que la ou des fautes reprochées au salarié doivent être mentionnées dans la lettre de convocation à l'entretien préalable et que les motifs de l'entretien doivent être ceux mentionnés dans la convocation sous peine d'entraîner la nullité de la procédure. Ces règles, plus protectrices que les dispositions légales, constituent des garanties de fond dont le non-respect prive le salarié de la possibilité de préparer de manière plus efficace sa défense » (arrêt, p. 9), ce dont elle a déduit que « les motifs invoqués par la société La Poste lors de l'entretien préalable n'ayant pas été mentionnés dans la lettre de convocation à cet entretien adressée à M. [X], la procédure de licenciement est nulle, ainsi que le PX 10 le prévoit expressément, de sorte que le licenciement de l'intéressé doit être déclaré nul » (arrêt, p. 9) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le guide mémento des règles de gestion RH de La Poste constitue un document de travail interne à l'entreprise dépourvu de toute valeur normative et contraignante, de sorte que sa méconnaissance n'était pas de nature à affecter la validité du licenciement de M. [X], la cour d'appel a violé l'article 1103 (anciennement 1134) du code civil ;

2. ALORS QU'aux termes de l'article L. 2231-1 du code du travail, la convention ou l'accord collectif est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou toute autre association d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement ; que le guide mémento des règles de gestion RH référencé PX 10 de La Poste constitue un document de travail interne à cette entreprise et ne figure dans aucun texte conventionnel de l'entreprise ; qu'en affirmant néanmoins que « le nonrespect des règles conventionnelles qui constituent des garanties de fond prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, sauf si le texte conventionnel prévoit expressément que la sanction encourue est la nullité » pour en déduire que « les motifs invoqués par la société La Poste lors de l'entretien préalable n'ayant pas été mentionnés dans la lettre de convocation à cet entretien adressée à M. [X], la procédure de licenciement est nulle, ainsi que le PX 10 le prévoit expressément, de sorte que le licenciement de l'intéressé doit être déclaré nul » (arrêt, p. 9), cependant que le guide mémento des règles de gestion RH PX 10 n'a jamais fait l'objet d'un accord négocié entre la société La Poste et les syndicats représentatifs au niveau de l'entreprise et ne peut donc être assimilé ou doté de la valeur contraignante d'une règle conventionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 2231-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16663
Date de la décision : 08/03/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 31 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 mar. 2023, pourvoi n°21-16663


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.16663
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