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25/01/2023 | FRANCE | N°21-23017

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2023, 21-23017


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle sans renvoi

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 48 F-D

Pourvoi n° C 21-23.017

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

Mme [H] [X], dom

iciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-23.017 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), da...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle sans renvoi

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 48 F-D

Pourvoi n° C 21-23.017

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

Mme [H] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-23.017 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association AFEJI, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [X], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'association AFEJI, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, M. Juan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 avril 2021), Mme [X] a été engagée à compter du 1er septembre 2005 par l'Association des Flandres pour l'éducation et la formation des jeunes et l'insertion sociale et professionnelle (AFEJI) (l'association) en qualité de technicienne qualifiée. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de service éducatif.

2. Licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 10 mars 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 2 137 euros le montant du rappel du salaire au titre des astreintes, alors « que les juges d'appel ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel et en l'absence d'appel incident de l'intimé ; qu'en l'espèce, le conseil des prud'hommes de Lille, par jugement du 26 janvier 2018, avait fixé le montant du rappel de salaire dû à Mme [X] au titre des astreintes à la somme de 2.175,36 euros ; qu'en condamnant l'association AFEJI lui payer la somme de 2.137 euros à ce titre, cependant que l'employeur avait conclu en cause d'appel à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait ‘'fixé le montant de rappel de salaires sollicité par Mme [X] au titre des astreintes à 2.175,36 euros'‘ et n'avait donc pas formé appel incident de ce chef, la cour d'appel a aggravé le sort de l'appelante sur son seul appel, violant l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ce texte que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, en l'absence d'appel incident.

6. Pour condamner l'association à payer à la salariée la somme de 2 137 euros de rappel de salaire au titre des astreintes, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il ajoute que l'appel de Mme [X] tel qu'il est circonscrit par le dispositif de ses dernières conclusions ne tend pas à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné l'AFEJI à lui payer la somme de 2 175,36 euros que l'association reconnaissait devoir en première instance ou à la somme de 2 175,36 figurant dans ses motifs, mais à sa condamnation à une somme de 2 137 euros. Il conclut que l'AFEJI reconnaissant devoir le montant plus important retenu par les premiers juges, il sera fait droit à la demande réduite en cause d'appel par la salariée, à hauteur du montant ainsi sollicité (de 2 137 euros).

7. En statuant ainsi, alors que seule la salariée avait formé appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Sur suggestion de l'association, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il y lieu de fixer à 2 175,36 euros le montant de la condamnation de l'association au titre des astreintes et de la condamner au paiement de 2 175,36 euros au titre des astreintes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement sauf en ses dispositions sur le montant du rappel de salaire au titre des astreintes et, statuant à nouveau sur ce seul chef, condamne l'AFEJI à payer à Mme [X] la somme de 2 137 euros au titre du rappel de salaire sollicité par Mme [X] au titre de ses astreintes, l'arrêt rendu le 23 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Condamne l'association AFEJI à payer à Mme [X] la somme de 2 175,36 euros à titre de rappel de salaire au titre des astreintes ;

Condamne l'Association des Flandres pour l'éducation et la formation des jeunes et l'insertion sociale et professionnelle aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [X]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR limité à la somme de 2.137 euros le montant du rappel du salaire au titre des astreintes.

ALORS QUE les juges d'appel ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel et en l'absence d'appel incident de l'intimé ; qu'en l'espèce, le conseil des prud'hommes de Lille, par jugement du 26 janvier 2018, avait fixé le montant du rappel de salaire dû à Mme [X] au titre des astreintes à la somme de 2.175,36 euros ; qu'en condamnant l'association AFEJI lui payer la somme de 2.137 euros à ce titre, cependant que l'employeur avait conclu en cause d'appel à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait « fixé le montant de rappel de salaires sollicité par Mme [X] au titre des astreintes à 2.175,36 euros » et n'avait donc pas formé appel incident de ce chef, la cour d'appel a aggravé le sort de l'appelante sur son seul appel, violant l'article 562 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que M. [Z] [D] était parfaitement habilité à signer sa lettre de licenciement, d'AVOIR dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR déboutée de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre.

1° ALORS QUE le juge à l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que pour dire que M. [Z] [D] (directeur du territoire métropole) était habilité à signer la lettre de licenciement de Mme [X], la cour d'appel a retenu que « le règlement intérieur associatif de 2009 applicable au litige, prévoit que le directeur général est investi par délégation du président de l'association du pouvoir disciplinaire vis-à-vis de l'ensemble des personnels cadres et non cadres et que les cadres de direction de la direction générale peuvent être investis d'un pouvoir disciplinaire par délégation du directeur général » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le règlement intérieur associatif de 2009 ne prévoyait nullement que le directeur général était investi par délégation du président de l'association du pouvoir disciplinaire sur l'ensemble des salariés cadres et non cadre et que les cadres de la direction générale pourraient être investis d'un pouvoir disciplinaire par délégation du directeur général, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

2° ET ALORS QUE l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, l'article 13 des statuts de l'association en date du 28 mai 2009, dispose que « le président et les autres membres du bureau peuvent consentir des délégations de pouvoir dans les conditions fixées par le règlement intérieur » ; que tandis que l'article 4 du règlement intérieur associatif du 23 avril 2009 fixe le principe selon lequel « le bureau assure l'administration de l'association. (?) Il délibère et établit le schéma de délégation », son article 5 prévoit seulement que le président de l'association « peut déléguer partiellement ses pouvoirs aux vice-présidents et au directeur général » ; qu'il s'ensuit que le président de l'association, bien qu'autorisé à déléguer aux vice-présidents et au directeur général le pouvoir disciplinaire (donc à eux seuls), n'est pas, en revanche, habilité par les statuts de l'association et son règlement intérieur, d'une part, à leur conférer la faculté de subdéléguer le pouvoir de licencier à un de leurs subalternes, d'autre part, à établir le schéma de délégation ; qu'en jugeant cependant – après avoir constaté que le président de l'association avait valablement délégué au directeur général le pouvoir permanent de rompre les contrats de travail – que « cette délégation prévoit en outre une "subdélégation et remplacement de façon permanente", le président indiquant à ce titre qu'il l'"autorise, en qualité de Directeur Général de l'Association, si vous le jugez nécessaire, à déléguer vous-même une partie de vos pouvoirs à l'un ou plusieurs des cadres placés sous votre autorité, à la condition que ces derniers possèdent la compétence et l'autorité nécessaire et aient à leur disposition les moyens d'exercer ces pouvoirs" » et que « l'AFEJI produit également un schéma de délégation associatif daté du 26 octobre 2011 et signé par le président, en vertu duquel des délégations sont prévues pour le licenciement au directeur général, avec pouvoir de subdélégation », en sorte que le directeur général de l'association avait valablement « subdélégué à M. [D], directeur de territoire, une partie de ses pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines, et en particulier la possibilité de mettre en oeuvre les mesures individuelles de licenciement des cadres relevant de son champ de responsabilité après information du directeur général », la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que son licenciement est parfaitement régulier au regard de la loi et de la procédure interne d'autorisation préalable au licenciement, d'AVOIR dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR déboutée de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre.

ALORS QUE l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 prévoit que, sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet, précédemment, d'au moins deux sanctions ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement énonçait : « suite à un droit d'alerte pour des faits de harcèlement et risques psychosociaux déposé par les délégués du personnel en date du 5 février 2015 auprès du Président du CHSCT, celui-ci a diligenté une enquête au sein de l'établissement. Cette enquête a permis d'entendre 35 personnes. L'enquête a permis de mettre en exergue plusieurs situations concrètes et datées : - Modifications horaires régulières sans respect du délai de prévenance ou information préalable de votre hiérarchie ou des instances paritaires compétentes ; - Pressions répétées sur la prise des congés des salariés et interpellations régulières et répétées des salariés sur leur temps de pause ; - Refus d'absences répétées envers des salariés justifiant de contraintes médicales exceptionnelles ou d'évènements familiaux ouvrant de tels droits, ou afin de permettre d'améliorer l'employabilité des jeunes stagiaires ; - Instauration de modalités de contrôle des états d'avance de caisse dévalorisantes envers vos équipes. L'ensemble de ces éléments démontre, malgré les explications que vous avez données lors de votre entretien, un comportement managérial contraire aux valeurs de l'AFEJI et à la Charte managériale que vous avez signée et approuvée. Je suis, par conséquent, au regret de vous informer par la présente que j'ai décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse liée à votre comportement managérial inadapté envers les salariés dont vous avez la responsabilité au foyer d'hébergement « [4] » à [Localité 3] » ; que pour écarter l'application de l'article 33 de la convention collective applicable et dire le licenciement justifié, la cour d'appel a retenu que « le manquement reproché à Mme [X] relève de façon évidente de l'insuffisance professionnelle », dans la mesure où « l'employeur invoque en effet exclusivement son mode de management à l'appui du licenciement, sans à aucun moment évoquer une mauvaise volonté de la salariée ou son intention, ni à aucun moment mentionner une faute de celle-ci, la référence à une pratique contraire aux valeurs de l'association et à la Charte managériale signée et approuvée venant uniquement appuyer l'insuffisance alléguée dès lors que la Charte ne fait que rappeler les grands principes d'un management conforme aux valeurs de l'association » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait, d'une part, que la lettre de licenciement reprochait notamment à la salariée d'avoir exercé sur des salariés des pressions, de les avoir interpellés pendant leurs temps de pause et d'avoir mis en oeuvre des modalités de contrôle des caisses dévalorisantes pour les salariés concernés, et ce, en violation des valeurs de l'association et de la charte managériale signée par elle, d'autre part, que l'employeur invoquait à l'appui des prétendues carences managériales de l'intéressée un management « qualifié "de terreur" » et un comportement « agressif, menaçant, dévalorisant voire humiliant », la cour d'appel, qui devait en déduire le caractère disciplinaire du licenciement, a violé les articles L. 1232-6, L. 1331-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-23017
Date de la décision : 25/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 23 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2023, pourvoi n°21-23017


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.23017
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