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01/02/2023 | FRANCE | N°21-24652

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 février 2023, 21-24652


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er février 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 95 F-D

Pourvoi n° E 21-24.652

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

La société DLSI, société anonyme, dont l

e siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-24.652 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er février 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 95 F-D

Pourvoi n° E 21-24.652

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

La société DLSI, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-24.652 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [W] [N], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société DLSI, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [N], et après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 septembre 2021), Mme [N] a été engagée le 3 septembre 2007 en qualité de responsable d'agence par la société Alarys 80, aux droits de laquelle est venue en 2011 la société DLSI (la société).

2. Le15 juillet 2016, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 22 septembre 2016, de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement et de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, alors « que même lorsqu'un harcèlement moral a été retenu, le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement ne peut être annulé que si un lien de causalité est caractérisé entre ledit harcèlement et l'inaptitude ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour déclarer nul le licenciement de la salariée, à rappeler que le licenciement prononcé pour inaptitude est nul lorsque cette inaptitude est la conséquence d'agissements de harcèlement moral et à indiquer que tel était le cas en l'espèce, sans à aucun moment caractériser l'existence d'un lien entre le harcèlement et l'inaptitude à l'origine du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir retenu que le harcèlement moral était établi et constaté que la salariée avait fait l'objet d'arrêts de travail à compter du mois de février 2016, puis, au terme d'un seul examen médical le 21 juin suivant en raison d'une situation de danger immédiat, avait été déclarée définitivement inapte à tout poste de l'entreprise, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de l'intéressée était la conséquence des agissements de harcèlement moral, en sorte que le licenciement était nul, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DLSI aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DLSI et la condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société DLSI

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société DLSI à payer à Mme [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Mme [N], d'AVOIR condamné la société DLSI à payer à Mme [N] les sommes de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 9 863,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 986,38 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente, 2 500 euros à titre d'indemnité pour frais de procédure et d'AVOIR débouté la société DLSI de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

1) ALORS QUE le juge ne doit pas modifier l'objet du litige ; qu'il a, à ce titre, l'interdiction de dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour juger que des faits de harcèlement moral étaient établis, la cour d'appel, après avoir relevé que " la société DLSI fait valoir qu'elle n'a pas annulé les congés de Madame [N] en avril 2014 mais lui a seulement demandé d'attendre le retour de son assistante pour les planifier " a retenu que " cependant, alors qu'il n'est pas contesté que ses congés étaient prévus et acceptés, l'employeur lui a demandé d'attendre jusqu'à 6 jours avant leur date prévue pour savoir s'ils étaient maintenus, alors qu'elle avait réservé ses vacances à l'étranger " (cf. arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi quand la société DLSI contestait au contraire que les congés de la salariée avaient été prévus et acceptés, en expliquant que lorsque la salariée lui avait annoncé au début du mois d'avril vouloir prendre des congés pour la période du 28 avril 2014 au 9 mai 2014, l'assistante de cette dernière était en congés, de sorte qu'il avait demandé à la salariée d'attendre le retour de son assistante pour que soient fixés ses congés au regard du planning de l'agence (cf. conclusions de la société DLSI p. 9), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société DLSI en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour juger que des faits de harcèlement moral étaient établis, la cour d'appel a retenu que " Madame [N] expose ensuite qu'au cours du mois d'août 2015, la direction de l'entreprise publiait une offre d'emploi, qu'elle produit aux débats, afin de pourvoir le poste de responsable de l'agence de Béthune qu'elle occupait "(cf. arrêt p. 4), que " la société DLSI expose que Madame [N] avait laissé entendre qu'elle souhaitait quitter l'entreprise et produit un courriel de sa part du 10 juillet 2015, aux termes duquel elle envisageait l'hypothèse d'une rupture conventionnelle ", mais que " loin de répondre en ce sens à la demande d'explications de Madame [N], qui s'étonnait de l'existence de cette offre d'emploi dont elle n'avait pas été tenue informée, l'employeur s'est contenté de sèches dénégations dans son courriel susvisé du 4 septembre " (cf. arrêt p. 5) ; qu'en retenant que le fait qu'un employeur ne tienne pas au courant une salariée de la procédure de recrutement qu'il a dû lancer compte tenu de la volonté manifestée par cette dernière de quitter l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle et des pourparlers engagés à cette fin, constituait un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour juger que des faits de harcèlement moral étaient établis, la cour d'appel a aussi relevé que "Mme [N] fait valoir à juste titre qu'une procédure conventionnelle s'étend sur une période de cinq à six semaines à compter de la signature de demande d'homologation et que si son remplacement posait une réelle difficulté, il était possible de fixer la date de rupture du contrat de travail plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l'homologation de la convention de rupture " (cf. arrêt p. 5) ; qu'en retenant que constituait un harcèlement moral le fait pour l'employeur de ne pas attendre la signature de la rupture conventionnelle pour mettre en oeuvre une procédure de recrutement pour anticiper l'éventuel départ de la salariée qui occupait les fonctions de responsable de l'agence de Béthune, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, en relevant que Mme [N] justifiait avoir demandé vainement des explications à la suite du mail de M. [T] du 3 mai 2015 (cf. arrêt p. 4), tandis qu'il ressortait du courriel de Mme [N] du 1er juin 2015 que celui-ci lui avait répondu par téléphone (cf. production), la cour d'appel a dénaturé ce courriel de Mme [N] daté du 1er juin 2015 adressé à M. [T] et violé le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

5) ALORS QUE l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme implique notamment, à la charge du tribunal, l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve de toutes les parties, sauf à faire peser sur le juge un soupçon de partialité ; qu'en l'espèce, pour juger les faits de harcèlement moral établis, la cour d'appel a retenu que "le mode de communication de Monsieur [D] [sic] (?) présente un caractère vexatoire par son laconisme et sa sécheresse " (cf. arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi sans analyser le ton provocateur utilisé par la salariée et dénoncé par l'employeur qui ressortait des mails produits aux débats (cf.productions), la cour d'appel qui n'a donné à sa décision qu'une apparence de motivation de nature à créer un doute légitime sur son impartialité, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Mme [N] et d'AVOIR condamné la société DLSI à payer à Mme [N] les sommes de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 9 863,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 986,38 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente et 2 500 euros à titre d'indemnité pour frais de procédure et d'AVOIR débouté la société DLSI de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

ALORS QUE même lorsqu'un harcèlement moral a été retenu, le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement ne peut être annulé que si un lien de causalité est caractérisé entre ledit harcèlement et l'inaptitude ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour déclarer nul le licenciement de Mme [N], à rappeler que le licenciement prononcé pour inaptitude est nul lorsque cette inaptitude est la conséquence d'agissements de harcèlement moral et à indiquer que tel était le cas en l'espèce (cf. arrêt attaqué p. 7), sans à aucun moment caractériser l'existence d'un lien entre le harcèlement et l'inaptitude à l'origine du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-24652
Date de la décision : 01/02/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 fév. 2023, pourvoi n°21-24652


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.24652
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