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14/12/2022 | FRANCE | N°21-15670

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-15670


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1357 F-D

Pourvoi n° S 21-15.670

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [L] [Y], domiciliée [A

dresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.670 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litig...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1357 F-D

Pourvoi n° S 21-15.670

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [L] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.670 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [N] [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société B. Press,

2°/ à l'Unédic Délégation AGS-CGEA-[Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 février 2021), Mme [Y] a exercé une activité de journaliste pigiste, en qualité d'auto-entrepreneur auprès de la société B. Presse (la société), du mois de septembre 2013 au mois d'octobre 2015.

2. Par jugement rendu le 13 octobre 2015, le tribunal de commerce de Dijon a prononcé la liquidation judiciaire de la société B. Presse et désigné Mme [I] en qualité de liquidatrice.

3. Le 21 janvier 2016, Mme [Y] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à ce que soit retenue l'existence d'un contrat de travail et de demandes formées en conséquence de cette qualification.

4. Par jugement rendu le 27 février 2018, le conseil de prud'hommes de Dijon a déclaré irrecevable la demande d'incompétence formée devant lui et a ordonné aux parties de communiquer les documents nécessaires pour justifier leurs prétentions s'agissant des conséquences du statut de salarié.

5. Par jugement du 27 novembre 2018, ce même conseil de prud'hommes a dit qu'il n'y avait pas lieu d'accorder le statut de salariée à Mme [Y], l'a déboutée de toutes ses demandes et a donné acte à l'AGS-CGEA de [Localité 4] de son intervention dans la cause.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

7. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

8. Selon le second, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

9. Il résulte de leur combinaison que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du code civil.

10. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

11. Pour dire prescrite la demande en qualification de la relation contractuelle en contrat de travail, l'arrêt retient que l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, est applicable au litige dès lors que la relation de travail ayant existé entre Mme [Y] et la société a débuté le 1er septembre 2013. L'arrêt précise que l'action en reconnaissance du statut de salariée, c'est-à-dire portant sur l'existence ou non d'un contrat de travail, le litige porte, de ce fait, sur l'exécution du contrat de travail, en sorte que ce texte est applicable.

12. S'agissant du point de départ du délai de prescription, l'arrêt retient que c'est en toute connaissance de son statut d'auto-entrepreneur que Mme [Y] a travaillé pour le compte de la société, sans formuler aucune réclamation auprès de son employeur, dès le 1er septembre 2013, et jusqu'à ce que soit prononcée la liquidation de la société au mois d'octobre 2015. Il en déduit que c'est à compter du 1er septembre 2013 que l'intéressée a eu connaissance des faits justifiant son action en justice à l'encontre du liquidateur, cette date constituant le point de départ du délai de prescription de deux ans de son action. Relevant que le conseil de prud'hommes a été saisi le 21 janvier 2016, il en conclut que l'action est prescrite.

13. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la relation contractuelle avait pris fin au mois d'octobre 2015 et que la juridiction prud'homale avait été saisie le 21 janvier 2016, ce dont il résultait que l'action tendant à ce que la relation contractuelle soit qualifiée en contrat de travail n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation sur le moyen de pur droit relevé d'office emporte, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif déboutant Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes, mettant le CGEA AGS de [Localité 4] hors de cause, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [Y] de sa demande d'annulation du jugement du 27 janvier 2018 et dit que le conseil de prud'hommes était compétent pour statuer sur les demandes de Mme [Y] l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne Mme [I], en sa qualité de liquidatrice à la liquidation judiciaire de la société B. Presse aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [I] ès qualités à verser à Mme [Y] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [Y],

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrite sa demande de requalification de la relation de travail en un contrat de travail, de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes et d'AVOIR mis hors de cause le CGEA AGS de [Localité 4].

1° ALORS QUE la prescription de l'action en reconnaissance d'un contrat de travail ne court qu'à compter du jour où la situation illicite a pris fin ; que pour fixer le point de départ de la prescription au 1er septembre 2013 et, partant, déclarer l'action prescrite, l'arrêt retient qu' « il résulte des factures qu'elle verse aux débats que, dès le début de sa collaboration, Mme [Y] travaillait pour la société B. Presse en qualité de journaliste indépendante, titulaire d'un numéro SIREN ; qu'elle indique que c'est la société B. Presse qui lui a imposé son statut d'auto-entrepreneur, mais ne l'établit pas alors que cette affirmation est formellement contestée par le liquidateur ; qu'en toute hypothèse, c'est bien en toute connaissance de son statut d'auto-entrepreneur qu'elle a travaillé pour le compte de la société B. Presse, sans formuler aucune réclamation auprès de son employeur, dès le 1er septembre 2013, et jusqu'à ce que soit prononcée la liquidation de la société au mois d'octobre 2015 » ; qu'en statuant ainsi, quand la prescription ne pouvait courir qu'à compter du jour où la relation entre les parties a cessé, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail.

2° ALORS QUE le journaliste pigiste ne peut prétendre au bénéfice de la présomption de salariat prévue à l'article L. 7112-1 du code du travail que s'il apporte à l'entreprise de presse une collaboration constante et régulière et en tire l'essentiel de ses ressources ; que la prescription de l'action engagée par ce dernier aux fins de voir reconnaitre l'existence d'un contrat de travail ne peut donc pas courir au tout début de cette collaboration ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription au 1er septembre 2013, date du début de la collaboration avec la société B. Presse, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail, ensemble les articles L. 7112-1 et L. 7111-3 du même code.

3° ALORS en tout cas QUE le délai de prescription des actions liées à l'exécution ou la rupture du contrat de travail ne commence à courir, conformément au principe édicté par l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qu'au jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en retenant que « c'est bien en toute connaissance de son statut d'auto-entrepreneur [que Mme [Y]] a travaillé pour le compte de la société B. Presse, sans formuler aucune réclamation auprès de son employeur », quand il lui appartenait de rechercher si, au contraire, l'exposante avait ou aurait dû connaître l'existence d'une relation de travail salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, subsidiaire

Mme [Y] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrite sa demande de requalification de la relation de travail en un contrat de travail, de l'AVOIR déboutée de ses demandes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, de rappel de 13ème mois et de congés payés afférents et de prime d'ancienneté et de congés payés afférents et d'AVOIR mis hors de cause le CGEA AGS de [Localité 4].

ALORS QUE la durée de la prescription est déterminée par la nature des créances invoquées ; que la cour d'appel a soumis la demande de requalification à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, et dit que cette prescription devait s'appliquer à toutes les demandes pécuniaires qui en étaient la conséquence ; qu'en statuant ainsi, quand l'exposante avait formée des demandes de nature salariale, ce dont il résultait qu'elles étaient soumises à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-15670
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 25 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2022, pourvoi n°21-15670


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15670
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