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08/02/2023 | FRANCE | N°21-18258

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 février 2023, 21-18258


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2023

Cassation partielle
sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 116 F-D

Pourvoi n° E 21-18.258

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société Flat

Lease Group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-18.258 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2023

Cassation partielle
sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 116 F-D

Pourvoi n° E 21-18.258

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société Flat Lease Group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-18.258 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société d'exploitation Pesage 2000, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Silvestri-[F], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [T] [F], prise en qualité de mandataire de justice à la procédure de sauvegarde de la société Flat Lease Group,

3°/ à M. [B] [N], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Flat Lease Group,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Flat Lease Group, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société d'exploitation Pesage 2000, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mars 2021), la société Pesage 2000 commercialise du matériel de pesage pour les métiers de bouche. Elle a conclu en février 2006 avec la société Altéa, devenue GP Finance, une convention de collaboration selon laquelle la société GP Finance se rendait acquéreur des matériels qu'elle louait aux commerçants clients. Une pratique contraire aux stipulations contractuelles s'est instaurée entre les parties selon laquelle elles considéraient qu'à leur terme les contrats de location étaient automatiquement résiliés. A la suite du rachat du fonds de commerce de la société GP Finance en février 2011 par la société Flat Lease Group (la société Flat Lease), celle-ci a revendiqué, à compter du mois d'octobre 2012, l'application stricte du contrat initial en considérant que les contrats de location qui n'avaient pas fait l'objet d'une résiliation formalisée par les commerçants se poursuivaient, ce qui lui permettait de continuer à prélever les loyers.

2. Faisant valoir que cette pratique nuisait à ses relations avec les commerçants et lui causait un préjudice commercial, la société Pesage 2000 l'a assignée pour faire reconnaître, à titre principal, qu'il y avait eu une novation du contrat et que les contrats de location devaient être considérés comme automatiquement résiliés à leur terme, et, subsidiairement, obtenir en application de la convention, paiement des 70 % des loyers perçus par la société Flat Lease et de dommages et intérêts. La société Flat Lease a présenté des demandes reconventionnelles.

3. Le 6 décembre 2017, la société Flat Lease a été mise en redressement judiciaire, la société Silvestri-[F], désignée mandataire judiciaire, est intervenue à la procédure.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, le deuxième et le troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Flat Lease fait grief à l'arrêt de juger qu'il y a eu novation dans le contrat initial, de la condamner à poursuivre la convention de collaboration novée, avec toutes conséquences y attachées, de dire que les contrats de location étaient automatiquement résiliés à leurs dates d'échéance respectives, soit à l'issue de la période initialement prévue au contrat, de constater et fixer à son passif une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial de la société Pesage 2000 et de rejeter sa demande reconventionnelle tendant au paiement d'une somme au titre des loyers non perçus des clients, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en jugeant, dans son dispositif, qu'il y avait eu novation dans le contrat initial, tout en retenant, dans ses motifs, que la pratique nouvelle instaurée entre les parties n'avait pas entraîné la novation de leur relation contractuelle, faute de volonté clairement exprimée en ce sens, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

7. Après avoir, dans ses motifs, retenu que la pratique contractuelle mise en oeuvre par les sociétés Pesage 2000, Altéa-GP Finance, puis Flat Lease jusqu'en octobre 2012, ne constituait pas une novation, l'arrêt confirme le jugement qui, dans son dispositif, constatait que cette pratique en constituait une.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ce qu'il dit confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la pratique contractuelle suivie par les parties jusqu'en octobre 2012 constituait une novation, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Pesage 2000 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Mamou, greffier présent lors du prononcé.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Flat Lease Group.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué par la société FLAT LEASE GROUP encourt la censure ;

EN CE QU' il a jugé qu'il y a eu novation dans le contrat initial ; en ce qu'il a condamné la société FLAT LEASE GROUP à poursuivre la convention de collaboration novée, avec toutes conséquences y attachées ; en ce qu'il a dit que les contrats de location étaient automatiquement résiliés à leurs dates d'échéance respectives, soit à l'issue de la période initialement prévue au contrat ; en ce qu'il a constaté et fixé au passif de la société FLAT LEASE GROUP une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial de la société PESAGE 2000 ; et en ce qu'il a débouté la société FLAT LEASE GROUP de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de 227.246,77 euros au titre des loyers non perçus des clients ;

ALORS QUE, premièrement, la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en jugeant, dans son dispositif, qu'il y avait eu novation dans le contrat initial, tout en retenant, dans ses motifs, que la pratique nouvelle instaurée entre les parties n'avait pas entraîné la novation de leur relation contractuelle, faute de volonté clairement exprimée en ce sens, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, les termes du litige sont déterminés par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, la société PESAGE 2000 fondait ses demandes sur l'existence d'une novation de la convention de collaboration, et ajoutait à titre subsidiaire qu'en l'absence de novation, il convenait d'appliquer les clauses contractuelles ; qu'en décidant de faire droit aux demandes de la société PESAGE 2000, non au titre d'une novation, mais à raison d'un usage contractuel consistant à ne pas faire application des stipulations de la convention relatives à la reconduction des contrats de location après leur terme, pour considérer que la société PESAGE 2000 avait l'obligation de racheter le matériel dès l'arrivée de ce terme, même en l'absence de rupture du contrat de location par les clients, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, troisièmement, il ressort des propres constatations des juges que les contrats de location stipulaient que, en l'absence de notification contraire six mois avant leur terme, ces engagements étaient automatiquement reconduits par périodes d'un an reconductibles (arrêt, p. 6, § 2), que cette nécessité de notifier le non-renouvellement des contrats de location six mois avant leur terme était rappelée à la convention de collaboration qui liait les sociétés FLAT LEASE GROUP et PESAGE 2000 (ibid.), et qu'en cas de résiliation ou de non-renouvellement des contrats de location, cette même convention de collaboration prévoyait que la société PESAGE 2000 s'engageait à racheter le matériel (ibid., p. 3, § 4) ; qu'en opposant néanmoins que la société FLAT LEASE GROUP ne produisait aucun élément établissant que le rachat du matériel par la société PESAGE 2000 était conditionné à la résiliation des contrats de location par les clients (ibid., p. 6, in fine), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil ;

ET ALORS QUE, quatrièmement, et subsidiairement, l'usage par lequel deux parties à un contrat décident de ne pas en appliquer les stipulations est sans effet sur l'application des stipulations d'autres contrats liant d'autres parties ; qu'en faisant prévaloir l'usage établi entre les sociétés PESAGE 2000 et la société FLAT LEASE GROUP de ne pas faire application des stipulations de leur contrat de collaboration relatives à la reconduction des contrats de location au-delà de leur terme, quand cet usage ne pouvait s'imposer aux clients dont les contrats de location prévoyaient une reconduction tacite à l'arrivée du terme, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles 1134 et 1165 anciens devenus 1103 et 1199 du code civil.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué par la société FLAT LEASE GROUP encourt la censure ;

EN CE QU' il a débouté la société FLAT LEASE GROUP de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de 266.270,73 euros au titre des loyers non perçus des clients ;

ALORS QUE, premièrement, la cassation s'étend à l'ensemble des chefs qui se rattachent par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire à la disposition censurée ; qu'en l'espèce, pour débouter la société FLAT LEASE GROUP de sa demande de dommages-intérêts pour perte de loyers, la cour d'appel a retenu qu'il n'y avait pas lieu de faire application des stipulations prévoyant la tacite reconduction des contrats de location en l'état d'un usage contractuel ayant consisté à considérer que les contrats de location prenaient fin dès l'arrivée de leur terme initial, sans reconduction ; que dès lors que la censure doit être prononcée à l'encontre des motifs par lesquels la cour d'appel a justifié par l'existence d'un usage contractuel de ne pas faire application des stipulations de la convention de collaboration, la cassation à intervenir sur le premier moyen doit entraîner l'annulation, par voie de conséquence nécessaire, du chef par lequel la société FLAT LEASE GROUP a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en opposant que la société FLAT LEASE GROUP avait été informée dès le début de l'année 2013 de l'existence de la pratique qui existait entre son prédécesseur et la société PESAGE 2000 de tenir les contrats de location pour résiliés à leur terme, quand la société FLAT LEASE GROUP était fondée, en dépit de cette pratique antérieure, à solliciter le respect des stipulations contractuelles prévoyant, tant dans le contrat de collaboration que dans les contrats de location, que ceux-ci faisaient l'objet de reconductions tacites, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil ;

ET ALORS QUE, troisièmement, sauf à ce qu'il constitue un cas de force majeure ou la cause exclusive du dommage, le fait du créancier qui a contribué à la réalisation de son dommage ne peut être, pour autant encore qu'il soit fautif, qu'une cause d'exonération partielle du cocontractant dont la responsabilité est recherchée ; qu'en énonçant que la société FLAT LEASE GROUP ne pouvait solliciter la réparation d'un préjudice qu'elle a elle-même contribué à générer, quand cette circonstance n'était pas nature à exonérer la société PESAGE 2000 de sa propre responsabilité pour avoir contribué à la réalisation de ce dommage en refusant de faire application des stipulations de la convention de collaboration conclue entre les parties, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 anciens devenus 1103 et 1231-1 du code civil.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué par la société FLAT LEASE GROUP encourt la censure ;

EN CE QU' il a constaté et fixé au passif de la société FLAT LEASE GROUP une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial de la société PESAGE 2000 ;

ALORS QUE pour fixer le préjudice commercial de la société PESAGE 2000 à la somme de 30.000 euros, le premier juge avait retenu que ce préjudice résultait, d'une part, du non-respect par la société FLAT LEASE GROUP du délai de préavis contractuel de trois mois, et d'autre part, de sa facturation des locataires après l'arrivée du terme de leurs contrats ; qu'en retenant que, en l'état de l'attitude de la société FLAT LEASE GROUP qui a exigé la poursuite des contrats de location non expressément résiliés, il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait fixé le préjudice de la société PESAGE 2000 à 30.000 euros, sans expliquer comment, en ne retenant qu'une des deux fautes à l'origine de ce préjudice, elle avait pu aboutir à la même évaluation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-18258
Date de la décision : 08/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 fév. 2023, pourvoi n°21-18258


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.18258
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