LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 mars 2023
Cassation
Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 175 F-D
Pourvoi n° T 21-12.244
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 MARS 2023
La société ABC entretien Réunion, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-12.244 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ill et Pro, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Alliance MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur de la société Ill et Pro,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société ABC entretien Réunion, de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Alliance MJ, ès qualités, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société ABC entretien Réunion du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Ill et Pro.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 21 octobre 2020), le 1er septembre 2015, la société Ill et Pro et la société ABC entretien Réunion ont signé dix contrats de formation. Sur la requête de la société Ill et Pro, une ordonnance du 12 janvier 2018 a enjoint à la société ABC entretien Réunion de payer la somme de 183 715,75 euros contre laquelle cette société a formé opposition. La société Ill et Pro a été mise en liquidation judiciaire le 4 octobre 2018, la société Alliance MJ étant désignée liquidateur judiciaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société ABC entretien Réunion fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société Alliance MJ, ès qualités, la somme de 116 940,75 euros au titre des prestations de formation outre intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2018, alors « qu'il appartient au prestataire de service qui demande le paiement d'une prétendue créance de démontrer non seulement l'existence du contrat mais aussi la réalité des prestations accomplies ; qu'en se contentant de la preuve par la société Alliance de l'existence de contrats engageant la société ABC Entretien, et en faisant peser sur cette dernière la preuve de l'absence du caractère effectif des formations facturées, preuve négative de surcroît impossible à rapporter, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
4. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
5. Pour condamner la société ABC entretien Réunion à payer à la société Alliance MJ, ès qualités, la somme de 58 520 euros, l'arrêt retient que la société ABC entretien Réunion se prévaut d'une exception d'inexécution dont elle supporte cependant la charge de la preuve, et ne produit aucun élément sur ce point. Il retient encore que la société ABC entretien Réunion se prévaut des courriers de stagiaires desquels il ressort que les personnes concernées souhaitent soit interrompre momentanément la formation en conservant leur droit à celle-ci soit l'arrêter pour diverses raisons mais que ces éléments ne permettent pas d'établir que la société Ill et Pro n'a pas dispensé les formations auxquelles elle s'était engagée dans les termes des conventions conclues.
6. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la société Ill et Pro de prouver que les prestations avaient été réalisées, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
Condamne la société Alliance MJ, en qualité de liquidateur de la société Ill et Pro, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société ABC entretien Réunion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société ABC Entretien fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à verser à la société Alliance es qualités la somme de 116.940,75 euros au titre des prestations de formation outre intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2018 ;
1°- ALORS QU'il appartient au prestataire de service qui demande le paiement d'une prétendue créance de démontrer non seulement l'existence du contrat mais aussi la réalité des prestations accomplies ; qu'en se contentant de la preuve par la société Alliance de l'existence de contrats engageant la société ABC Entretien, et en faisant peser sur cette dernière la preuve de l'absence du caractère effectif des formations facturées, preuve négative de surcroît impossible à rapporter, la Cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;
2°- ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la preuve de l'absence de prestations accomplies ne résultait pas de la circonstance que la société Ill et Pro et la société Alliance es qualités ne versaient pas aux débats les documents tels que les programmes, plannings et objectifs préalablement déterminés, les fiches de contrôle de la présence du salarié et de son assiduité, les états de présence émargés par ce dernier, l'attestation délivrée au stagiaire à l'issue de la formation, pourtant requis par les articles L. 6353-1 et suivants, R. 6353-1 et suivants et D. 6353-4 du code du travail pour l'exécution de la formation par un organisme formateur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 devenu 1353 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société ABC Entretien fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à verser à la société Alliance es qualités la somme 58.520 Euros au titre de la réalisation d'un audit outre intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2018 ;
ALORS QUE lorsque le coût de la prestation n'a pas été convenu entre les parties, il incombe au prestataire, en sa qualité de demandeur, d'établir le montant de sa créance et à cet effet, de fournir les éléments permettant de fixer ce montant et il appartient au juge d'apprécier celui-ci en fonction notamment de la qualité du travail fourni ; que le juge ne peut se contenter du silence du prétendu débiteur sur le coût de la prestation dont la réalisation est contestée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la Cour d'appel que le coût de la prestation d'audit n'avait pas été convenu entre les parties ; qu'en se bornant, pour fixer à la somme de 58.520 euros la créance de la société Ill et Pro au titre de cette prestation, à constater que la société ABC Entretien qui conteste la réalité de la prestation ne formule aucune demande particulière s'agissant du prix de la prestation et ne justifie pas d'une réaction lors de la mise en demeure de régler la facture de 58.520 euros établie par la société Ill et Pro, quand la charge de la preuve du coût de la prestation pesait sur la société Ill et Pro et sur la société Alliance es qualités, et qu'il lui appartenait dès lors de vérifier si ce montant était justifié par le travail prétendument fourni, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2013 et 1315 devenu 1353 du code civil.