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15/02/2023 | FRANCE | N°21-16458

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 février 2023, 21-16458


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 février 2023

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 165 F-D

Pourvoi n° Y 21-16.458

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023

M. [F] [L], domicilié [Adresse 1], a for

mé le pourvoi n° Y 21-16.458 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 février 2023

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 165 F-D

Pourvoi n° Y 21-16.458

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023

M. [F] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-16.458 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Hazemeyer, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hazemeyer, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 mars 2021), M. [L] a interjeté appel le 4 octobre 2019 d'un jugement l'ayant débouté de demandes formées contre son employeur la société Hazmeyer (la société).

2. Le défenseur syndical qui représentait le salarié a notifié ses conclusions d'appel le 27 décembre 2019 à la société et le 6 janvier 2020 à l'avocat qui représentait cette dernière en première instance.

3. La société a constitué avocat devant la cour d'appel le 8 janvier 2020 et a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer la caducité de la déclaration d'appel en l'absence de notification des conclusions à son représentant dans la procédure d'appel.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée le 4 octobre 2019, de constater l'extinction de l'instance d'appel et le dessaisissement de la cour d'appel, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code ; que constitue un tel cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable ; qu'au cas d'espèce, en considérant par principe que les graves problèmes de santé rencontrés par le défenseur syndical représentant le salarié en matière prud'homale ne constituaient pas un cas de force majeure, la cour d'appel a violé l'article 910-3 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque la représentation est obligatoire, il ne peut être reproché à une partie de n'avoir pas procédé elle-même en temps utile aux actes de la procédure ; qu'en l'espèce, en retenant encore, pour écarter la force majeure, que les problèmes de santé rencontrés par le défenseur syndical qui représentait le salarié en appel n'empêchaient pas ce dernier de faire signifier lui-même les conclusions d'appel dans le délai de quatre mois, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du code de procédure civile.

7. Constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

8. Contrairement aux allégations du moyen, la cour d'appel ne s'est pas bornée à considérer que les graves problèmes de santé rencontrés par le défenseur syndical représentant le salarié en matière prud'homale ne constituaient pas un cas de force majeure ni qu'ils n'empêchaient pas le salarié de faire signifier lui-même les conclusions d'appel dans le délai de quatre mois, mais a relevé qu'en cause de déféré, ni le défenseur syndical ni le salarié n'apportaient d'élément propre à caractériser l'existence de la force majeure.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le droit à l'accès au juge est garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il appartient au juge d'apprécier, de manière concrète et non de manière abstraite, si, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de dispositions procédurales de droit interne ne porte pas au droit à l'accès au juge une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu'au cas d'espèce, en se bornant à énoncer que les textes régissant les formes et délais de notification des conclusions d'appel "établissent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé" et ce, "peu important qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un défenseur syndical", la cour d'appel, qui a procédé à un contrôle in abstracto et non in concreto au regard des données de l'espèce, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les règles régissant le contrôle de proportionnalité ;

2°/ que, le droit à l'accès au juge est garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à supposer même que le contrôle de la conformité des règles procédurales internes régissant les formes et délais de notification des conclusions d'appel, sous l'angle de la proportionnalité de l'atteinte portée au droit à l'accès au juge, pût être effectué in abstracto, cette appréciation doit tenir compte des caractéristiques abstraites de la situation ; que le défenseur syndical, qui n'est pas un professionnel du droit, n'est pas placé dans la même situation que l'avocat, cette asymétrie devant nécessairement être prise en compte dans le cadre du contrôle de conventionnalité des règles procédurales internes ; qu'en l'espèce, en refusant par principe de tenir compte de cette différence de situation, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les règles régissant le contrôle de proportionnalité. »

Réponse de la Cour

11. D'abord, aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

12. Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d'appel ; cependant, si entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

13. Ensuite, il résulte de l'article R. 1461-1 du code du travail que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical, dans les conditions prévues à l'article 930-3 du code de procédure civile, selon lequel les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

14. La circonstance qu'en matière prud'homale, les parties peuvent avoir recours à un défenseur syndical pour les représenter au lieu et place d'un avocat, est indifférente s'agissant de leurs charges et obligations procédurales, dès lors qu'ils présentent des garanties équivalentes au regard des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'introduit de tempérament spécifique les concernant, sauf celles relatives au mode de transmission des actes de procédure, visées à l'article 930-3 du code de procédure civile.

15. La caducité de la déclaration d'appel encourue dès lors que les actes n'ont pas été accomplis dans le délai légal ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les parties n'étant pas privées de leur droit d'accès au juge.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [L]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [L] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée le 4 octobre 2019 contre le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin du 9 septembre 2019, D'AVOIR constaté l'extinction de l'instance d'appel et D'AVOIR constaté le dessaisissement de la cour d'appel ;

1. ALORS QU' aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code ; que constitue un tel cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable ; qu'au cas d'espèce, en considérant par principe que les graves problèmes de santé rencontrés par le défenseur syndical représentant le salarié en matière prud'homale ne constituaient pas un cas de force majeure, la cour d'appel a violé l'article 910-3 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE lorsque la représentation est obligatoire, il ne peut être reproché à une partie de n'avoir pas procédé elle-même en temps utile aux actes de la procédure ; qu'en l'espèce, en retenant encore, pour écarter la force majeure, que les problèmes de santé rencontrés par le défenseur syndical qui représentait le salarié en appel n'empêchaient pas ce dernier de faire signifier lui-même les conclusions d'appel dans le délai de quatre mois, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles R.1461-1 et R. 1461-2 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

M. [L] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée le 4 octobre 2019 contre le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin du 9 septembre 2019, D'AVOIR constaté l'extinction de l'instance d'appel et D'AVOIR constaté le dessaisissement de la cour d'appel ;

1. ALORS QUE le droit à l'accès au juge est garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il appartient au juge d'apprécier, de manière concrète et non de manière abstraite, si, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de dispositions procédurales de droit interne ne porte pas au droit à l'accès au juge une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu'au cas d'espèce, en se bornant à énoncer que les textes régissant les formes et délais de notification des conclusions d'appel « établissent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » et ce, « important qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un défenseur syndical », la cour d'appel, qui a procédé à un contrôle in abstracto et non in concreto au regard des données de l'espèce, a violé l'article 6 § de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les règles régissant le contrôle de proportionnalité ;

2. ALORS, subsidiairement, QUE le droit à l'accès au juge est garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à supposer même que le contrôle de la conformité des règles procédurales internes régissant les formes et délais de notification des conclusions d'appel, sous l'angle de la proportionnalité de l'atteinte portée au droit à l'accès au juge, pût être effectué in abstracto, cette appréciation doit tenir compte des caractéristiques abstraites de la situation ; que le défenseur syndical, qui n'est pas un professionnel du droit, n'est pas placé dans la même situation que l'avocat, cette asymétrie devant nécessairement être prise en compte dans le cadre du contrôle de conventionalité des règles procédurales internes ; qu'en l'espèce, en refusant par principe de tenir compte de cette différence de situation, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les règles régissant le contrôle de proportionnalité.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

M. [L] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée le 4 octobre 2019 contre le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin du 9 septembre 2019, D'AVOIR constaté l'extinction de l'instance d'appel et D'AVOIR constaté le dessaisissement de la cour d'appel ;

ALORS QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que la fin de non-recevoir tirée de ce principe sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ;qu'au cas d'espèce, M. [L] faisait valoir qu'à la suite de la notification par lettre recommandée de ses conclusions d'appel tant à l'intimée elle-même qu'à l'avocat postulant de celle-ci (Me [S]), intervenue fin décembre 2019, soit avant la constitution d'un avocat postulant (Me Leroy) – elle-même notifiée le 15 janvier 2020 –, l'avocat plaidant (Me [S]) avait de nouveau demandé au défenseur syndical, par courriel du 6 janvier 2020, de lui transmettre sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel, puis lui avait confirmé qu'il était bien désigné comme avocat plaidant par courriel du 15 janvier 2020 ; qu'en s'abstenant de rechercher si le comportement des conseils de l'intimée n'avait pas légitimement laissé croire au défenseur syndical de M. [L] qu'ils jugeaient régulière la notification des conclusions, ce qui leur interdisait ensuite de la remettre en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16458
Date de la décision : 15/02/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 fév. 2023, pourvoi n°21-16458


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Krivine et Viaud

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.16458
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