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01/02/2023 | FRANCE | N°22-80461

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 février 2023, 22-80461


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 22-80.461 FS-B

N° 00062

SL2
1ER FÉVRIER 2023

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023

M. [G] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021, qui a

prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.

Un mémoire personnel a été produit.

Sur le rapport de M. Turcey, co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 22-80.461 FS-B

N° 00062

SL2
1ER FÉVRIER 2023

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023

M. [G] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021, qui a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.

Un mémoire personnel a été produit.

Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Au cours d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, la somme de 58 600 euros découverte au domicile de M. [G] [E] a fait l'objet d'une saisie incidente.

3. Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal correctionnel, pour blanchiment de trafic de stupéfiants, a condamné M. [E] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 10 000 euros d'amende et a dit n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, au motif que la demande portait sur une somme non saisie dans le cadre de l'information.

4. Le 22 janvier 2020, l'avocat de l'intéressé a présenté au procureur de la République une requête aux fins de restitution de cette somme.

5. Par décision du 1er avril 2021, le procureur de la République a rejeté cette demande.

6. M. [E] a déféré la décision de non-restitution à la chambre de l'instruction.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de la présomption d'innocence.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de faire droit au recours formé par le demandeur à l'encontre du rejet de sa requête en restitution de la somme de 58 600 euros, alors que la procédure incidente diligentée pour des faits de non-justification de ressources à la suite de la découverte de cette somme a été classée sans suite le 22 février 2017 au motif d'une insuffisance d'éléments propres à caractériser cette infraction, qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à l'encontre de M. [E], et que la restitution des fonds dont la propriété n'est pas contestée, provenant de son activité de cambiste, aurait dû être ordonnée par la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à répondre par un motif inopérant à l'argumentation du requérant en retenant que la somme en question est le produit d'une infraction.

Réponse de la Cour

Vu l'article 41-4 du code de procédure pénale :

9. Aux termes du premier alinéa de ce texte, au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée.

10. Selon le deuxième alinéa, il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.

11. Lorsque la requête est présentée alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête en restitution a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction.

12. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien.

13. En l'espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l'encontre de la décision du procureur de la République disant n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'alinéa 2 de l'article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l'établissement d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.

14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l'objet le 22 février 2017 d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.

15. Ils relèvent qu'il n'est pas exigé, pour que les dispositions de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu'une condamnation ait été prononcée, qu'il suffit qu'aucune juridiction n'ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l'enquête s'est conclue par un classement sans suite et qu'une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de restitution.

16. Ils retiennent que dès lors qu'il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu'il ne justifie d'aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l'activité prohibée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d'une infraction.

17. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.

18. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre ainsi fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021 ;

ORDONNE la restitution à M. [E] de la somme de 58 600 euros saisie à son domicile (procédure incidente numéro 2014/1033) ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-80461
Date de la décision : 01/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESTITUTION - Juridiction non saisie au terme de l'enquête ou juridiction saisie ayant épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution - Requête en restitution - Décision de non restitution du ministère public - Saisine de la chambre de l'instruction - Décision de refus de restitution de la juridiction - Fondement - Restitution de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou disposition particulière prévoyant la destruction du bien - Exclusions - Bien produit ou instrument de l'infraction

Lorsqu'une requête en restitution est présentée sur le fondement des dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse de restituer une somme saisie au motif que cette somme serait le produit d'une infraction, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée


Références :

Article 41-4 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 30 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 fév. 2023, pourvoi n°22-80461, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.80461
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