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11/01/2023 | FRANCE | N°21-23254

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 janvier 2023, 21-23254


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 janvier 2023

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 18 F-D

Pourvoi n° K 21-23.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023

M. [O] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-

23.254 contre l'arrêt rendu le 21 juillet 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la soci...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 janvier 2023

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 18 F-D

Pourvoi n° K 21-23.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023

M. [O] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-23.254 contre l'arrêt rendu le 21 juillet 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [Localité 7], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 4],

3°/ à la société Residea, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par son liquidateur amiable M. [L] [U], domicilié [Adresse 2] et par son mandataire ad hoc M. [Y] [U], domicilié [Adresse 3],

4°/ à Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 6], prise en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Solymer, société anonyme, et de mandataire ad hoc de la même société,

5°/ à la société Solymer, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], représentée par son mandataire ad hoc en exercice, M. [F] [G],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [H], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U] et des sociétés [Localité 7] et Residea, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-15.788), la société Solymer, propriétaire de biens immobiliers destinés à l'exploitation de parcs résidentiels de loisirs par le biais de trois sociétés, dont la société [Localité 7], dans lesquelles elle était associée majoritaire et qui étaient gérées par sa propre gérante, Mme [C], a été condamnée, par une sentence arbitrale rendue exécutoire le 26 septembre 2002, à payer la somme de 505 311,33 euros à M. [U] et celle de 221 938,02 euros à la société Residea.

2. M. [U] et la société Residea ont procédé à la saisie conservatoire, convertie en saisie attribution le 2 décembre 2002, des parts et du compte courant d'associé détenus par la société Solymer dans la société [Localité 7].

3. La société Solymer a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 20 juin 2006.

4. Par acte notarié du 12 juin 2003, réitéré le 3 décembre 2003, la société [Localité 7] a vendu à M. [H], concubin de Mme [C], un terrain de camping lui appartenant, dénommé « [Localité 7] », pour le prix de 1 350 000 euros, avec transfert immédiat de propriété.

5. M. [U] et la société Residea ont assigné la société [Localité 7] et M. [H] en annulation de cette vente, considérant qu'elle avait été effectuée en fraude de leurs droits.

6. La société [Localité 7] a également sollicité l'annulation de cette vente pour cause illicite.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, et sur le troisième moyen, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [H] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'acte de vente, alors « que la cause illicite d'un contrat rendant celui-ci nul ne peut consister dans une fraude aux droits des tiers au contrat, mais seulement dans une fraude à la loi ; qu'en se fondant néanmoins, pour annuler le contrat de vente concerné, sur l'existence d'un prétendu mobile frauduleux tendant à éviter le complet désintéressement des créanciers de la société venderesse, c'est-à-dire sur une fraude aux droits des tiers, cependant que seule une fraude à la loi aurait été de nature à justifier une telle annulation, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-231 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-231 du 10 février 2016, que l'obligation sans cause, pour une fausse cause ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet et que la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi et quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.

10. La cour d'appel a souverainement retenu que la cession à un prix inférieur de 873 000 euros au moins à la valeur du bien au jour de la vente avait pour mobile une fraude aux droits des créanciers, dont deux bénéficiaient d'une saisie attribution des parts sociales et du compte courant détenus par la société Solymer dans la société [Localité 7].

11. Elle en a exactement déduit que l'acte de vente avait une cause illicite entraînant son annulation, le régime de la nullité encourue, comme la possibilité, pour des créanciers, d'invoquer la fraude paulienne étant sans incidence sur le caractère illicite de la cause découlant de la caractérisation d'une fraude.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. M. [H] fait grief à l'arrêt de dire qu'il devait restituer l'immeuble à la société [Localité 7] ainsi que les loyers indûment perçus de la société Odalys à compter du 12 juin 2003 jusqu'au 1er janvier 2021 et de la condamner en conséquence, après compensation, à payer à la société [Localité 7] la somme de 2 766 814, 98 euros, alors « qu'en cas d'annulation d'un contrat du fait d'une collusion frauduleuse des deux parties, aucune restitution ne peut être ordonnée ; qu'en ordonnant néanmoins des restitutions réciproques en suite de l'annulation de la vente, quand elle avait précédemment estimé que les deux parties à ce contrat avaient été en collusion frauduleuse, la cour d'appel a violé les principes nemo auditur propriam turpitudinem allegans et in pari causa turpitudinis cessat repetitio. »

Réponse de la Cour

14. Alors que la société [Localité 7] invoquait une cause illicite en raison d'une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire, M. [H] n'a pas soutenu, dans ses conclusions d'appel, que, dans ce cas, aucune restitution ne pouvait être ordonnée, mais a rappelé le principe selon lequel la nullité d'un contrat pour cause illicite remet les parties dans leur état antérieur et a fondé le rejet de la demande de la société [Localité 7] en remboursement des loyers perçus sur sa qualité de co-auteur du dommage à défaut d'avoir recherché la responsabilité de sa gérante pour faute détachable de ses fonctions.

15. M. [H] n'est donc pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures.

16. Le moyen est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [H]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [H] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la nullité de l'acte de cession, par la société [Localité 7] à monsieur [H], portant sur un ensemble immobilier sis [Adresse 8] et composé de parcelles de terrain à usage de camping ;

1°/ ALORS QUE la cause illicite d'un contrat, rendant celui-ci nul, ne peut consister dans une fraude aux droits des tiers au contrat, mais seulement dans une fraude à la loi ; qu'en se fondant néanmoins, pour annuler le contrat de vente concerné, sur l'existence d'un prétendu mobile frauduleux tendant à éviter le complet désintéressement des créanciers de la société venderesse (arrêt, p. 15, in fine, p. 16, in limine), c'est-à-dire sur une fraude aux droits des tiers, cependant que seule une fraude à la loi aurait été de nature à justifier une telle annulation, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-231 du 10 février 2016 ;

2°/ ALORS QUE monsieur [H] avait fait valoir (conclusions, pp. 31 et s.) que la société mère de la société venderesse du bien concerné se trouvait, au moment de la vente, dans une situation financière critique rendant indispensable et urgente la vente conventionnelle d'un actif, une vente judiciaire, qui serait devenue inévitable en l'absence de conclusion du contrat, ne pouvant advenir qu'à un prix bien plus faible encore ; que la cour d'appel, pour retenir l'existence d'un mobile frauduleux de conclure le contrat de vente, a refusé de retenir que la société mère de la venderesse se trouvait dans une situation financière critique et, à cet effet, a relevé que la filiale venderesse aurait minoré son chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale (arrêt, p. 15, quatrième alinéa) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, même en l'état du chiffre d'affaires de la filiale, tel que redressé par l'administration fiscale, la société mère de la venderesse n'était pas en situation fortement dégradée et s'il n'en résultait pas que la vente contestée était exempte de toute fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 ancien du code civil ;

3°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se déterminant comme elle a fait (arrêt, eod. loc.), en considération du chiffre d'affaires de la filiale, élément impropre à caractériser la situation financière de la personne morale distincte qu'était la société mère, la cour d'appel a violé l'article 1131 ancien du code civil ;

4°/ ALORS QUE la vente d'un actif, conclue en vue de désintéresser les créanciers du vendeur, n'est pas frauduleuse du seul fait que le prix de vente ne permet pas de les désintéresser tous, cette absence de désintéressement intégral pouvant tenir au décalage objectif entre le prix de la chose vendue et le volume des dettes à éteindre ; qu'en se fondant néanmoins, pour en déduire l'existence d'un prétendu mobile frauduleux, sur le fait que le prix de la vente n'avait pas permis de désintéresser l'ensemble des créanciers de la cédante (arrêt, p. 15, alinéas cinquième et s.), la cour d'appel a violé l'article 1131 ancien du code civil ;

5°/ ALORS QUE pour contester la prétendue gestion de fait qui lui était imputée, monsieur [H] avait fait valoir (conclusions, p. 34) que les actes dont ses adversaires prétendaient déduire cette gestion de fait avaient été accomplis en exécution d'un mandat d'étendue limitée que lui avait confié la société Solymer, société mère de la société [Localité 7], venderesse, en vue de la réalisation de tâches ponctuelles telles que le suivi de travaux ; qu'en déduisant l'existence d'une gestion de fait, prétendument révélatrice d'une collusion frauduleuse entre la venderesse et monsieur [H], d'actes accomplis par celui-ci dans l'intérêt de la société [Localité 7] (arrêt, p. 16, dernier alinéa, p. 17, premier alinéa), sans rechercher si ces actes avaient été effectués par l'intéressé en qualité de mandataire de la société Solymer ou en son nom personnel, au-delà des pouvoirs que cette dernière lui avait conférés, seuls des actes personnels accomplis sans pouvoir par monsieur [H] étant de nature à caractériser une gestion de fait de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 ancien du code civil ;

6°/ ALORS QUE monsieur [H] avait fait valoir (conclusions, p. 35) que l'évaluation du bien vendu faite par l'expert judiciaire, et dont la société [Localité 7] prétendait déduire l'existence d'une minoration artificielle du prix de la vente, était dénuée de crédibilité, dès l'instant que l'expert avait commis deux erreurs méthodologiques consistant à ne pas s'être placé à la date de la cession, d'une part, pour avoir évalué le bien sans prendre en compte les travaux nécessaires à son entretien et à son amélioration, d'autre part, pour avoir fait abstraction du contexte difficile dans lequel la vente avait eu lieu et de la nécessité de céder rapidement le bien au premier acquéreur que se déclarerait intéressé ; qu'en se fondant (arrêt, p. 17, deuxième alinéa) sur l'évaluation de cet expert, ainsi que sur celles de trois experts officieux, pour en déduire que le prix de vente du bien aurait été fortement minoré et qu'il aurait donc existé une collusion frauduleuse entre venderesse et acquéreur, sans toutefois rechercher, comme elle y avait été invitée, quelle avait été la méthode de ces experts et, en particulier, sans s'assurer qu'ils s'étaient placés à la date de la cession pour porter leur appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 ancien du code

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [H] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit qu'il devait restituer l'ensemble immobilier objet de l'acte de cession litigieux à la société [Localité 7] ainsi que les loyers indûment perçus par lui dans le cadre de la société Odalys à compter du 12 juin 2003 jusqu'au 1er janvier 2021, soit la somme de 4 116 814,98 € HT et D'AVOIR en conséquence, après compensation, condamné monsieur [H] à payer à la société [Localité 7] la somme de 2 766 814,98 € HT ;

ALORS QU'en cas d'annulation d'un contrat du fait d'une collusion frauduleuse des deux parties, aucune restitution ne peut être ordonnée ; qu'en ordonnant néanmoins des restitutions réciproques en suite de l'annulation de la vente (arrêt, pp. 19 et 20), quand elle avait précédemment estimé (arrêt, pp. 14 à 17) que les deux parties à ce contrat avaient été en collusion frauduleuse, la cour d'appel a violé les principes nemo auditur propriam turpitudinem allegans et in pari causa turpitudinis cessat repetitio.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [H] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué DE L'AVOIR débouté de sa demande en remboursement du coût des travaux et de toutes dépenses, frais et charges engagés depuis l'acquisition pour l'amélioration et l'entretien du domaine ;

ALORS QUE monsieur [H] sollicitait (conclusions, p. 40), non seulement la restitution du prix de vente, mais aussi celle des charges de toute nature qu'il avait assumées depuis l'acquisition litigieuse, et produisait, au soutien de cette demande, des pièces nombreuses, numérotées 47 à 55 sur le bordereau de communication annexé à ses conclusions en cause d'appel ; que pour retenir que monsieur [H] ne justifierait pas du coût des travaux et de toutes dépenses, frais et charges engagés, la cour d'appel a affirmé (arrêt, p. 20, premier alinéa, in fine) qu'il « lui appartenait de produire les documents nécessaires permettant à la cour de juger du bien fondé de cette demande » ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur la prétendue absence au dossier de pièces qui figuraient sur le bordereau de communication de pièces annexé aux dernières conclusions de monsieur [H] et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-23254
Date de la décision : 11/01/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 21 juillet 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 jan. 2023, pourvoi n°21-23254


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.23254
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