LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 80 F-D
Pourvoi n° G 21-16.398
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023
Mme [P] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-16.398 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la communauté de communes Ardennes Thiérache, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la communauté de communes Ardennes Thiérache, et après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 24 février 2021), Mme [T] a été engagée le 29 septembre 2014 par la communauté de communes Ardennes Thiérache, en qualité d'agent d'entretien des locaux, surveillance cantine et activités éducatives, suivant contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi, pour la période du 1eroctobre 2014 au 30 septembre 2015. Les parties ont par la suite conclu deux contrats de même nature jusqu'au 30 septembre 2017. Leur relation s'est poursuivie dans le cadre de deux contrats à durée déterminée conclus le 28 septembre 2017 pour la période du 1er octobre 2017 au 31 août 2018.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 12 novembre 2018 à l'effet d'obtenir la requalification des « contrats à durée déterminée » en contrat à durée indéterminée et diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer la cour d'appel incompétente au profit de la juridiction administrative et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors :
« 1°/ que le contrat unique d'insertion, lorsqu'il est conclu à durée déterminée, obéit aux principes régissant les contrats de travail à durée déterminée ; qu'il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée lorsqu'il se poursuit au-delà du terme convenu par les parties ; qu'en retenant, pour se déclarer incompétente au profit du juge administratif, que les demandes de requalification et d'indemnisation formées par Mme [T] étaient en lien avec l'exécution de contrats relevant du droit public, quand lesdites demandes visaient à faire juger que la relation de travail s'était poursuivie au-delà du terme du dernier renouvellement du contrat unique d'insertion fixé le 30 septembre 2017, les parties n'ayant conclu que le 6 octobre 2017 un contrat à durée déterminée de droit public, ce dont il résultait que les demandes litigieuses n'impliquaient aucune appréciation relative à l'exécution de contrats de droit public, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme [T] et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme [T] soutenait que le dernier renouvellement de son contrat CUI-CAE avait pris fin le 30 septembre 2017 et que son employeur lui avait transmis un contrat à durée déterminée le 6 octobre 2017, antidaté au 28 septembre 2017 ; qu'il s'en inférait que le contrat d'insertion s'était poursuivi au-delà de son terme, ce qui justifiait la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée sur la période d'exécution du contrat unique d'insertion ; qu'en retenant, pour se déclarer incompétente au profit du juge administratif, que la relation de travail avait cessé d'être régie depuis le 30 septembre 2017 par les dispositions applicables aux contrats d'insertion et que, dès lors, le juge administratif était compétent pour statuer sur la demande de requalification formée par la salariée, sans s'expliquer sur le délai qui s'était écoulé entre le terme du contrat d'insertion et la conclusion d'un contrat à durée déterminée entre les parties, élément qui démontrait que la relation contractuelle était restée soumise aux dispositions propres au contrat unique d'insertion et aux règles de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 81 du code de procédure civile ;
3°/ que le contrat unique d'insertion est un contrat de travail de droit privé ; qu'il appartient à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de ce contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ce contrat ; que le juge administratif est toutefois seul compétent pour, d'une part, se prononcer sur la question préjudicielle soulevée en cas de mise en cause de la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, et pour, d'autre part, tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat lorsque celui-ci n'entre pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées par le code du travail ou lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ; qu'en l'espèce, la requalification recherchée par la salariée visait à réparer le préjudice résultant de la rupture de la relation de travail entre les parties, Mme [T] sollicitant une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture, outre une indemnité de requalification ; que les faits de l'espèce ne relevaient donc d'aucune des hypothèses dans lesquelles le juge administratif est compétent pour connaître d'un contrat d'insertion ; qu'en se déclarant néanmoins incompétente au profit du juge administratif, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 2 septembre 1795, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et les articles L. 5134-19-3 et L. 5134-24 du code du travail ;
4°/ que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en retenant que le conseil de prud'hommes était incompétent pour connaître de la requalification de l'intégralité de la relation contractuelle sollicitée, incluant une période en contrat d'insertion et une période en contrat de travail à durée déterminée de droit public, quand l'employeur soutenait que le conseil de prud'hommes restait compétent pour connaître des demandes de requalification relatives aux contrats uniques d'insertion, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la cour pour connaître de ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a d'abord constaté que la salariée sollicitait la requalification des contrats d'accompagnement dans l'emploi en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2014, au motif que la relation contractuelle s'était poursuivie au-delà du terme du dernier contrat unique d'insertion, en l'absence d'écrit ou d'avenant de renouvellement dans les délais requis, et que la relation salariale s'était poursuivie, après le terme du dernier contrat unique d'insertion, le 30 septembre 2017, dans le cadre de contrats à durée déterminée conclus avec une personne morale de droit public à l'encontre de laquelle la salariée faisait grief de ne pas avoir soumis à sa signature, à bonne date, un contrat.
5. Elle a ensuite retenu que, sous le couvert d'une demande de requalification des contrats uniques d'insertion, la salariée formait en réalité des demandes en lien avec l'exécution de contrats de droit public et que, nonobstant sa poursuite au-delà du 30 septembre 2017, la relation de travail avait cessé d'être régie par les dispositions spécifiques applicables aux salariés susceptibles de bénéficier d'un accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi.
6. Elle a exactement déduit de ces éléments, sans encourir les griefs du moyen, que le juge administratif était seul compétent pour statuer sur la demande de requalification de la nouvelle relation contractuelle, celle-ci s'étant poursuivie avec la personne morale de droit public au-delà du terme du contrat unique d'insertion, ainsi que sur les conséquences de la rupture survenue après cette échéance.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [P] [T]
Mme [T] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la cour d'appel incompétente au profit de la juridiction administrative et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
1°) ALORS QUE le contrat unique d'insertion, lorsqu'il est conclu à durée déterminée, obéit aux principes régissant les contrats de travail à durée déterminée ; qu'il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée lorsqu'il se poursuit au-delà du terme convenu par les parties ; qu'en retenant, pour se déclarer incompétente au profit du juge administratif, que les demandes de requalification et d'indemnisation formées par Mme [T] étaient en lien avec l'exécution de contrats relevant du droit public, quand lesdites demandes visaient à faire juger que la relation de travail s'était poursuivie au-delà du terme du dernier renouvellement du contrat unique d'insertion fixé le 30 septembre 2017, les parties n'ayant conclu que le 6 octobre 2017 un contrat à durée déterminée de droit public, ce dont il résultait que les demandes litigieuses n'impliquaient aucune appréciation relative à l'exécution de contrats de droit public, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme [T] et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 5), Mme [T] soutenait que le dernier renouvellement de son contrat CUI-CAE avait pris fin le 30 septembre 2017 et que son employeur lui avait transmis un contrat à durée déterminée le 6 octobre 2017, antidaté au 28 septembre 2017 ; qu'il s'en inférait que le contrat d'insertion s'était poursuivi au-delà de son terme, ce qui justifiait la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée sur la période d'exécution du contrat unique d'insertion ; qu'en retenant, pour se déclarer incompétente au profit du juge administratif, que la relation de travail avait cessé d'être régie depuis le 30 septembre 2017 par les dispositions applicables aux contrats d'insertion et que, dès lors, le juge administratif était compétent pour statuer sur la demande de requalification formée par la salariée, sans s'expliquer sur le délai qui s'était écoulé entre le terme du contrat d'insertion et la conclusion d'un contrat à durée déterminée entre les parties, élément qui démontrait que la relation contractuelle était restée soumise aux dispositions propres au contrat unique d'insertion et aux règles de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 81 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le contrat unique d'insertion est un contrat de travail de droit privé ; qu'il appartient à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de ce contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ce contrat ; que le juge administratif est toutefois seul compétent pour, d'une part, se prononcer sur la question préjudicielle soulevée en cas de mise en cause de la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, et pour, d'autre part, tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat lorsque celui-ci n'entre pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées par le code du travail ou lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ; qu'en l'espèce, la requalification recherchée par la salariée visait à réparer le préjudice résultant de la rupture de la relation de travail entre les parties, Mme [T] sollicitant une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture, outre une indemnité de requalification ; que les faits de l'espèce ne relevaient donc d'aucune des hypothèses dans lesquelles le juge administratif est compétent pour connaître d'un contrat d'insertion ; qu'en se déclarant néanmoins incompétente au profit du juge administratif, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 2 septembre 1795, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et les articles L. 5134-19-3 et L.5134-24 du code du travail ;
4°) ALORS QUE le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en retenant que le conseil de prud'hommes était incompétent pour connaître de la requalification de l'intégralité de la relation contractuelle sollicitée, incluant une période en contrat d'insertion et une période en contrat de travail à durée déterminée de droit public, quand l'employeur soutenait que le conseil de prud'hommes restait compétent pour connaître des demandes de requalification relatives aux contrats uniques d'insertion, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la cour pour connaître de ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.