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18/01/2023 | FRANCE | N°21-22133

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2023, 21-22133


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 janvier 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 32 F-D

Pourvoi n° S 21-22.133

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

Le CHSCT de la direction régional

e Provence, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-22.133 contre le jugement rendu le 18 juin 2021 par le président du tribun...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 janvier 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 32 F-D

Pourvoi n° S 21-22.133

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023

Le CHSCT de la direction régionale Provence, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-22.133 contre le jugement rendu le 18 juin 2021 par le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant à la société La Poste, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du CHSCT de la direction régionale Provence, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Marseille, 18 juin 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la direction régionale Provence (le CHSCT) de la société La Poste (la société) a voté, lors d'une réunion du 14 avril 2021, une expertise portant sur le projet ''résolution au premier contact'', destiné à la réorganisation des bureaux de poste sur l'ensemble des secteurs de la direction régionale.

2. Affirmant que cette expertise n'était pas justifiée par un projet important, au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail, la société a assigné le CHSCT devant le président du tribunal judiciaire en annulation de la délibération.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le CHSCT fait grief au jugement d'annuler la délibération du 14 avril 2021 votant le recours à une expertise pour projet important, de dire nulle et de nul effet la désignation du cabinet Progexa du 14 avril 2021 et de le débouter de sa demande de suspension de mise en oeuvre du projet, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour annuler la délibération du CHSCT du 14 avril 2021 votant le recours à une expertise pour projet important, le tribunal a retenu que l'objet de l'expertise excédait le cadre imparti par l'ordre du jour de la réunion du comité ; qu'en fondant sa décision sur ce moyen relevé d'office sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

5. Pour annuler la délibération du 14 avril 2021 votant le recours à un expert agréé, après avoir relevé que l'ordre du jour de la réunion du CHSCT était expressément intitulé ''consultation sur le projet d'adaptation de l'organisation de [Localité 3]'', que l'objet de l'expertise a pour périmètre l'ensemble des secteurs et bureaux de poste rattachés à la direction du réseau et de la banque de Provence et porte sur l'analyse des processus d'évaluation et de dimensionnement de la charge et du temps de travail, le référentiel des opérations et la répartition de la charge de travail en bureau de poste concerné par le projet, que ce faisant, il convient de constater d'office, que cet objet dépasse et excède le cadre imparti par l'ordre du jour circonscrit au projet d'adaptation de l'organisation de [Localité 3], qu'au regard de cet ordre du jour, seule une expertise concernant exclusivement le projet d'adaptation de l'organisation de [Localité 3] était envisageable, à supposer qu'il soit établi que ce projet caractérisait un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8 du code du travail.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que les parties à l'instance aient été, au préalable, invitées à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que l'objet de l'expertise excédait le cadre imparti par l'ordre du jour de la réunion du CHSCT, le président du tribunal judiciaire n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement annulant la délibération du 14 avril 2021 votant le recours à une expertise pour projet important, disant nulle et de nul effet la désignation du cabinet Progexa du 14 avril 2021 et déboutant le CHSCT de sa demande de suspension de mise en oeuvre du projet entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande formée par le CHSCT en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il laisse les dépens à la charge de la société La Poste, le jugement rendu le 18 juin 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Poste à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 600 euros TTC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT de la direction régionale Provence

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le CHSCT DR Provence fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la délibération du 14 avril 2021 votant le recours à une expertise pour projet important, d'AVOIR dit nulle et de nul effet la désignation du cabinet Progexa par le CHSCT de la DR Provence du 14 avril 2021 et de l'AVOIR débouté de sa demande de suspension de mise en oeuvre du projet

1° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour annuler la délibération du CHSCT du 14 avril 2021 votant le recours à une expertise pour projet important, le tribunal a retenu que l'objet de l'expertise excédait le cadre imparti par l'ordre du jour de la réunion du comité ; qu'en fondant sa décision sur ce moyen relevé d'office sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile.

2° ALORS QUE le CHSCT peut valablement délibérer sur tout sujet en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour ; que la délibération votant le recours à une mesure d'expertise pour projet important est donc régulière dès lors qu'elle en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour ; qu'en annulant la délibération du 14 avril 2021 du CHSCT DR Provence votant une mesure d'expertise projet important au motif inopérant que l'objet de cette expertise excédait celui défini par l'ordre du jour, le tribunal a violé les articles L. 4612-8-1, L. 4614-12-2° et R. 4614-3 du code du travail.

3° ALORS QUE le CHSCT peut valablement délibérer sur tout sujet en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour ; qu'en annulant la délibération du 14 avril 2021 du CHSCT DR Provence votant une mesure d'expertise projet important quand il résultait de ses constatations que cette délibération était en lien avec les questions inscrites à l'ordre du jour, le tribunal a violé les articles L. 4612-8-1, L. 4614-12-2° et R. 4614-3 du code du travail.

4° ALORS subsidiairement QUE constitue un projet important autorisant le CHSCT à faire appel à un expert le projet susceptible d'affecter l'organisation du travail et les tâches des salariés ; que le CHSCT faisait valoir que le projet « résolution au premier contact » constituait un projet important dès lors que l'utilisation par les chargés de clientèle dans le cadre de ce projet d'un nouvel outil informatique « Cap client » conduisait à modifier de façon significative leurs fonctions et responsabilités et à augmenter leur charge de travail ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'un projet important, à relever que ni le référentiel des opérations (ROP) ni le dispositif d'évaluation V11 ne caractérisaient en eux-mêmes un tel projet sans rechercher si, ainsi qu'il était soutenu devant lui, l'utilisation du nouvel outil informatique « Cap client » n'aboutissait pas à modifier de manière significative les fonctions et les responsabilités des chargés de clientèle et à alourdir leur charge de travail, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12-2° du code du travail

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le CHSCT de la DR Provence fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande formulée en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à ce que La Poste soit condamnée à lui payer la somme de 4 800 euros au titre des frais de procédure engagés pour sa défense.

ALORS QUE l'employeur doit supporter les frais de la procédure de contestation l'expertise décidée par le CHSCT dès lors qu'aucun abus du comité n'est établi et que son action n‘est pas étrangère à sa mission ; qu'en déboutant le CHSCT de sa demande au titre frais et honoraires d'avocat exposés pour les besoins de sa défense sans constater que le CHSCT avait commis un abus dans sa décision de recourir à une mesure d'expertise ou que son action était étrangère à sa mission, le tribunal a violé par fausse application l'article 700 du code de procédure civile et par refus d'application l'article L. 4614-13 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-22133
Date de la décision : 18/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Marseille, 18 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2023, pourvoi n°21-22133


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.22133
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