LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 décembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1305 F-B
Pourvoi n° P 20-22.356
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-22.356 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'[Localité 2] et de Corse du Sud, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France IARD, de Me Haas, avocat de la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'[Localité 2] et de Corse du Sud, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 30 septembre 2020) et les productions, par jugement du 5 juin 2014, confirmé par un arrêt du 7 décembre 2015 d'une cour administrative d'appel, un tribunal administratif a condamné la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'[Localité 2] et de Corse du Sud (la chambre de commerce et d'industrie) à payer diverses sommes à la société Alabama média en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché conclu pour la rénovation du palais des congrès d'[Localité 2], dont cette société était titulaire du lot n° 5 « audiovisuel », et condamné la société Scaenicom, attributaire du marché, à garantir la chambre de commerce et d'industrie pour moitié de ces condamnations.
2. Le 5 août 2014, la chambre de commerce et d'industrie a assigné la société Axa France IARD, assureur de la société Scaenicom (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, aux fins de garantie des condamnations prononcées contre elle par la juridiction administrative.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
3. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie et, par conséquent, de le condamner à payer à celle-ci la somme de 140 506,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, alors :
« 1°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il « réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) » ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
2°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ''l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ''sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences - précises et générales - imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
5. Pour dire que la garantie de l'assureur était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom, l'arrêt retient que les déclarations de cette société visées en page 2 des conditions particulières du contrat, selon lesquelles l'assuré « - Réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le Client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande » et « - Fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le Client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) », ne constituaient pas des conditions de la garantie, dès lors qu'une autre déclaration était assortie de la mention expresse « sous peine de non garantie », et qu'il ne ressortait d'aucune des stipulations contractuelles produites que les déclarations en cause devaient s'analyser comme des conditions de la garantie.
6. En statuant ainsi, alors que les clauses litigieuses formulaient des exigences générales et précises à la charge de l'assurée, auxquelles la garantie de l'assureur était subordonnée, de sorte qu'elles constituaient des conditions de la garantie, peu important que, à la différence d'une autre clause, la sanction de leur non-respect ne fasse pas l'objet d'une mention expresse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Axa France IARD recevable en son appel, l'arrêt rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Condamne la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'[Localité 2] et de Corse du Sud aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'[Localité 2] et de Corse du Sud et la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD
La société AXA France IARD FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la CCITACS et en ce qu'elle avait été par conséquent condamnée à payer à la CCITACS la somme de 140 506,66 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
1°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il « réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) » ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
2°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ‘‘l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ‘‘sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences – précises et générales – imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ;
3°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci ne sont pas subordonnées à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ‘‘l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ‘‘sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences – précises et générales – imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant pour écarter la qualification de la clause litigieuse en condition, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge, qui n'est pas tenu par la qualification de la clause retenue par les parties, doit lui redonner son exacte qualification ; qu'en affirmant que la garantie était acquise au profit de la CCITACS au motif qu'il ne s'agissait pas d'une condition de la garantie mais sans qualifier celle-ci pour déterminer le régime qui lui était applicable, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en affirmant que la garantie était acquise au profit de la CCITACS au motif qu'il ne s'agissait pas d'une condition de la garantie mais sans qualifier celle-ci pour déterminer le régime qui lui était applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances.