LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er mars 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 189 F-D
Pourvoi n° S 21-25.376
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER MARS 2023
M. [G] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-25.376 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Euroglas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Euroglas, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 15 décembre 2020) et les pièces de la procédure, M. [C] a été engagé par la société Euroglas le 22 août 1994, et occupait en dernier lieu les fonctions de coordinateur découpe, relevant du coefficient 230, niveau 6a, selon la convention collective nationale des industries de fabrication mécanique du verre.
2. A compter du 1er juin 2015, l'employeur lui a reconnu le coefficient 250, niveau 6b, les fonctions occupées par le salarié demeurant inchangées.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappels de salaire et des congés payés afférents, au titre de la rémunération correspondant au coefficient 250.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents pour la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2019, alors « que si, en principe, la qualification du salarié correspond aux fonctions réellement exercées par lui, rien ne s'oppose à ce que l'employeur exprime une volonté claire et non équivoque de lui reconnaître une qualification ou classification spécifique, y compris supérieure à celle résultant des fonctions réellement exercées ; qu'en ce cas, le salarié est en droit de percevoir la rémunération y afférente, nonobstant les fonctions effectivement assumées par lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu' il est constant que depuis le 1er juin 2015, par l'effet de l'engagement unilatéral de l'employeur à appliquer l'accord des classifications envers lequel les syndicats avaient usé de leur droit d'opposition, M. [C] s'est vu reconnaître le coefficient 250, au lieu de 230 dont il relevait antérieurement ; que néanmoins, pour le débouter de sa demande de rappel de salaire sur la base de la rémunération afférente au coefficient 250 prévue par l'accord NAO du 23 janvier 2014, la cour d'appel a retenu que la grille des salaires de l'accord de 2014 - comme du reste celles de 2012 et 2013 a prévu pour le coefficient 250 une rémunération pour des fonctions limitativement énumérées au rang desquelles ne figurent pas celles de coordinateur découpe qui sont celles occupées par M. [C] et que figurent sur le point litigieux dans l'accord NAO de 2014 les fonctions de coordinateur découpe remplaçant ce qui ne peut être assimilé à coordinateur découpe en présence de stipulations claires ne nécessitant pas d'interprétation ; qu'en statuant ainsi, cependant que le salarié avait droit, en vertu de l'engagement unilatéral de l'employeur, à la rémunération prévue par l'accord NAO du 23 janvier 2014 pour les salariés relevant du coefficient 250, peu important les fonctions réellement exercées par lui, la cour d'appel a violé l'accord d'entreprise sur la négociation annuelle obligatoire du 23 janvier 2014, ensemble l'article 1134, devenu 1103 et 1193, du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail.»
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi.
6. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire et congés payés correspondant au coefficient 250 à compter du 1er février 2016 jusqu'au 31 janvier 2019, l'arrêt retient que la société Euroglas n'a prévu aucun effet rétroactif à son engagement unilatéral, ni n'a stipulé se référer à l'accord NAO 2014 pour déterminer le salaire dû aux salariés relevant des catégories auxquelles, de manière nouvelle, elle concédait le coefficient 250, étant souligné qu'il est aussi avéré que le salarié est rempli de ses droits au minimum conventionnel prévu par le coefficient 250, et que la grille des salaires de l'accord du 23 janvier 2014 a prévu pour le coefficient 250 une rémunération pour des fonctions limitativement énumérées, au rang desquelles ne figurent pas celles de coordinateur découpe occupées par le salarié.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'employeur, par l'effet d'un engagement unilatéral, avait reconnu au salarié le coefficient 250 à compter du 1er juin 2015, ce dont il résultait que ce dernier devait bénéficier de la rémunération correspondant à ce coefficient selon l'accord du 23 janvier 2014, peu important les fonctions réellement exercées par lui, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de rappel de salaires et de congés payés pour la période du 1er février 2019 au 31 mai 2020, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Euroglas aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Euroglas et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [C]
M. [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de rappel de salaire et congés payés y afférents pour la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2019.
1° ALORS QUE, si, en principe, la qualification du salarié correspond aux fonctions réellement exercées par lui, rien ne s'oppose à ce que l'employeur exprime une volonté claire et non équivoque de lui reconnaître une qualification ou classification spécifique, y compris supérieure à celle résultant des fonctions réellement exercées ; qu'en ce cas, le salarié est en droit de percevoir la rémunération y afférente, nonobstant les fonctions effectivement assumées par lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'« il est constant que depuis le 1er juin 2015, par l'effet de l'engagement unilatéral de l'employeur à appliquer l'accord des classifications envers lequel les syndicats avaient usé de leur droit d'opposition, M. [C] s'est vu reconnaître le coefficient 250, au lieu de 230 dont il relevait antérieurement » ; que néanmoins, pour le débouter de sa demande de rappel de salaire sur la base de la rémunération afférente au coefficient 250 prévue par l'accord NAO du 23 janvier 2014, la cour d'appel a retenu que « la grille des salaires de l'accord de 2014 - comme du reste celles de 2012 et 2013 a prévu pour le coefficient 250 une rémunération pour des fonctions limitativement énumérées au rang desquelles ne figurent pas celles de "coordinateur découpe" qui sont celles occupées par M. [C] » et que « figurent sur le point litigieux dans l'accord NAO de 2014 les fonctions de "coordinateur découpe remplaçant" ce qui ne peut être assimilé à "coordinateur découpe" en présence de stipulations claires ne nécessitant pas d'interprétation » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le salarié avait droit, en vertu de l'engagement unilatéral de l'employeur, à la rémunération prévue par l'accord NAO du 23 janvier 2014 pour les salariés relevant du coefficient 250, peu important les fonctions réellement exercées par lui, la cour d'appel a violé l'accord d'entreprise sur la négociation annuelle obligatoire du 23 janvier 2014, ensemble l'article 1134, devenu 1103 et 1193, du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail.
2° ALORS QU'en retenant encore, pour débouter le salarié de sa demande, que l'employeur « n'a prévu aucun effet rétroactif à son engagement unilatéral, ni n'a stipulé se référer à l'accord NAO 2014 pour déterminer le salaire dû aux salariés relevant des catégories, auxquelles de manière nouvelle, elle concédait le coefficient 250, étant souligné qu'il est aussi avéré que M. [C] est rempli de ses droits au minimum conventionnel prévu par le coefficient 250 », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'accord d'entreprise sur la négociation annuelle obligatoire du 23 janvier 2014, ensemble l'article 1134, devenu 1103 et 1193, du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail.