LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 107 F-D
Pourvoi n° K 21-22.403
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 FÉVRIER 2023
Mme [Y] [N], divorcée [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-22.403 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [C] [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [N], de Me Occhipinti, avocat de Mme [D], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 juin 2021), rendu en référé, Mme [N] a confié à Mme [D] la rénovation des peintures et plâtreries à l'intérieur de son domicile.
2. Se plaignant de malfaçons constatées dans trois pièces de l'habitation, Mme [N] a, après réalisation d'une expertise amiable, assigné Mme [D] en référé pour obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [N] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise, alors :
« 1°/ que l'octroi d'une mesure d'instruction in futurum suppose la preuve
de l'existence d'un potentiel litige futur à la solution duquel elle serait susceptible de contribuer, peu important que les juges du fond puissent être immédiatement saisis et statuer ; que la cour d'appel, pour débouter Mme [N], a relevé que si le rapport amiable avait fait état de désordres susceptibles d'engager la responsabilité de Mme [D] et qu'un litige existait concernant le montant de l'indemnisation due, Mme [N] « pourrait utilement [le] faire trancher au fond sans recourir à une mesure d'expertise judiciaire dont le coût sera très élevé au regard des sommes en jeu dans le cadre de la présente procédure » et que « la mesure d'expertise sollicitée ne permettra aucunement d'améliorer la situation probatoire de Mme [N], le litige portant seulement sur le montant des travaux de reprise, un tel litige pouvant être jugé au fond » ; qu'en statuant ainsi, au motif inopérant que les juges du fond pouvaient statuer sur le litige, quand
Mme [N] justifiait d'un motif légitime à faire intervenir un expert pour évaluer les indemnités dues et que la cour pouvait et devait adapter l'objet de la mesure d'expertise au litige potentiel discerné, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond doivent répondre aux conclusions opérantes des parties ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'expertise judiciaire, la cour d'appel a considéré qu'une expertise n'apporterait aucune plus-value par rapport à l'expertise amiable ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [N] faisant valoir que le rapport amiable était parcellaire, dénué d'avis technique et insuffisant en particulier sur les modalités de reprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Ayant retenu que, eu égard à la teneur du rapport de l'expert amiable, une expertise judiciaire n'apporterait aucune plus-value à celle réalisée par celui-ci dès lors que, le désaccord de Mme [N] portant sur le montant des travaux de reprise, la mesure sollicitée ne permettrait pas d'améliorer sa situation au regard des exigences de preuve, et que le litige pouvait être tranché en l'état par le juge du fond, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu en déduire que la demande d'expertise devait être rejetée.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [N] et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour Mme [N]
Mme [N] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé faute d'intérêt légitime, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et de L'AVOIR déboutée de sa demande d'expertise judiciaire ;
1°) ALORS QUE l'octroi d'une mesure d'instruction in futurum suppose la preuve de l'existence d'un potentiel litige futur à la solution duquel elle serait susceptible de contribuer, peu important que les juges du fond puissent être immédiatement saisis et statuer ; que la cour d'appel, pour débouter Mme [N], a relevé que si le rapport amiable avait fait état de désordres susceptibles d'engager la responsabilité de Mme [D] et qu'un litige existait concernant le montant de l'indemnisation due, Mme [N] « pourrait utilement [le] faire trancher au fond sans recourir à une mesure d'expertise judiciaire dont le coût sera très élevé au regard des sommes en jeu dans le cadre de la présente procédure » et que « la mesure d'expertise sollicitée ne permettra aucunement d'améliorer la situation probatoire de Mme [N], le litige portant seulement sur le montant des travaux de reprise, un tel litige pouvant être jugé au fond » ; qu'en statuant ainsi, au motif inopérant que les juges du fond pouvaient statuer sur le litige, quand Mme [N] justifiait d'un motif légitime à faire intervenir un expert pour évaluer les indemnités dues et que la cour pouvait et devait adapter l'objet de la mesure d'expertise au litige potentiel discerné, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions opérantes des parties ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'expertise judiciaire, la cour d'appel a considéré qu'une expertise n'apporterait aucune plus-value par rapport à l'expertise amiable ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [N] faisant valoir que le rapport amiable était parcellaire, dénué d'avis technique et insuffisant en particulier sur les modalités de reprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.