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14/12/2022 | FRANCE | N°21-19577

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-19577


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1348 F-D

Pourvoi n° P 21-19.577

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 mai 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________

________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [M]...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1348 F-D

Pourvoi n° P 21-19.577

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 mai 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [M] [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-19.577 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Accueil de retraités pour une vieillesse idéale, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [S], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Accueil de retraités pour une vieillesse idéale, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 juillet 2020), Mme [S] a été engagée à compter du 5 juin 2013 en qualité d'agent hospitalier, exerçant ses fonctions dans l'Ehpad [4] situé à [Localité 3], par la société Accueil de retraités pour une vieillesse idéale (Arvi), soumise à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

2. La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 27 août 2014 au 7 décembre 2014, puis à compter du 16 décembre 2014, et licenciée le 31 mars 2015 pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de nullité du licenciement et de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'aux termes de l'article 83-1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 : ''Les absences motivées par l'incapacité résultant de la maladie non professionnelle et de l'accident de trajet, justifiées par certificat médical et notifiées par le salarié dans les conditions prévues à l'article 84.1, constituent une simple suspension du contrat de travail pour une période garantie de 6 mois consécutifs ou 180 jours calendaires sur une période de 12 mois consécutifs'', l'employeur ne pouvant rompre le contrat que ''si l'absence se prolonge au-delà de la durée précitée'' ; qu'il en résulte qu'un salarié absent pour cause de maladie ne peut être licencié qu'après une absence continue de 6 mois ou à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de sa première absence prise en compte, à condition qu'il ait été absent 180 jours calendaires au cours de cette période ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement fondé, la cour d'appel a retenu au contraire qu'il était ''exactement soutenu par la société Arvi [que] le délai de 12 mois consécutifs concerne l'appréciation des 180 jours calendaires d'absence et non le terme de la garantie de simple suspension du contrat de travail sans possibilité de licenciement'' et qu' ''il est donc [seulement] interdit à l'employeur de licencier un salarié dont les absences répétées, sur les 12 mois précédents, n'ont pas atteint 180 jours calendaires'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes des dispositions de l'article 83-1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, les absences motivées par l'incapacité résultant de la maladie non professionnelle et de l'accident de trajet, justifiées par certificat médical et notifiées par le salarié dans les conditions prévues à l'article 84.1, constituent une simple suspension du contrat de travail pour une période garantie de 6 mois consécutifs ou 180 jours calendaires sur une période de 12 mois consécutifs.
Si l'absence se prolonge au-delà de la durée précitée et dans le cas où, sous peine de compromettre le fonctionnement de l'entreprise ou d'un service, il apparaîtrait indispensable de remplacer effectivement le salarié malade, l'employeur pourra rompre le contrat de travail en respectant la procédure de licenciement prévue aux articles L. 1232-2 et L. 1232-6 du code du travail.

5. La cour d'appel, qui a retenu que le délai de 12 mois consécutifs concernait l'appréciation des 180 jours calendaires d'absence et non le terme de la garantie de simple suspension du contrat de travail sans possibilité de licenciement et que le texte interdisait à l'employeur de licencier un salarié dont les absences répétées, sur les 12 mois précédents, n'avaient pas atteint 180 jours calendaires, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de nullité de licenciement et de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement de Mme [S], agent hospitalier absent pour cause de maladie, était justifié après avoir relevé qu'elle ''ne conteste pas les perturbations de service résultant de son absence'' ; qu'en s'abstenant de constater, condition dont la nécessité lui était rappelée, une perturbation du fonctionnement de l'entreprise elle-même ou le caractère essentiel pour l'entreprise Arvi dans son ensemble du service perturbé par l'absence d'une salariée exerçant des fonctions d'agent de service hospitalier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2°/ que le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement de Mme [S] était justifié après avoir relevé qu'elle ''admet que la société Arvi justifie du recrutement d'une salariée l'ayant effectivement remplacé'' et que ''Le délai écoulé entre le licenciement et la prise d'effet d'un contrat à durée indéterminée succédant à un contrat à durée déterminée est inopérant pour écarter la réalité d'un remplacement définitif de Mme [S]'' ; qu'en omettant de constater la nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif de la salariée, sans qu'elle puisse être remplacée provisoirement jusqu'à son retour dans ses fonctions d'agent de service hospitalier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail :

8. Si ce texte fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, il ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

9. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à voir dire le licenciement nul, l'arrêt retient que la salariée ne conteste pas les perturbations de service résultant de son absence et admet que l'employeur justifie du recrutement, en qualité d'agent de service à temps partiel, d'une salariée l'ayant effectivement remplacée, l'intéressée ayant été précédemment embauchée par contrat à durée déterminée du 17 décembre 2014 pour remplacement et que le délai écoulé entre le licenciement et la prise d'effet d'un contrat à durée indéterminée succédant à un contrat à durée déterminée est inopérant pour écarter la réalité d'un remplacement définitif de la salariée.

10. En se déterminant ainsi, sans constater la perturbation du fonctionnement de l'entreprise causée par l'absence de la salariée et la nécessité de la remplacer définitivement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [S] de sa demande de nullité du licenciement et la condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Accueil de retraités pour une vieillesse idéale aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Accueil de retraités pour une vieillesse idéale et la condamne à payer à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [S] fait grief à la décision attaquée, infirmative sur ces points, d'AVOIR débouté Mme [S] de sa demande de nullité du licenciement et de l'ensemble de ses demandes,

ALORS QU'aux termes de l'article 83-1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 : « Les absences motivées par l'incapacité résultant de la maladie non professionnelle et de l'accident de trajet, justifiées par certificat médical et notifiées par le salarié dans les conditions prévues à l'article 84.1, constituent une simple suspension du contrat de travail pour une période garantie de 6 mois consécutifs ou 180 jours calendaires sur une période de 12 mois consécutifs », l'employeur ne pouvant rompre le contrat que « si l'absence se prolonge au-delà de la durée précitée » ; qu'il en résulte qu'un salarié absent pour cause de maladie ne peut être licencié qu'après une absence continue de 6 mois ou à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de sa première absence prise en compte, à condition qu'il ait été absent 180 jours calendaires au cours de cette période ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement fondé, la cour d'appel a retenu au contraire qu'il était « exactement soutenu par la société Arvi [que] le délai de 12 mois consécutifs concerne l'appréciation des 180 jours calendaires d'absence et non le terme de la garantie de simple suspension du contrat de travail sans possibilité de licenciement » et qu'« il est donc [seulement] interdit à l'employeur de licencier un salarié dont les absences répétées, sur les 12 mois précédents, n'ont pas atteint 180 jours calendaires » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 83-1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme [S] fait grief à la décision attaquée, infirmative sur ces points, d'AVOIR débouté Mme [S] de sa demande de nullité de licenciement et de l'ensemble de ses demandes,

1) ALORS QUE le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement de Mme [S], agent hospitalier absent pour cause de maladie, était justifié après avoir relevé qu'elle « ne conteste pas les perturbations de service résultant de son absence » (arrêt page 7, § 3) ; qu'en s'abstenant de constater, condition dont la nécessité lui était rappelée, une perturbation du fonctionnement de
l'entreprise elle-même ou le caractère essentiel pour l'entreprise A.R.V.I. dans son ensemble du service perturbé par l'absence d'une salariée exerçant des fonctions d'agent de service hospitalier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement de Mme [S] était justifié après avoir relevé qu'elle « admet que la société Arvi justifie du recrutement d'une salariée l'ayant effectivement remplacé » (arrêt page 7, § 3) et que « Le délai écoulé entre le licenciement et la prise d'effet d'un contrat à durée indéterminée succédant à un contrat à durée déterminée est
inopérant pour écarter la réalité d'un remplacement définitif de Mme [S] » (arrêt page 7, § 5) ; qu'en omettant de constater la nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif de la salariée, sans qu'elle puisse être remplacée provisoirement jusqu'à son retour dans ses fonctions d'agent de service hospitalier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19577
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 09 juillet 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2022, pourvoi n°21-19577


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.19577
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