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25/01/2023 | FRANCE | N°21-12842

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2023, 21-12842


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 71 F-D

Pourvoi n° T 21-12.842

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

M. [H] [T], domicilié [Adresse 1

], a formé le pourvoi n° T 21-12.842 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 71 F-D

Pourvoi n° T 21-12.842

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

M. [H] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-12.842 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Würth France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Würth France, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 janvier 2021), M. [T] a été engagé le 4 septembre 2006 par la société Würth France en qualité de chef des ventes.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 15 septembre 2017, pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, de dommages-intérêts et d'indemnités à ce titre, ainsi que ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires prétendument effectué semaine par semaine de septembre 2014 à août 2017 ainsi qu'un autre tableau chiffrant le nombre d'heures hebdomadaires, une proposition d'avenant soumise par la société Würth France, un compte-rendu de réunion du CHSCT ainsi que divers courriels, tous éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies ; que pour néanmoins le débouter de ses demandes, la cour d'appel a retenu que « les relevés d'heures produits indiquent seulement un nombre global d'heures à la semaine sans aucune précisions relatives aux jours concernés ni aux heures de début et de fin de journée, comme le compte-rendu de réunion du CHSCT du 15 septembre 2016 évoquant le "témoignage fort d'un CdV [chargé de vente] en surcharge de travail", et enfin les courriels produits qui auraient été adressés durant de prétendues périodes de congés, ne sont pas suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies en sorte que compte tenu de l'impossibilité de mesurer la réalité du temps de travail essentiellement variable d'un jour à l'autre au regard des diverses activités du salarié telles que résultant de son contrat de travail, de l'imprécision des éléments donnés par M. [T] et de son autonomie, il sera considéré que la demande du salarié au titre des heures supplémentaires n'est pas suffisamment étayée » ; qu'en statuant ainsi au regard de l'impossibilité de mesurer la réalité du temps de travail essentiellement variable d'un jour à l'autre et de l'autonomie du salarié, pour en conclure que celui-ci n'étayait pas suffisamment sa demande, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code l'employeur tient à la disposition de l'agent de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt constate que le salarié communique un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires prétendument effectué semaine par semaine de septembre 2014 à août 2017 ainsi qu'un autre tableau chiffrant le nombre d'heures hebdomadaires, une proposition d'avenant soumise par l'employeur, un compte-rendu de réunion du CHSCT ainsi que divers courriels.

8. L'arrêt retient que l'employeur objecte, à juste titre, d'une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires et en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012 et, d'autre part, que les fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées.

9. L'arrêt retient encore que les éléments présentés par le salarié tels que des relevés d'heures estimés unilatéralement et indiquant uniquement un nombre global d'heures à la semaine sans aucune précision relative aux jours concernés ni aux heures de début et de fin de journée, comme le compte-rendu de réunion du CHSCT du 15 septembre 2016 évoquant le témoignage fort d'un chargé de vente en surcharge de travail, et enfin les courriels produits qui auraient été adressés durant de prétendues périodes de congés, ne sont pas suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

10. L'arrêt ajoute que compte tenu de l'impossibilité de mesurer la réalité du temps de travail essentiellement variable d'un jour à l'autre au regard des diverses activités du salarié telles que résultant de son contrat de travail, de l'imprécision des éléments donnés par le salarié et de son autonomie, il sera considéré que la demande du salarié au titre des heures supplémentaires n'est pas suffisamment étayée.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande du salarié en paiement d'heures supplémentaires entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande en paiement des congés payés afférents au rappel d'heures supplémentaires, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [T] en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, d'indemnité au titre du travail dissimulé, en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités afférentes à la rupture du contrat, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Würth France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Würth France et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T]

M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la résiliation judiciaire du contrat de travail, l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts et de ses demandes indemnitaires à ce titre, et l'a débouté de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, un tableau récapitulant le nombre d'heures supplémentaires prétendument effectué semaine par semaine de septembre 2014 à août 2017 ainsi qu'un autre tableau chiffrant le nombre d'heures hebdomadaires, une proposition d'avenant soumise par la société Würth France, un compte-rendu de réunion du CHSCT ainsi que divers courriels, tous éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies ; que pour néanmoins le débouter de ses demandes, la cour d'appel a retenu que « les relevés d'heures produits indiquent seulement un nombre global d'heures à la semaine sans aucune précisions relatives aux jours concernés ni aux heures de début et de fin de journée, comme le compte-rendu de réunion du CHSCT du 15 septembre 2016 évoquant le "témoignage fort d'un CdV [chargé de vente] en surcharge de travail", et enfin les courriels produits qui auraient été adressés durant de prétendues périodes de congés, ne sont pas suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies en sorte que compte tenu de l'impossibilité de mesurer la réalité du temps de travail essentiellement variable d'un jour à l'autre au regard des diverses activités du salarié telles que résultant de son contrat de travail, de l'imprécision des éléments donnés par M. [T] et de son autonomie, il sera considéré que la demande du salarié au titre des heures supplémentaires n'est pas suffisamment étayée » ; qu'en statuant ainsi au regard de l'impossibilité de mesurer la réalité du temps de travail essentiellement variable d'un jour à l'autre et de l'autonomie du salarié, pour en conclure que celui-ci


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-12842
Date de la décision : 25/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 07 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2023, pourvoi n°21-12842


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.12842
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