LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1380 F-D
Pourvoi n° W 21-17.537
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
M. [E] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-17.537 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale prud'homale), dans le litige l'opposant à la société SNCF réseau, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de l'EPIC SNCF, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société SNCF réseau, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 décembre 2020), M. [Z] a été engagé le 10 septembre 1990 par la société SNCF, aux droits de laquelle vient la société SNCF réseau. Il occupe un poste de chef de secteur mouvement en équipe 3X8. Il a été désigné conseiller prud'homme le 15 septembre 2011.
2. Le 12 septembre 2016, le salarié a démissionné de son mandat. Il a saisi la juridiction prud'homale le 26 janvier 2017, reprochant à son employeur de ne pas respecter les dispositions de l'article L. 1442-7 du code du travail et de ne pas respecter son obligation de sécurité.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, alors « que le salarié membre d'un conseil de prud'hommes, travaillant en service continu ou discontinu posté, a droit à un aménagement d'horaires de son travail de façon à lui garantir un temps de repos minimum ; le temps de repos minimum garanti par l'employeur est distinct de l'indemnisation des heures consacrées à l'activité prud'homale prise, sur la demande du salarié, sous forme de vacation horaire ou repos compensateur ; qu'en retenant que le salarié ayant opté pour le paiement de vacations horaires en lieu et place du temps de repos pour l'exercice de sa mission de conseiller prud'homal durant ses jours de repos, il ne résultait pas pour l'employeur d'obligation légale ni conventionnelle de décaler les jours de repos périodiques du salarié fixés sur des jours où il siégeait au conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé l'article L. 1442-7 du code du travail, ensemble l'article 50.2 du référentiel RH 0143. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1442-7 du code du travail et l'article 32, III, IV, V et VI, du référentiel RH 0077 issu du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la Société nationale des chemins de fer français alors applicable :
5. Aux termes du premier texte susvisé, le salarié membre d'un conseil de prud'hommes, travaillant en service continu ou discontinu posté, a droit à un aménagement d'horaires de son travail de façon à lui garantir un temps de repos minimum.
6. Il résulte du second de ces textes que chaque agent relevant de l'article 25, paragraphe 1, alinéa c, du référentiel doit bénéficier d'au moins cent dix-huit jours de repos périodiques et au minimum de cinquante-deux repos périodiques doubles, triples le cas échéant, par an. Le repos périodique simple doit avoir une durée minimale de trente-six heures. En cas de repos périodique double ou triple, la durée des second et troisième jours de repos ne peut être inférieure à vingt-quatre heures.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, l'arrêt constate d'abord que celui-ci ne conteste pas avoir opté pour le paiement de vacations horaires en lieu et place du temps de repos pour l'exercice de sa mission de conseiller prud'homal durant ses jours de repos.
8. Ensuite, l'arrêt relève qu'il ne résulte pas pour l'employeur d'obligation légale ni conventionnelle de décaler les jours de repos périodique du salarié fixés sur des jours où il siégeait au conseil de prud'hommes, pour lui permettre d'en bénéficier en l'état du dispositif d'option applicable.
9. Enfin, l'arrêt retient que l'employeur ayant respecté à compter de juin 2014 son obligation légale de laisser au salarié un temps de repos suffisant pour lui permettre de participer aux activités prud'homales, aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait fixé les repos périodiques du salarié sur des jours où il siégeait au conseil des prud'hommes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de l'obligation de sécurité et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et que les parties conserveront la charge de leurs dépens, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société SNCF réseau aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SNCF réseau et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [Z]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [Z] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité.
ALORS QUE le salarié membre d'un conseil de prud'hommes, travaillant en service continu ou discontinu posté, a droit à un aménagement d'horaires de son travail de façon à lui garantir un temps de repos minimum ; le temps de repos minimum garanti par l'employeur est distinct de l'indemnisation des heures consacrées à l'activité prud'homale prise, sur la demande du salarié, sous forme de vacation horaire ou repos compensateur ; qu'en retenant que le salarié ayant opté pour le paiement de vacations horaires en lieu et place du temps de repos pour l'exercice de sa mission de conseiller prud'homal durant ses jours de repos, il ne résultait pas pour l'employeur d'obligation légale ni conventionnelle de décaler les jours de repos périodiques du salarié fixés sur des jours où il siégeait au conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé l'article L. 1442-7 du code du travail, ensemble l'article 50.2 du référentiel RH 0143.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. [Z] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation du principe d'égalité.
1° ALORS QUE, lorsqu'un litige survient en matière de discrimination, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination, à charge alors pour l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la cour d'appel a retenu que le salarié établissait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en lien avec ses fonctions syndicales et prud'homales ; qu'en déboutant le salarié de sa demande aux motifs inopérants que celui-ci ne pouvait pas se comparer avec les salariés exerçant un mandat prud'homal mais appartenant à la société SNCF Mobilités et non SNCF Réseau en raison de l'autonomie juridique existante en ces deux entités, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-1 du code du travail
2° ALORS QUE lorsqu'un litige survient en matière de discrimination, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination, à charge alors pour l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; que la cour d'appel a considéré, pour débouter le salarié de sa demande, que celui-ci ne démontrait pas, que s'agissant d'entreprises distinctes, il pouvait être procédé à la comparaison entre sa situation et celle des salariés de la société SNCF Mobilités pour l'exercice de leur mission de conseiller prud'homal ; qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant retenu que le salarié établissait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en lien avec ses fonctions syndicales et prud'homales, il lui appartenait de vérifier que l'employeur justifiait la situation du salarié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-1 du code du travail