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25/01/2023 | FRANCE | N°21-21917

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2023, 21-21917


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 47 F-D

Pourvoi n° H 21-21.917

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

La société l'Art et la mat

ière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-21.917 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 47 F-D

Pourvoi n° H 21-21.917

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

La société l'Art et la matière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 21-21.917 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [P], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société l'Art et la matière, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), M. [P] a été engagé, en qualité de technico-commercial, le 10 septembre 2010 par la société Jamin, aux droits de laquelle la société l'Art et la matière est venue en février 2015. Par lettre remise en main propre le 28 juillet 2017, le salarié a présenté sa démission.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre du solde des commissions sur la vente de travaux de janvier à octobre 2015 et de mars à juillet 2017 et les congés payés afférents, au titre du solde des retenues sur commission de 2015 à 2017 et les congés payés afférents, de dire que la démission du salarié présente un caractère équivoque et s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement, au titre du préjudice résultant du retard dans la remise des documents de fin de contrat et du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail, alors « que constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce, la société L'Art et la Matière sollicitait, dans le dispositif de ses écritures, la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il avait débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes, et demandait le rejet de toutes les demandes de M. [P] à quelque titre que ce soit ; qu'au soutien d'une telle prétention, la société L'Art et la Matière faisait valoir avec offre de preuve, dans la discussion, le moyen de défense selon lequel M. [P] s'était vu verser un trop-perçu au titre de ses commissions, d'un montant total de 3 644,42 euros bruts de sorte que le salarié ne pouvait prétendre que la société employeur resterait lui devoir un solde de 11 064,74 euros ; que par ailleurs, le solde de retenues sur commissions réclamé par M. [P] étant inférieur au montant de commissions qu'il avait trop perçu, de sorte que la demande du salarié était injustifiée ; que la société l'Art et la Matière ne formait par ailleurs aucune demande reconventionnelle ; que la cour d'appel n'a pas répondu au moyen de défense de la société l'Art et la Matière sur l'existence d'un trop-perçu de commissions par M. [P] aux motifs qu' ‘'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif, telle que, en l'espèce, la demande formée par la société l'Art et la Matière aux fins de compensation entre le solde des commissions réclamées par M. [P] et le trop-perçu au titre des commissions'‘ ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'existence d'un trop-perçu par M. [P] au titre des commissions, ne constituait pas une demande reconventionnelle, ou prétention, mais un moyen de défense au fond développé par la société l'Art et la Matière dans la discussion de ses conclusions, au soutien de sa prétention tendant à voir M. [P] débouté de toutes ses demandes, la cour d'appel a violé les articles 4, 954, 64 et 71 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il invoque d'une part, l'absence d'intérêt à agir de l'employeur et, d'autre part, le fait que l'intéressé aurait une position contraire à celle soutenue devant les juges du fond.

6. Cependant il ne résulte pas de la lecture du mémoire ampliatif et des conclusions que l'employeur a reconnu être débiteur du salarié ou qu'il a adopté devant la Cour une position contraire à celle soutenue devant les juges du fond.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile :

8. Selon le premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes du second, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

9. Pour condamner l'employeur au paiement d'un solde de commissions, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il en déduit que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et non de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif, telle que, en l'espèce, la demande formée par la société aux fins de compensation entre le solde des commissions réclamées par le salarié et le trop-perçu au titre des commissions.

10. En statuant ainsi, alors que l'employeur ne demandait que le rejet de la demande en paiement formée à son encontre, à l'exclusion de tout autre avantage, de sorte qu'il soulevait un moyen de défense au fond, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme au titre du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, dans ses motifs, débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en énonçant que M. [P] ne démontrait ‘'aucun préjudice autre que celui résultant du paiement des commissions qui a été ordonné par la cour'‘ ; qu'en accordant cependant à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution du contrat de travail dans son dispositif, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs de l'arrêt et son dispositif, violant l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

13. Après avoir énoncé dans ses motifs que l'employeur n'a pas loyalement exécuté le contrat de travail en ce qui concerne la modification du taux de commissionnement stipulé dans le contrat de travail mais que le salarié ne démontre aucun préjudice autre que celui résultant du paiement des commissions qui a été ordonné par la cour, l'arrêt lui octroie dans son dispositif des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation de l'arrêt sur les premier et troisième moyens emporte cassation des seuls chefs de dispositif relatifs à la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre du solde des retenues sur commissions de 2015 à 2017, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société l'Art et la matière à payer à M. [P] les sommes de 1 055 euros et 105,50 euros au titre des congés payés afférents pour le solde des retenues sur commissions de 2015 à 2017 et de 1 000 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société l'Art et la matière aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société l'Art et la matière

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

La société L'Art et la Matière fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [P] les sommes de 2 505,45 euros et 250,54 euros au titre des congés payés afférents pour le solde des commissions sur la vente de travaux de janvier à octobre 2015 et de mars à juillet 2017 et 1 055 euros et 105,50 euros au titre des congés payés afférents pour le solde des retenues sur commission de 2015 à 2017 et d'avoir dit que la démission de M. [P] présente un caractère équivoque et s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'avoir condamné la société L'Art et la Matière à payer à M. [P] les sommes de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 6 702,32 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 500 euros au titre du préjudice résultant du retard dans la remise des documents de fin de contrat et 1 000 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

1°) Alors que constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce, la société L'Art et la Matière sollicitait, dans le dispositif de ses écritures, la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il avait débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes, et demandait le rejet de toutes les demandes de M. [P] à quelque titre que ce soit ; qu'au soutien d'une telle prétention, la société L'Art et la Matière faisait valoir avec offre de preuve, dans la discussion, le moyen de défense selon lequel M. [P] s'était vu verser un trop-perçu au titre de ses commissions, d'un montant total de 3 644,42 euros bruts de sorte que le salarié ne pouvait prétendre que la société employeur resterait lui devoir un solde de 11 064,74 euros ; que par ailleurs, le solde de retenues sur commissions réclamé par M. [P] étant inférieur au montant de commissions qu'il avait tropperçu, de sorte que la demande du salarié était injustifiée (conclusions, p. 14 à 16) ; que la société l'Art et la Matière ne formait par ailleurs aucune demande reconventionnelle ; que la cour d'appel n'a pas répondu au moyen de défense de la société l'Art et la Matière sur l'existence d'un trop-perçu de commissions par M. [P] aux motifs qu'« aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif, telle que, en l'espèce, la demande formée par la société l'Art et la Matière aux fins de compensation entre le solde des commissions réclamées par M. [P] et le trop-perçu au titre des commissions » (arrêt, p. 6 § 1) ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'existence d'un trop-perçu par M. [P] au titre des commissions, ne constituait pas une demande reconventionnelle, ou prétention, mais un moyen de défense au fond développé par la société l'Art et la Matière dans la discussion de ses conclusions, au soutien de sa prétention tendant à voir M. [P] débouté de toutes ses demandes, la cour d'appel a violé les articles 4, 954, 64 et 71 du code de procédure civile ;

2°) Alors que les juges sont tenus de répondre aux moyens opérants soulevés par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société L'Art et la Matière faisait valoir avec offre de preuve, que M. [P] s'était vu verser un trop-perçu au titre de ses commissions, d'un montant total de 3 644,42 euros bruts de sorte que le salarié ne pouvait prétendre que la société employeur resterait lui devoir un solde de 11 064,74 euros ; que par ailleurs, le solde de retenues sur commissions réclamé par M. [P] étant inférieur au montant de commissions qu'il avait trop-perçu, la demande du salarié était injustifiée (conclusions, p. 14 à 16) ; qu'en retenant que la somme due à M. [P] au titre des commissions ‘élevait à 2 505,45 euros outre celle de 250,42 euros au titre des congés payés afférents, et que la société l'Art et la Matière restait redevable de la somme de 1 055 euros pour les années 2015 à 2017, outre les congés payés, sur les soldes des commissions (arrêt, p. 5), sans répondre au moyen de la société l'Art et la Matière relatif à l'existence d'un trop-perçu par M. [P], de sorte que ce dernier n'était créancier d'aucune somme et devait être débouté de ses demandes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) Alors que selon l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour requalifier la démission de M. [P] en une prise d'acte aux torts de l'employeur, s'est fondée exclusivement sur la « modification du contrat de travail par l'employeur », relative au paiement des commissions, ce qui constituait « un manquement grave ayant en l'occurrence empêché la poursuite du contrat de travail » (arrêt, p. 9) ; que dès lors, la cassation à intervenir sur les premières branches du moyen relatives à la condamnation de la société L'Art et la Matière à payer à M. [P] des soldes de commissions entraînera, par voie de conséquence, l'annulation du chef de dispositif ayant analysé la démission de M. [P] en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et des chefs de dispositifs y afférent, ces chefs de dispositifs étant dans un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

La société L'Art et la Matière fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la démission de M. [P] présente un caractère équivoque et s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société L'Art et la Matière à payer à M. [P] les sommes de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 6 702,32 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 500 euros au titre du préjudice résultant du retard dans la remise des documents de fin de contrat et 1 000 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

1°) Alors que seul le manquement de l'employeur d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail justifie que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit considérée comme devant s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la société L'Art et la Matière faisait valoir que les demandes de rappel de commissions de M. [P] n'étaient pas justifiées dès lors que le salarié avait, en réalité, bénéficié d'un trop-perçu sur le paiement de ses commissions (conclusions, p. 14 à 16) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si aucun manquement suffisamment grave ne pouvait être constaté compte-tenu du fait que M. [P] ayant bénéficié d'un trop-perçu, aucun rappel de salaire ne lui était dû au titre des commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail et de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) Alors que seul le manquement de l'employeur d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail justifie que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit considérée comme devant s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé que « la cour a rejeté la demande relative au rappel de commissions fondées sur le chiffre d'affaires réalisés sur les poses et les livraisons et n'a fait que partiellement droit aux demandes de rappel de commissions fondées sur les travaux et de retenues de commissions, de même qu'à celle formulée au titre des heures supplémentaires. Au cours de la relation contractuelle, M. [P] a certes évoqué sa charge de travail mais n'a jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires. Force est également de constater que le salarié n'a présenté aucune demande spécifique à l'absence de respect des durées maximales de travail » avant de considérer que M. [P] ne démontrait « aucun préjudice autre que celui résultant du paiement des commissions qui a été ordonné par la cour » (arrêt, p. 11) ; qu'il en résultait qu'aucun manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ne pouvait être constaté ; qu'en jugeant le contraire au motif que « la modification du contrat de travail par l'employeur constitue un manquement grave ayant en l'occurrence empêché la poursuite du contrat de travail et justifiant la requalification de la démission en prise d'acte aux torts de l'employeur, celle-ci produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt, p. 9), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) Alors, en tout état de cause, que seul le manquement de l'employeur d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail justifie que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit considérée comme devant s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la société L'Art et la Matière faisait valoir, dans ses écritures, que les manquements reprochés par M. [P], à les supposer établis, n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en effet, si dans un premier temps en 2015 le taux de commissions avait été réduit, la société employeur avait corrigé cette erreur et avait appliqué le bon taux de commissionnement jusqu'au départ de M. [P] de l'entreprise, la situation ayant ainsi été régularisée ; que la discussion sur le taux de commissionnement avait d'ailleurs commencé en 2015 avec le salarié, sans que cela n'empêche M. [P] de continuer à travailler pour le compte de la société l'Art et la Matière ; que le manquement n'était pas suffisamment grave pour justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail (conclusions, p. 10 et 11) ; que le seul manquement retenu par la cour d'appel comme justifiant que la démission soit requalifiée en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, est la modification du contrat de travail par l'employeur sur le paiement de commissions (arrêt, p. 9) ; que la cour d'appel a retenu que la société l'Art et la matière était redevable de la somme de 1 055 euros pour les années 2015 à 2017 et de 2 505,45 euros, pour la vente de travaux, outre les congés payés y afférents (arrêt, p. 5), M. [P] ayant par ailleurs indiqué qu'il effectuerait son préavis de deux mois (arrêt, p. 8 in fine) ; qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher, comme il lui était demandé, si le manquement litigieux était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que pour accueillir la demande de M. [P], la cour d'appel s'est cependant bornée à énoncer que « la modification du contrat de travail par l'employeur constitue un manquement grave ayant en l'occurrence empêché la poursuite du contrat de travail et justifiant la requalification de la démission en prise d'acte aux torts de l'employeur, celle-ci produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt, p. 9) ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer, comme il lui était demandé, en quoi la poursuite du contrat de travail était impossible entre les parties tandis que la situation avait été régularisée au jour de la démission du salarié et que M. [P] avait continué à travailler pour la société l'Art et la Matière depuis 2015, date à laquelle il avait engagé une discussion avec son employeur sur le taux de commissionnement, le salarié ayant même effectué son préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail et de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:

La société L'Art et la Matière fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, dans ses motifs, débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en énonçant que M. [P] ne démontrait « aucun préjudice autre que celui résultant du paiement des commissions qui a été ordonné par la cour » (arrêt, p. 11) ; qu'en accordant cependant à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution du contrat de travail dans son dispositif, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs de l'arrêt et son dispositif, violant l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-21917
Date de la décision : 25/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2023, pourvoi n°21-21917


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.21917
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