LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 janvier 2023
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 38 F-D
Pourvoi n° V 21-19.675
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
L'association [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-19.675 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme [U] [G], épouse [F], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association [Adresse 3], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [G], et après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 mai 2021), Mme [G] a été engagée par l'association [Adresse 3], à compter du 24 août 2009, en qualité de secrétaire administrative. Elle occupait au dernier état de la relation de travail un poste de secrétaire-comptable .
2. Le 9 octobre 2017, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour motif économique.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas appliqué loyalement les critères d'ordre de licenciement, de le condamner à verser à la salariée à ce titre des dommages-intérêts et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que, si l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, il doit tenir compte de chacun d'entre eux en demeurant libre de valoriser certains d'entre eux dès lors qu'il les applique de manière objective et équitable à une même catégorie professionnelle ; qu'il s'ensuit que l'employeur peut pondérer l'un ou l'autre des critères légaux à prendre en considération pour fixer l'ordre des licenciements en attribuant, au titre de l'un d'entre eux, le même nombre de points pertinents au regard des situations personnelle et professionnelle des salariés ; qu'en décidant que l'employeur avait fait une application déloyale des critères d'ordre par des pondérations non pertinentes aux motifs erronés et inopérants qu'il ne démontrait pas en quoi ''la distinction opérée selon l'âge des enfants est pertinente et objectivement justifiée quant à la charge réelle des enfants eu égard à leur âge'', quand l'appréciation de l'employeur reposait, au contraire, sur des données objectives, précises et vérifiables, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que sauf détournement de pouvoir ou erreur manifeste d'appréciation, l'employeur est seul juge des qualités professionnelles des salariés et des critères d'appréciation de ces qualités professionnelles, dans la perspective de l'établissement de l'ordre des licenciements ; que l'employeur doit seulement communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s'est appuyé pour arrêter, selon les critères définis, l'ordre des licenciements, de telle manière que le juge soit en mesure de vérifier le respect desdits critères ; qu'en se bornant, en l'espèce, à énoncer que ''le critère du diplôme seul retenu s'agissant des qualités professionnelles apparaît également insuffisant pour analyser la situation'' des salariées d'une même catégorie professionnelle, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée si l'employeur n'était pas fondé à conserver Mme [V] plutôt que la salariée en raison de ses qualités professionnelles, de son niveau de diplôme et de ses capacités linguistiques eu égard au secteur d'activité agricole de l'association, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. Si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.
6. Il appartient à l'employeur de communiquer au juge, en cas de contestation, les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix.
7. La cour d'appel a relevé que pour l'appréciation du critère professionnel, la salariée avait été notée en fonction du niveau de diplôme et non sur ses qualités professionnelles, alors que, l'intéressée et sa collègue disposant toutes deux d'une expérience équivalente, cet élément ne permettait pas de déterminer objectivement laquelle des deux salariées était la plus apte à occuper le seul poste restant du service administratif, le motif invoqué par l'employeur selon lequel il avait intérêt à conserver une linguiste espagnole dans un établissement agricole n'étant pas pertinent. Par ces seuls motifs, dont il résultait une application inégalitaire et déloyale des critères d'ordre relatifs à l'ordre des licenciements, elle a légalement justifié sa décision.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association [Adresse 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association [Adresse 3] et la condamne à payer à Mme [G], épouse [F], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour l'association [Adresse 3]
L'Association [Adresse 3] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle n'avait pas appliqué loyalement les critères d'ordre de licenciement ; de l'AVOIR condamnée à verser à Mme [F] née [G] à ce titre des dommages et intérêts à hauteur de 15 993,60 € ; et de l'AVOIR condamnée à verser à Mme [F] née [G] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
1°) ALORS QUE, si l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, il doit tenir compte de chacun d'entre eux en demeurant libre de valoriser certains d'entre eux dès lors qu'il les applique de manière objective et équitable à une même catégorie professionnelle ; qu'il s'ensuit que l'employeur peut pondérer l'un ou l'autre des critères légaux à prendre en considération pour fixer l'ordre des licenciements en attribuant, au titre de l'un d'entre eux, le même nombre de points pertinents au regard des situations personnelle et professionnelle des salariés ; qu'en décidant que l'employeur avait fait une application déloyale des critères d'ordre par des pondérations non pertinentes aux motifs erronés et inopérants qu'il ne démontrait pas en quoi « la distinction opérée selon l'âge des enfants est pertinente et objectivement justifiée quant à la charge réelle des enfants eu égard à leur âge » (arrêt, p. 6), quand l'appréciation de l'employeur reposait, au contraire, sur des données objectives, précises et vérifiables, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QUE sauf détournement de pouvoir ou erreur manifeste d'appréciation, l'employeur est seul juge des qualités professionnelles des salariés et des critères d'appréciation de ces qualités professionnelles, dans la perspective de l'établissement de l'ordre des licenciements ; que l'employeur doit seulement communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s'est appuyé pour arrêter, selon les critères définis, l'ordre des licenciements, de telle manière que le juge soit en mesure de vérifier le respect desdits critères ; qu'en se bornant , en l'espèce, à énoncer que « le critère du diplôme seul retenu s'agissant des qualités professionnelles apparaît également insuffisant pour analyser la situation » (arrêt p. 6) des salariées d'une même catégorie professionnelle, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée si l'employeur n'était pas fondé à conserver Mme [V] plutôt que Mme [F] en raison de ses qualités professionnelles, de son niveau de diplôme et de ses capacités linguistiques eu égard au secteur d'activité agricole de l'Association, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.