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15/12/2022 | FRANCE | N°21-16416

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 décembre 2022, 21-16416


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1297 F-D

Pourvoi n° C 21-16.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022

1°/ M. [W] [X],

2°/ Mme [D] [N], épous

e [X],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° C 21-16.416 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1297 F-D

Pourvoi n° C 21-16.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022

1°/ M. [W] [X],

2°/ Mme [D] [N], épouse [X],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° C 21-16.416 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige les opposant à M. [J] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [X], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2021) et les productions, un jugement irrévocable, assorti de l'exécution provisoire, signifié le 15 février 2018, a, dans un litige les opposant à M. [Z], ordonné à M. et Mme [X] de réaliser des travaux de reprise des désordres, affectant les lots lui appartenant, préconisés par un expert.

2. Cette décision était assortie d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard à compter d'un délai de six mois suivant la signification du jugement et pendant deux mois.

3. Par jugement du 23 mai 2019, notifié le jour même, un juge de l'exécution, saisi par M. [Z], a liquidé l'astreinte pour la période du 15 août 2018 au 15 octobre 2018 et, eu égard à l'absence d'exécution de l'injonction assortie de l'astreinte, fixé une nouvelle astreinte provisoire de 400 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de sa notification, pendant une durée de trois mois.

4. Le 28 novembre 2019, M. [Z] a saisi un juge de l'exécution aux fins de
liquidation de la nouvelle astreinte.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. [Z] la somme de 6 000 euros [lire 36 000 euros], alors « que, en refusant d'examiner, ainsi que cela lui était demandé, le caractère disproportionné du montant de l'astreinte liquidée, la cour d'appel a violé l'article du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1 du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Selon le premier de ces textes, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

8. Selon le second, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

9. L'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce protocole.

10. Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

11. Pour liquider l'astreinte provisoire à la somme de 36 000 euros, l'arrêt retient que l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées, peu importe sa disproportion alléguée avec le coût de l'exécution de cette obligation.

12. En se déterminant ainsi, sans examiner, ainsi qu'il lui était demandé, de façon concrète s'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel elle liquidait l'astreinte et l'enjeu du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il liquide à la somme de 36 000 euros l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution le 23 mai 2019 et condamne solidairement M. et Mme [X] à verser cette somme à M. [Z], l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [X]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt, critiqué par M. et Mme [X], encourt la censure ;

EN CE QU'il a, confirmant le jugement, condamné M. et Mme [X] à payer à M. [Z] la somme de 6 000 euros ;

ALORS QUE en refusant d'examiner, ainsi que cela lui était demandé, le caractère disproportionné du montant de l'astreinte liquidée, la cour d'appel a violé l'article du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt, critiqué par M. et Mme [X], encourt la censure ;

EN CE QU'il a, confirmant le jugement, dit que l'obligation faite à M. et Mme [X] par le jugement du 30 janvier 2018 est assortie d'une nouvelle astreinte de 400 euros par jour de retard à compter du 90ème jour suivant la signification du jugement du 18 juin 2020, pour une durée de trois mois ;

ALORS QUE, premièrement, le juge d'appel doit apprécier les faits à la date à laquelle il se prononce ; qu'en opposant que les travaux n'avaient été exécutés que postérieurement au jugement pour refuser de l'infirmer en tant qu'il fixait une nouvelle astreinte, les juges du fond ont violé l'article 561 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, si la charge de la preuve de l'exécution d'une obligation pèse sur le débiteur de celle-ci, celle de la preuve d'une exécution défectueuse repose sur son créancier ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1355 nouveau du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-16416
Date de la décision : 15/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 déc. 2022, pourvoi n°21-16416


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16416
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