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01/02/2023 | FRANCE | N°21-21700

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 février 2023, 21-21700


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er février 2023

Cassation partielle

M. RINUY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 96 F-D

Pourvoi n° W 21-21.700

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

La caisse régionale

de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-21.700 contre l'arrêt rendu le 1er j...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er février 2023

Cassation partielle

M. RINUY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 96 F-D

Pourvoi n° W 21-21.700

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-21.700 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [S] [T], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Rinuy, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juin 2021), Mme [T] a été engagée à compter du 1er avril 1981 en qualité d'agent d'accueil par le Crédit agricole, aux droits duquel vient désormais la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes (la CRCAM). Le 18 novembre 2008, elle a été nommée aux fonctions de superviseur d'un pôle de la nouvelle agence en ligne, statut cadre.

2. Convoquée le 30 août 2016 à un entretien préalable, la salariée a été licenciée le 15 septembre 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

3. La salariée, qui avait saisi la juridiction prud'homale le 8 juin 2016, a notamment sollicité un complément d'indemnités de licenciement et des dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La CRCAM fait grief à l'arrêt de juger qu'elle devait à la salariée une certaine somme à titre de reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement et donc de la condamner à payer cette somme à la salariée, alors « que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; dans ses écritures, la CRCAM Sud Rhône Alpes a soutenu que le salaire moyen de Mme [T] s'élevait à 3 329,06 euros et non pas à 3 557 euros comme l'estime Mme [T] ; que pour juger que la CRCAM Sud Rhône Alpes était redevable à Mme [T] d'un reliquat de 4 841 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la cour d'appel, après avoir fait droit à l'argumentation de la CRCAM Sud Rhône Alpes sur le coefficient multiplicateur (12 mois et non 13 mois) s'est contentée de relever qu'il "est constant (?) que son salaire moyen mensuel est de 3 557 euros" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Pour condamner l'employeur à payer la somme de 4 841 euros au titre du reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt retient qu'il est constant que le salaire moyen mensuel de la salariée est de 3 557 euros.

8. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, l'employeur soutenait que le salaire moyen s'élevait à 3 329,06 euros, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes à payer à Mme [T] la somme de 4 841 euros à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône-Alpes

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La CRCAM Sud Rhône Alpes fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que Mme [T] a été victime d'un harcèlement moral et, partant, de l'avoir condamnée à verser à celle-ci 25 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 85 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son licenciement nul et 10 671 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

ALORS, D'UNE PART, QUE il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail et de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version alors en vigueur, que si le juge considère que les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, il lui revient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir dit que Mme [T] a établi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral caractérisé par une charge de travail excessive ayant conduit à la dégradation de son état de santé, la cour d'appel a relevé d'autres éléments invoqués par Mme [T] et conclu que cette charge était excessive tant du point de vue du nombre de missions à réaliser que du temps de travail nécessaire à y consacrer, que par ailleurs Mme [T] a dû attendre deux ans pour obtenir la contrepartie financière de sa mission et qu'elle n'a pas bénéficié des visites médicales obligatoires ; qu'en statuant ainsi, sans jamais apprécier si la CRCAM Sud Rhône Alpes avait prouvé que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel n'a pas exercé son office et donc violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART et en tout état de cause, QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, le juge doit examiner tous les éléments invoqués par le salarié pour d'abord déterminer si chacun d'eux est matériellement établi (en tenant compte des critiques de l'employeur sur cette matérialité), avant de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments qui sont matériellement établis et les certificats médicaux laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral, auquel cas il lui appartient alors d'apprécier de façon non séparée, si l'employeur prouve que ses agissements sont étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir dit que Mme [T] a établi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a relevé d'autres éléments versés aux débats par Mme [T] (ses évaluations de 2010 et 2011, son dossier médical, ses horaires et son forfait jours, (?)) et recherché s'ils étaient ou non matériellement établis, en tenant compte de certaines critiques de l'employeur sur cette matérialité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a de nouveau méconnu les conditions de son office et violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, EGALEMENT, QUE, les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; dans ses écritures, Mme [T] a soutenu avoir a été nommée le 18 novembre 2008 au poste de « Superviseur » (ou « Manager ») sur le site de [Localité 5] pour « superviser l'équipe de [Localité 5] », que l'employeur n'a pas rempli son obligation de formation et d'adaptation autant lors de son arrivée sur son nouveau poste que durant l'exécution de son contrat et que sa charge de travail était beaucoup plus lourde que celle des autres superviseurs postés à [Localité 4] ; que pour juger que la charge de travail de Mme [T] était excessive et qu'elle a bénéficié de formations insuffisantes au regard de ses fonctions, la cour d'appel a commencé par affirmer que Mme [T] « devient manager en 2008 en charge d'une équipe, à Valence puis une autre à Grenoble (...) » ; qu'en statuant ainsi, alors que Mme [T] n'a jamais soutenu être devenue manager d'une équipe à Grenoble, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, EN OUTRE, QUE les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; dans ses écritures, Mme [T] a écrit qu'elle a été informée de sa nouvelle mission de référente pour le programme RC2.0 au mois de mars 2013, pour un début en avril 2013, avec poursuite en mai et juin pour cible opérationnelle en septembre 2013 ; que pour juger que la charge de travail de Mme [T] était excessive et qu'elle a bénéficié de formations insuffisantes au regard de ses fonctions, la cour d'appel a également affirmé que « de la même façon en 2012 alors qu'elle est désormais en charge en plus du déploiement du programme RC2.0 (?) ; qu'en statuant ainsi, pour dire que sa charge de travail était excessive, alors que Mme [T] a seulement été informée de cette nouvelle mission en mars 2013, pour un début en avril 2013, à savoir après sa chute du 21 mars 2013, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, de surcroît, QUE les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; dans ses écritures, Mme [T] a soutenu qu'elle a attendu deux ans et demi pour aligner sa rémunération sur celle des autres superviseurs et que l'employeur justifie cette différence de traitement par une différence d'expérience, ce qu'elle ne conteste pas ; que pour juger que Mme [T] avait été victime d'un harcèlement moral, la cour d'appel a également retenu que malgré ses réclamations, elle a dû attendre deux ans avant d'obtenir une rémunération conforme à celle de ses homologues grenoblois et à la hauteur de son investissement ; qu'en statuant ainsi, alors que Mme [T] n'a pas contesté que cette différence de traitement était justifiée, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, au surplus, QUE, les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; dans ses conclusions d'appel, Mme [T] a soutenu, au titre des agissements de harcèlement moral de son employeur, que le 26 avril 2002 celui-ci l'a contrainte à signer une convention de forfait jours rétroactive au 1er janvier 2011, afin de ne pas payer les heures supplémentaires de l'année 2011, et qu'après une pression exercée pendant plusieurs semaines, elle a été contrainte et forcée de la signer le 2 juin 2012 ; que la cour d'appel a toutefois jugé que Mme [T] ne démontre pas qu'elle a été « contrainte et forcée » de signer la « convention de forfaits-jours rétroactive » : qu'en retenant malgré tout cet élément au titre de ceux qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a, une nouvelle fois, violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La CRCAM Sud Rhône Alpes fait grief à l'arrêt attaqué, également infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé qu'elle devait à Mme [T] un reliquat de 4 841 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et donc de l'avoir condamnée à payer cette somme à Mme [T] ;

ALORS QUE, les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; dans ses écritures, la CRCAM Sud Rhône Alpes a soutenu que le salaire moyen de Mme [T] s'élevait à 3 329,06 euros et non pas à 3 557 euros comme l'estime Mme [T] ; que pour juger que la CRCAM Sud Rhône Alpes était redevable à Mme [T] d'un reliquat de 4 841 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la cour d'appel, après avoir fait droit à l'argumentation de la CRCAM Sud Rhône Alpes sur le coefficient multiplicateur (12 mois et non 13 mois) s'est contentée de relever qu'il « est constant (?) que son salaire moyen mensuel est de 3 557 euros » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, l'article 14 de la convention collective applicable dispose que l'indemnité de préavis et « de licenciement sont calculées en fonction du salaire annuel brut de l'année précédente ayant fait l'objet de la dernière déclaration fiscale sur les traitements et salaires, y compris l'évaluation des avantages en nature » ; que Mme [T] ayant été licenciée pour inaptitude le 15 septembre 2016, la CRCAM Sud Rhône Alpes a donc reconstitué la rémunération de Mme [T] pour l'année 2015 et a abouti à un salaire moyen mensuel de 3 329,06 euros ; qu'en reprenant un salaire mensuel moyen de 3 557 euros, calculé par Mme [T] sur les trois derniers mois précédant de son arrêt de travail (décembre 2012 à février 2013), la cour d'appel a donc violé la convention collective applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-21700
Date de la décision : 01/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 01 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 fév. 2023, pourvoi n°21-21700


Composition du Tribunal
Président : M. Rinuy (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.21700
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