LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 21-86.080 F-B
N° 00240
GM
22 FÉVRIER 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2023
M. [L] [Z] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises de la Charente-Maritime, en date du 25 septembre 2021, qui, pour tentative de meurtre, séquestration sans libération avant le septième jour et violences aggravées, en récidive, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, dix ans d'inéligibilité et au retrait du permis de chasser, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [L] [Z], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 15 avril 2019, le juge d'instruction a mis en accusation M. [L] [Z], des chefs susvisés, et l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Vienne.
3. Par arrêt du 29 septembre 2020, cette cour d'assises l'a déclaré coupable et condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire et quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.
4. L'accusé a relevé appel des arrêts pénal et civil. Le ministère public et la partie civile ont formé appel incident.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé pour M. [Z]
5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait personnellement, le 27 septembre 2021, son droit de se pourvoir contre les arrêts attaqués, était irrecevable à se pourvoir de nouveau contre les mêmes décisions, le 30 septembre 2021, par l'intermédiaire de son avocat.
6. Seul est recevable le pourvoi formé par l'accusé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de tentative de meurtre, violences volontaires avec usage d'une arme sans incapacité et séquestration sans libération volontaire avant le septième jour en état de récidive, alors :
« 1°/ que des questions peuvent être posées au témoin qui dépose devant la cour d'assises soit exceptionnellement par le président pendant la déposition, s'il l'estime nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats, soit en principe après la déposition ; que la garantie du procès équitable et des droits de la défense impose que les questions au témoin soient posées dans une temporalité garantissant que le contenu précis de sa déposition soit resté à l'esprit de la cour et du jury au moment où le conseil de l'accusé a pu poser des questions ; qu'en différant les questions posées au témoin M. [U], adjudant-chef de gendarmerie, de plus de deux heures par rapport à sa déposition du fait d'abord d'une suspension d'audience à laquelle les parties ne sont pas opposées, puis de l'audition d'un expert par visioconférence, à laquelle le conseil de l'accusé s'est opposé tant qu'aucune question n'avait été posée au témoin M. [U], la présidente de la cour d'assises, qui a proposé irrégulièrement aux parties que le témoin procède, plus de deux heures après sa déposition, à un « rappel de sa déposition faite à l'audience de ce matin », a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble les articles 331 et 332 du même code ;
2°/ que tous incidents contentieux sont réglés par la cour ; qu'en décidant de procéder à l'audition de l'expert le Dr [E] par visioconférence malgré l'opposition manifestée par le conseil de l'accusé à cette audition faute d'avoir pu préalablement poser ses questions au témoin M. [U] entendu une heure et demi plus tôt et malgré l'incident contentieux ainsi soulevé par la défense de l'accusé, qui relevait de la compétence exclusive de la cour, la présidente de la cour d'assises a excédé ses pouvoirs et violé l'article 316 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte du procès-verbal des débats qu'à l'issue de la déposition spontanée d'un témoin, la présidente de la cour d'assises a ordonné une suspension d'audience, avant que des questions puissent être posées au témoin. Il en résulte aussi qu'à la reprise de l'audience, à l'issue de cette suspension, la présidente a, malgré l'opposition exprimée par la défense, décidé de procéder à l'audition d'un expert avant que le témoin soit rappelé et que des questions lui soient posées.
9. En cet état, la cassation n'est pas encourue.
10. En effet, d'une part, c'est par un exercice régulier de son pouvoir de direction des débats que la présidente de la cour d'assises a décidé de suspendre l'audience après la déposition spontanée du témoin, puis de faire procéder à l'audition d'un expert, avant de rappeler le témoin pour qu'il puisse être questionné. Il ne peut en résulter aucune nullité, dès lors que le ministère public et les parties ont été en mesure de poser des questions au témoin, ce qui établit que les dispositions de l'article 332 du code de procédure pénale ont été respectées.
11. D'autre part, il ne peut être reproché à la cour de n'avoir pas statué par arrêt incident sur l'audition de l'expert avant que des questions aient pu être posées au témoin, en l'absence de conclusions d'incident adressées à la cour pour s'y opposer, une fois connue la décision de la présidente sur ce point.
12. Il en résulte que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de tentative de meurtre, violences volontaires avec usage d'une arme sans incapacité et séquestration sans libération volontaire avant le septième jour en état de récidive, alors « que la cour d'assises ne peut connaître d'aucune autre accusation que celle résultant de la décision de mise en accusation qui, devenue définitive, fixe sa compétence ; que les crimes d'enlèvement d'une part et de séquestration illégale d'autre part, bien que prévus et réprimés par le même texte, n'en constituent pas moins des crimes distincts ; que la présidente de la cour d'assises ayant donné lecture d'une question subsidiaire sur des faits d'enlèvement de [D] [G] sans libération volontaire avant le septième jour accompli, le conseil de l'accusé a déposé des conclusions d'incident devant la cour au motif que la cour d'assises n'était pas saisi de ce fait ; qu'en disant, par arrêt incident du 24 septembre 2021, que seront posées à la cour et au jury les questions subsidiaires d'enlèvement sans libération volontaire avant le septième jour accompli lorsque la décision de renvoi définitive ne visait que le crime distinct de séquestration sans libération volontaire avant le septième jour accompli, la cour a violé l'article 231 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
14. Si c'est à tort que, le demandeur ayant été mis en accusation pour le crime de séquestration, la présidente a posé une question subsidiaire relative au crime distinct d'enlèvement, la cassation n'est pas encourue, dès lors que le demandeur a été déclaré coupable du seul crime de séquestration, conformément aux termes de la mise en accusation, et non du crime d'enlèvement, la question subsidiaire irrégulièrement posée ayant été déclarée sans objet.
15. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [Z] à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme, dix ans d'inéligibilité et au retrait du permis de chasse avec interdiction d'en solliciter un nouveau pendant quinze ans, alors « qu'en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal et si les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 132-23 du même code sont applicables, le président les informe également des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler ; qu'en se bornant à mentionner dans la feuille des questions que la cour et le jury réunis statuant en appel ont délibéré dans les conditions prévues par l'article 362 du code de procédure pénale en sa version issue de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 dont toutes les prescriptions ont été observées, le président, dont la mention générale et imprécise ne permet pas de s'assurer de façon effective de l'information du jury sur l'existence et les conséquences de la période de sûreté sur l'exécution de la peine, a violé l'article 362 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. L'indication, par la feuille de questions, que la cour et le jury ont délibéré conformément aux dispositions de l'article 362 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2020, établit que le président de la cour d'assises a donné aux jurés toutes les informations exigées par ce texte, parmi lesquelles celles, introduites par la loi précitée, relatives à l'existence de la période de sûreté et à son incidence sur l'exécution de la peine.
18. Le moyen, dès lors, n'est pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de tentative de meurtre, violences volontaires avec usage d'une arme sans incapacité et séquestration sans libération volontaire avant le septième jour en état de récidive, alors :
«1°/ que si l'affaire ne doit pas être jugée au siège de la cour d'appel, le dossier de la procédure est renvoyé par le procureur général au greffe du tribunal judiciaire, où se tiennent les assises et les pièces à conviction sont également transportées au greffe de ce tribunal ; qu'en faisant seulement présenter devant elle des clichés photographiques d'une pièce à conviction constituée d'une casquette qui aurait appartenu à l'accusé, dont elle estimait la présentation utile à la manifestation de la vérité, détenue dans un laboratoire d'analyse à [Localité 1] sans la faire acheminer au siège de la cour d'assises en vue de sa présentation, cependant que l'ensemble des pièces à conviction, dès lors qu'elles n'avaient pas été détruites ou n'avaient pas disparu, auraient dû se trouver au greffe de la cour d'assises de Saintes, la cour a violé l'article 271 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'inaccomplissement de la formalité de présentation des pièces à conviction prévue à l'article 341 du code de procédure pénale est de nature à vicier les débats lorsque l'accusé en a réclamé l'exécution ; que la présentation de clichés photographiques d'une pièce à conviction qui n'a pas disparu équivaut à une absence de présentation de la pièce conviction, laquelle consiste nécessairement en une présentation matérielle ; qu'en faisant seulement présenter devant elle, alors que la défense de l'accusé avait réclamé la présentation de la casquette qui aurait appartenu à l'accusé, des clichés photographiques de cette pièce à conviction détenue dans un laboratoire d'analyse à [Localité 1] sans la faire acheminer au siège de la cour d'assises en vue de sa présentation, cependant que la cour elle-même a constaté que la présentation de cette pièce à conviction pouvait apporter à la compréhension de l'affaire et à la manifestation de la vérité, que l'absence de présentation matérielle de la casquette sur laquelle aurait été retrouvée à l'ADN de l'accusé, qui n'a pas permis de s'assurer qu'elle pouvait même être portée par l'accusé au regard de son tour de tête, a porté atteinte aux droits de la défense et qu'il résulte de la feuille de motivation que la déclaration de culpabilité repose sur la teneur de ce scellé, la cour d'assises a violé les articles 341 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
20. Il résulte du procès-verbal des débats que la défense a sollicité, par conclusions, la présentation d'une pièce à conviction. Celle-ci ne se trouvant pas au siège de la cour d'assises, la cour a, par arrêt, désigné un officier de police judiciaire pour briser le scellé contenant cette pièce à conviction, la photographier, et lui en adresser les clichés, par voie dématérialisée.
21. Dès lors que, à l'occasion de la présentation à la cour et aux jurés des photographies de cette pièce à conviction, la défense n'a pas manifesté d'opposition ni sollicité, par une demande de donné acte ou par des conclusions d'incident, que le jugement de l'affaire soit renvoyé à une autre session si cette pièce à conviction ne pouvait être matériellement transportée à l'audience, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt civil attaqué en ce qu'il a reçu la constitution de partie civile de Mme [D] [G] et a condamné M. [Z] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que la cassation de l'arrêt pénal entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt civil qui se trouvera alors dépourvu de toute base légale. »
Réponse de la Cour
23. Ce moyen est rendu inopérant par le rejet des moyens visant l'arrêt pénal.
24. Par ailleurs, la procédure est régulière et les faits souverainement constatés justifient la qualification et la peine.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé le 30 septembre 2021 :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé le 27 septembre 2021 :
Le REJETTE.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille vingt-trois.