La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2023 | FRANCE | N°22-81750

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2023, 22-81750


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 22-81.750 F-D

N° 00043

GM
11 JANVIER 2023

DECHEANCE - REJET
CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 JANVIER 2023

M. [C] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en Provence, en date du 15 ja

nvier 2018, n° 2017/01816, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, association de m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 22-81.750 F-D

N° 00043

GM
11 JANVIER 2023

DECHEANCE - REJET
CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 JANVIER 2023

M. [C] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en Provence, en date du 15 janvier 2018, n° 2017/01816, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, infractions à la législation sur les armes, recel aggravé et usage de fausse plaque d'immatriculation, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure.

M. [G] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la même chambre de l'instruction, en date du 15 janvier 2018, n° 2017/01810, qui, dans l'information suivie contre lui des mêmes chefs, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure.

MM. [C] [S], [G] [O], [L] [I], [F] [P] et [Z] [X] [H] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 26 janvier 2022, qui, pour association de malfaiteurs en récidive, a condamné le premier, à onze ans d'emprisonnement, 15 000 euros d'amende, le deuxième, à quatorze ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, le troisième, à neuf ans d'emprisonnement, le quatrième, à quatorze ans d'emprisonnement, le dernier, à douze ans d'emprisonnement, 8 000 euros d'amende, a condamné l'ensemble des prévenus à cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour et a ordonné une mesure de confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocats de M. [C] [S], les observations de la SCP Spinosi, avocats de M. [G] [O] et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 26 août 2016, [D] [J] a été tué à [Localité 2], par deux personnes qui circulaient sur un véhicule deux-roues.

3. L'exploitation des enregistrements de vidéosurveillance a révélé que les auteurs étaient accompagnés par un véhicule automobile, propriété de M. [C] [S] ; des renseignements relatifs au fait que la victime, notamment, avait profité de l'incarcération de M. [G] [O] et de son frère pour s'emparer d'un point de vente de stupéfiants sont parvenus aux enquêteurs.

4. M. [S], M. [O], M. [L] [I], M. [F] [P] M. [Z] [X] [H] et d'autres personnes impliquées ont été mis en examen.

5. M. [S] a présenté une requête en nullité de pièces de procédure qui a été rejetée par la chambre de l'instruction, par arrêt du 15 janvier 2018, n° 2017/01816, Il a formé, contre cette décision, un pourvoi en cassation, enregistré sous le numéro 18-80.754, dont l'examen immédiat a été refusé par une ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 avril 2018.

6. M. [O] a présenté une requête en nullité qui a été rejetée par la chambre de l'instruction, par arrêt du 15 janvier 2018, n° 2017/01810. Il a formé, contre cette décision, un pourvoi en cassation, enregistré sous le numéro 18-80.658, dont l'examen immédiat a été refusé par une ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 avril 2018.

7. Par arrêt du 14 novembre 2019, la chambre de l'instruction a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la cour d'assises de M. [S] pour assassinat, la disjonction des poursuites et le renvoi des personnes mises en examen devant le tribunal correctionnel à l'égard de tous les délits pour lesquels le juge d'instruction avait ordonné le renvoi.

8. Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal correctionnel, après relaxe partielle, a condamné M. [S] pour dépôt d'armes et recel, l'a condamné pour association de malfaiteurs en récidive à onze ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et 15 000 euros d'amende.

9. Après relaxe partielle, il a condamné M. [O] pour dépôt d'armes et recel, l'a condamné pour association de malfaiteurs en récidive à quatorze ans d'emprisonnement et cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation ; il a délivré mandat d'arrêt.

10. Il a statué à l'égard de MM. [I], [P] et [X] [H].

11. Une peine complémentaire de confiscation a été prononcée.

12. MM. [S], [O], [I], [P] et [X] [H] ont relevé appel et le ministère public a formé appel incident.

Déchéance des pourvois formés par M. [L] [I], M. [F] [P] et M. [Z] [X] [H]

13. MM. [I], [P] et [X] [H] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par un avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leur pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen proposé pour M. [S], et le troisième moyen proposé pour M. [O]

14. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen proposé pour M. [O]

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt de la chambre de l'instruction en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de M. [O] en déclarant irrecevables l'ensemble des demandes qu'elle comportait, alors « que, tout individu qui présente un intérêt à obtenir l'annulation d'un acte dispose à ce titre d'un intérêt à agir ; que l'appréciation de sa qualité pour agir suppose, quant à elle, l'examen par la juridiction saisie de la finalité des dispositions dont la violation est alléguée, indispensable à l'appréciation de l'existence d'une atteinte éventuelle à un droit ou intérêt propre au requérant ; qu'en se bornant, pour déclarer irrecevable le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de la mise en place d'un dispositif de géolocalisation le 28 août 2016 sur le véhicule Peugeot immatriculé [Immatriculation 1], à invoquer l'absence de droit de M. [O] sur le véhicule litigieux et sur l'immeuble dans lequel il a été nécessaire de s'introduire, sans jamais examiner la finalité des dispositions dont il alléguait la violation, pour apprécier en considération sa qualité pour agir, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale.»

Réponse de la Cour

16. Pour déclarer irrecevable la demande d'annulation de pièces présentée par M. [O], l'arrêt attaqué énonce que s'il ressort de la procédure que M. [S] a son domicile dans un logement situé dans la résidence où se sont introduits les enquêteurs, aucun élément du dossier ne permet de supposer que le requérant, M. [O], pourrait se prévaloir d'un quelconque droit sur tout ou partie de cet immeuble d'habitation ou de ses dépendances, droit que d'ailleurs il ne revendique pas.

17. Les juges ajoutent que le dispositif de géolocalisation a été installé sur le véhicule appartenant à M. [S], et qu'aucun élément du dossier ne permet non plus de supposer que M. [O] pourrait se prévaloir sur ce véhicule d'un quelconque droit qu'au demeurant il ne revendique pas.

18. Il en concluent que M. [O] n'a pas qualité pour se prévaloir de droits qui appartiennent en propre à d'autres personnes, qu'il ne peut donc invoquer une irrégularité dont il estime qu'elle aurait affecté les opérations effectuées par les officiers de police judiciaire, et que sa requête ne peut par conséquent qu'être déclarée irrecevable.

19. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

20. En effet, pour déterminer la qualité du demandeur à agir en nullité, la chambre de l'instruction a recherché si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance était alléguée, avait pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

21. Tel n'est pas le cas du requérant qui n'est ni propriétaire ni occupant du lieu à l'égard duquel il est prétendu que la pose d'un matériel de géolocalisation nécessitait l'autorisation prévue par l'article 230-34 du code de procédure pénale, autorisation qui a pour seul objet de préserver, à l'occasion d'une telle opération, l'intimité de la vie privée dudit propriétaire ou occupant.

22. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen proposé pour M. [O]

Enoncé du moyen

23. Le moyen critique l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes alors « que l'exploitation des données de géolocalisation du véhicule Peugeot 407 immatriculé [Immatriculation 1] présentant un caractère incontestablement déterminant de la déclaration de culpabilité retenue à l'encontre de M. [O], la cassation qui interviendra à l'encontre de l'arrêt rendu le 15 janvier 2018 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en ce qu'elle a déclaré les demandes du requérant irrecevables, entraînera nécessairement par voie de conséquence celle de l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. »

Réponse de la Cour

24. Le demandeur ne peut prétendre utilement que l'arrêt de condamnation prononcé contre lui encourt la cassation, par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction, le moyen qu'il a présenté contre cette dernière décision étant écarté.

25. Le moyen est donc inopérant.

Mais sur le deuxième moyen proposé pour M. [S]

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de la mesure de géolocalisation du véhicule Peugeot 407 immatriculé [Immatriculation 1], alors « que les emplacements de stationnement d'un immeuble collectif d'habitation constituent des lieux privés destinés à l'entrepôt de véhicules au sens de l'article 230-34 du code de procédure pénale ; qu'en retenant, pour dire que les enquêteurs avaient pu régulièrement s'introduire, sans l'autorisation écrite du procureur de la République, dans la résidence au sein de laquelle M. [S] demeure afin de mettre en place la balise permettant la géolocalisation de son véhicule, qui y était stationné, qu'il n'était pas établi que les enquêteurs se seraient introduits dans un lieu privé destiné ou utilisé à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel au sens de l'alinéa 1er de l'article 230-34 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 230-34 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 230-34 du code de procédure pénale :

27. Selon ce texte, la pose ou le retrait d'un matériel destiné à la localisation en temps réel fait l'objet d'une décision écrite du juge d'instruction ou du procureur de la République lorsqu'elle implique l'introduction dans un lieu privé destiné ou utilisé à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux.

28. Doit être considéré comme un lieu privé au sens de ce texte tout lieu clos dont l'accès dépend du consentement de celui qui l'occupe, et n'est dès lors pas ouvert au public.

29. En effet, il résulte des travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 que le législateur a voulu soumettre l'intrusion dans tout véhicule ou tout lieu privé à l'autorisation d'un magistrat. En instituant une gradation entre lieux privés selon leur usage, il n'en a pas exclu certains du champ d'application du texte précité, dont l'objet est la protection de la vie privée.

30. Pour rejeter la demande d'annulation présentée par M. [S], la chambre de l'instruction énonce qu'il ne ressort pas des éléments qui lui sont soumis que, pour mettre en place le dispositif de géolocalisation sur le véhicule en cause, les enquêteurs se seraient introduits dans un lieu privé destiné ou utilisé à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel.

31. En prononçant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que les enquêteurs ont procédé, sans autorisation écrite, à la pose de la balise de géolocalisation dans l'enceinte d'un ensemble immobilier en copropriété, dont l'accès était fermé par une barrière et interdit au public, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.

32. La cassation est, dès lors, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

33. La cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 15 janvier 2018, limitée aux dispositions de l'arrêt concernant M. [S], sera étendue, par voie de conséquence, aux dispositions de l'arrêt de condamnation prononcé à son encontre.

34. M. [S] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par arrêt de la chambre de l'instruction devenu définitif. La juridiction d'instruction est dessaisie. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer la cause devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour qu'il soit statué par celle-ci tant sur le moyen de nullité qui avait été proposé devant la chambre de l'instruction que sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de cassation proposés pour M. [S], la Cour :

Sur les pourvois formés par M. [I], M. [P] et M. [X] [H] :

CONSTATE la déchéance des pourvois ;

Sur le pourvoi formé par M. [O] :

LE REJETTE ;

Sur le pourvoi formé par M. [S] :

CASSE et ANNULE les arrêts susvisés de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 janvier 2018, n°2017/1816 et de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 janvier 2022, en leurs seules dispositions relatives à M. [S], toutes autres dispositions demeurant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, pour qu'il soit statué par celle-ci, à l'égard de ce seul prévenu, tant sur le moyen de nullité qui avait été proposé devant la chambre de l'instruction que sur le fond ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze janvier deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-81750
Date de la décision : 11/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2023, pourvoi n°22-81750


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.81750
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award