LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 février 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 133 F-D
Pourvoi n° J 21-20.631
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023
M. [V] [B], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 21-20.631 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [J], épouse [K], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à Mme [D] [J], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],
3°/ à Mme [T] [J], épouse [Y], domiciliée [Adresse 5],
4°/ à M. [W] [J], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [B], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [W] [J], Mmes [K], [I] et [Y], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 9 janvier 2020), M. [B] a pris à bail une parcelle appartenant à [F] [J] et son épouse, décédés respectivement en 2003 et 2010.
2. La parcelle donnée à bail est devenue la propriété indivise de Mmes [K], [I] et [Y] et M. [W] [J] (les consorts [J]). Selon acte de partage du 2 juin 2014, elle a été attribuée à Mme [K].
3. Après mises en demeure des 27 avril et 22 août 2015, celle-ci a, par déclaration du 15 février 2016, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et expulsion de M. [B] pour défaut de paiement du fermage de 2014.
4. Mmes [I] et [Y] et M. [W] [J] sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [B] fait grief à l'arrêt de constater que les mises en demeure des 27 avril et 22 août 2015 sont régulières et de juger recevable l'action des consorts [J] en résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages, alors « que si la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, portant mise en demeure de payer le fermage, en application de l'article L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime est valablement délivrée dès lors qu'elle a été adressée à l'adresse du preneur présentant les caractères de son domicile, la notification n'est toutefois réputée faite à domicile ou à résidence que lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en se fondant, pour rejeter le moyen de M. [B] par lequel il contestait être le signataire des accusés de réception des mises en demeure de payer le fermage 2014 et en avoir été destinataire, et dire en conséquence que les mises en demeure litigieuses étaient conformes aux prescriptions légales et pouvaient dès lors valablement fonder une action en résiliation du bail rural, sur la seule circonstance qu'elles avaient été envoyées à l'adresse présentant les caractères du domicile du preneur, tout en ajoutant qu'il importait peu que ce dernier n'ait pas signé les accusés de réception, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime et 670 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 411-31, I, 1°, du code rural et de la pêche maritime et 670 du code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, le bailleur peut demander la résiliation du bail rural s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure, postérieure à l'échéance, faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
7. Selon le second, la notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire, et elle est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet.
8. Pour retenir que les mises en demeure restées infructueuses permettaient aux consorts [J] d'engager valablement une action en résiliation, l'arrêt énonce que, si M. [B] conteste être le signataire des accusés de réception des mises en demeure de payer le fermage 2014 et en avoir été destinataire, il résulte des éléments du dossier que l'adresse à laquelle ont été envoyées ces mises en demeure présentait les caractères du domicile du preneur, peu important que ce dernier n'ait pas signé les accusés de réception.
9. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de signature par le destinataire lui-même, la régularité de la notification à domicile nécessitait que le signataire fût un tiers muni d'un pouvoir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne M. [W] [J], Mmes [K], [I] et [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] [J], Mmes [K], [I] et [Y] et les condamne à payer à la société civile professionnelle Buk Lament-Robillot la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [B]
M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les mises en demeure des 27 avril et 22 août 2015 étaient régulières et d'avoir en conséquence jugé recevable l'action des consorts [J] en résiliation de bail pour défaut de paiement des fermages ;
1°) ALORS QUE si la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, portant mise en demeure de payer le fermage, en application de l'article L 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime est valablement délivrée dès lors qu'elle a été adressée à l'adresse du preneur présentant les caractères de son domicile, la notification n'est toutefois réputée faite à domicile ou à résidence que lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en se fondant, pour rejeter le moyen de M [B] par lequel il contestait être le signataire des accusés de réception des mises en demeure de payer le fermage 2014 et en avoir été destinataire, et dire en conséquence que les mises en demeure litigeuses étaient conformes aux prescriptions légales et pouvaient dès lors valablement fonder une action en résiliation du bail rural, sur la seule circonstance qu'elles avaient été envoyées à l'adresse présentant les caractères du domicile du preneur, tout en ajoutant qu'il importait peu que ce dernier n'ait pas signé les accusés de réception, la cour d'appel a violé les articles L 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime et 670 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE si la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, portant mise en demeure de payer le fermage, en application de l'article L 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime est valablement délivrée dès lors qu'elle a été adressée à l'adresse du preneur présentant les caractères de son domicile, la notification n'est toutefois réputée faite à domicile ou à résidence que lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter le moyen de M [B] par lequel il contestait être le signataire des accusés de réception des mises en demeure de payer le fermage 2014 et en avoir été destinataire, et dire en conséquence que les mises en demeure litigeuses étaient conformes aux prescriptions légales et pouvaient dès lors valablement fonder une action en résiliation du bail rural, qu'elles avaient été envoyées à l'adresse présentant les caractères du domicile du preneur, peu important que ce dernier n'ait pas signé les accusés de réception, sans rechercher comme il le lui était expressément demandé si la signature apposée sur les accusés de réception n'était pas celle de son père d'une part et de sa mère d'autre part laquelle attestait ne pas avoir reçu de mandat pour signer au nom de leur fils les courriers recommandés qui lui étaient destinés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 411-31 I 1° du code rural et de la pêche maritime et 670 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE M [B] établissait dans ses conclusions d'appel, par des nouvelles pièces (pièces n° 34 et 35) et développements, que la signature figurant sur l'accusé réception de la lettre recommandée en date du 27 avril 2015 adressée par Mme [K] était celle de sa mère, Mme [O] [B] (conclusions p 9, 11 et 12) et produisait à ce titre une attestation établie par cette dernière dans laquelle elle confirmait que la signature apposée sur le recommandé du 27 avril 2015 était sa propre signature (pièce 37) ; qu'à supposer adoptés les motifs du tribunal, en se bornant à se fonder sur les seules pièces produites en première instance pour considérer que M [B] avait bien signé l'accusé de réception de la mise en demeure qui lui avait été adressée le 27 avril 2015 sans répondre aux conclusions susvisées lesquelles étaient assorties de nouvelles offres de preuve en appel, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile.