LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 décembre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 862 F-D
Pourvoi n° R 21-23.006
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
Le syndicat des copropriétaires Villa d'azur, dont le siège est [Adresse 3], représenté par son syndic le cabinet Syndic Azur, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-23.006 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Méditerranée, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du syndicat des copropriétaires Villa d'Azur, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2021), la société civile immobilière Méditerranée (la SCI) a fait construire un ensemble immobilier dont les lots ont été vendus en l'état futur d'achèvement.
2. Par ordonnance du 7 décembre 2017, rendue en référé, le syndicat des copropriétaires Villa d'azur (le syndicat des copropriétaires) a été condamné à réaliser les travaux préconisés par un expert judiciaire pour remédier aux désordres dénoncés par M. et Mme [C], acquéreurs de l'un des lots.
3. Le syndicat des copropriétaires a assigné la SCI et la société Axa France Iard, assureur dommages-ouvrage et assureur du constructeur non réalisateur, en paiement de diverses sommes correspondant au coût des travaux de reprise des dommages subis par M. et Mme [C] et de trente-six autres désordres.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'assignation délivrée à la SCI et à la société Axa France Iard le 21 avril 2016 et de déclarer en conséquence irrecevables ses demandes à l'encontre de la SCI, alors « que les juges ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son appel en l'absence d'un appel incident ; qu'au cas présent, la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris qui avait condamné la SCI Méditerranée, venderesse en l'état futur d'achèvement, à payer au syndicat des copropriétaires Villa d'Azur la somme de 44 542,48 € et a déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires Villa d'Azur à l'encontre de la SCI Méditerranée ; qu'en aggravant ainsi le sort du syndicat des copropriétaires à l'égard de la SCI Méditerranée, alors qu'elle n'avait été saisie d'aucun appel incident par cette société, dont les conclusions avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 janvier 2018, confirmée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 14 juin 2018, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 562 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ce texte que la cour d'appel ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son appel unique et en l'absence d'appel incident de l'intimé.
7. L'arrêt infirme le jugement qui a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI et l'a condamnée à payer une certaine somme au syndicat des copropriétaires.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie d'aucun appel incident de la part de la SCI, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée de la cassation
9. Compte-tenu du rejet du premier moyen, la cassation ne s'étend qu'aux dispositions de l'arrêt qui portent sur le lien d'instance et les rapports entre le syndicat des copropriétaires et la SCI.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité de l'assignation délivrée par le syndicat des copropriétaires Villa d'azur à la société civile immobilière Méditerranée, déclare irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires Villa d'azur à l'encontre de la société civile immobilière Méditerranée et infirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 20 mars 2017 dans les seuls rapports entre le syndicat des copropriétaires Villa d'azur et la société civile immobilière Méditerranée, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société civile immobilière Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires Villa d'Azur
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le syndicat des copropriétaires Villa d'Azur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'assignation par lui délivrée à la SCI Méditerranée et à la société Axa France Iard le 21 avril 2016 et déclaré, en conséquence, irrecevables ses demandes à l'encontre de la SCI Méditerranée et de la société Axa France ;
1° Alors que dans sa rédaction issue du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019, l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 énonce que « seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice » ; que cette disposition, relative à la procédure, est immédiatement applicable aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, soit le 29 juin 2019, sous réserve, en l'absence de disposition expresse, de ne pas priver de leurs effets les actes qui ont été régulièrement accomplis sous l'empire du texte ancien ; qu'elle est par conséquent applicable aux exceptions de nullité tirées du défaut d'autorisation donnée au syndic pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires qui ont été présentées postérieurement au 29 juin 2019 ; qu'au cas d'espèce, les conclusions d'incident de la société Axa France Iard ont été signifiées le 23 juillet 2020, soit postérieurement au 29 juin 2019 ; qu'en accueillant néanmoins l'exception de nullité qui y était formulée par l'assureur, quand celui-ci était dépourvu de toute qualité pour invoquer une telle exception à la date où celle-ci a été formulée, la cour d'appel a violé l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 ;
2° Alors, subsidiairement, qu'est régulière l'autorisation d'un syndic d'agir en justice au nom d'un syndicat donnée par l'assemblée générale des copropriétaires qui, sans identifier nommément les désordres dont la réparation est demandée, les rends identifiables par l'indication de leur siège ou encore de leur origine ; qu'au cas présent, après avoir constaté que la résolution adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires le 19 mai 2016 avait autorisé le syndic à ester en justice eu égard aux « malfaçons et désordres suite à la construction », la cour d'appel a néanmoins jugé que le syndic ne bénéficiait pas d'une autorisation régulière lui permettant d'agir en justice dès lors que la délibération du 19 mai 2016 « ne précis[ait] aucunement les malfaçons et désordres dont la réparation [était] demandée, de sorte qu'ils ne p[ouvaient] être déterminés » (arrêt p. 6, § 6) ; qu'en statuant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constations que l'indication de l'origine des désordres dont la réparation était demandée dans la délibération avait pour effet de les rendre déterminables du point de vue des copropriétaires, ce qui suffisait à rendre l'autorisation régulière, nonobstant le fait que celle-ci n'identifiait pas nommément lesdits désordres, la cour d'appel a violé l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;
3° Alors, encore plus subsidiairement, que la nullité pour défaut de pouvoir peut être rétroactivement couverte par une décision de l'assemblée générale ratifiant ou confirmant la procédure irrégulièrement engagée sous réserve, toutefois, des droits des tiers ; que le syndicat des copropriétaires Villa d'Azur produisait à hauteur d'appel le procès-verbal de l'assemblée générale de la copropriété Villa d'Azur du 1er juin 2017 habilitant le syndic à « représenter la copropriété devant toutes juridictions et faire appel à tous conseils nécessaires (avocat, maître d'oeuvre...) à la défense des intérêts de la copropriété », dans le cadre du litige ayant donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 20 mars 2017, dont une copie avait été annexée à la convocation adressée à chaque propriétaire et qui avait été lu lors de cette assemblée ; qu'en ne recherchant pas si cette délibération, qui renvoyait directement à la décision de justice précitée et permettait par conséquent d'identifier aussi bien l'objet et la finalité de l'action en cause, que l'identité des défendeurs et la nature et la consistance des désordres dont la réparation était demandée, et qui habilitait expressément le syndic à ester au justice pour mener une telle action, n'avait pas pour effet de couvrir le défaut de pouvoir du syndic, à le supposer établi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;
4° Alors, en tout état de cause, que les juges du fond doivent analyser, fût-ce sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions et sur lesquels ils se fondent ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer nulle l'assignation du 21 avril 2016 et irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires Villa d'Azur à l'encontre de la SCI Méditerranée et de la société Axa France Iard, que la délibération du 19 mai 2016 « ne précis[ait] aucunement les malfaçons et désordres dont la réparation [était] demandée, de sorte qu'ils ne p[ouvaient] être déterminés » et qu' « aucun élément ne justifi[iait] qu'ils aient pu être identifiés par les copropriétaires grâce à d'autres documents portés à leur connaissance lors de l'assemblée générale, tel le rapport d'expertise judiciaire », pour en déduire que le syndic ne disposait pas du pouvoir nécessaire pour lui permettre d'initier l'action dont elle avait à connaître, sans analyser fût-ce sommairement le procès-verbal d'assemblée générale du 1er juin 2017 qui était produit aux débats par le syndicat (pièce n° 4 produite en appel) et dont la conformité aux dispositions de l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 était débattue entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le syndicat des copropriétaires Villa d'Azur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'assignation par lui délivrée à la SCI Méditerranée et à la société Axa France Iard le 21 avril 2016 et déclaré, en conséquence, irrecevables ses demandes à l'encontre de la SCI Méditerranée ;
1° Alors que les juges ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son appel en l'absence d'un appel incident ; qu'au cas présent, la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris qui avait condamné la SCI Méditerranée, venderesse en l'état futur d'achèvement, à payer au syndicat des copropriétaires Villa d'Azur la somme de 44 542,48 € et a déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires Villa d'Azur à l'encontre de la SCI Méditerranée ; qu'en aggravant ainsi le sort du syndicat des copropriétaires à l'égard de la SCI Méditerranée, alors qu'elle n'avait été saisie d'aucun appel incident par cette société, dont les conclusions avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 janvier 2018, confirmée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 14 juin 2018, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile ;
2° Alors, encore, que l'irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir du syndicat des copropriétaires d'agir en justice n'a d'effet qu'à l'égard de celui qui l'invoque ; que pour dire irrecevables aussi bien à l'égard de la société Axa France Iard que de la SCI Méditerranée les demandes formées par le syndicat, l'arrêt retient que les désordres visés dans l'habilitation donnée au syndic le 19 mai 2016 n'étaient pas précisément identifiés, de sorte que cette autorisation ne pouvait être regardée comme répondant aux exigences de l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 et n'avait pu, de ce fait, valablement habiliter le syndic à ester en justice ; qu'en statuant de la sorte, alors que seule la société Axa France Iard avait soulevé l'exception de nullité de l'assignation du 21 avril 2016 pour défaut d'autorisation du syndic, la cour d'appel, qui a retenu cette irrégularité au profit d'une autre partie qui ne s'en étaient pas prévalue, a violé l'article 117 du code de procédure civile, ensemble l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;
3° Alors, en tout état de cause, que le défaut d'habilitation du syndic en vue d'agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires constitue un défaut de pouvoir sanctionné par une nullité de fond qui ne profite qu'à celui qui l'invoque et non une fin de non-recevoir que le juge peut relever d'office ; qu'en application de l'article 120 du code de procédure civile, les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure ne doivent être relevées d'office que lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; qu'il résulte de la combinaison du texte et du principe précités que l'exception de nullité fondée sur l'absence d'habilitation du syndic d'agir en justice n'étant pas d'ordre public, le juge n'est pas tenu de la relever d'office ; qu'en jugeant, pour déclarer irrecevable aussi bien à l'égard de la société AXA France Iard que de la SCI Méditerranée l'action exercée par le syndicat des copropriétaires Villa d'Azur, qui ne s'était pas prévalue du défaut d'autorisation du syndic pour soulever la nullité de l'assignation délivrée par le syndicat, que « le défaut de pouvoir du syndic constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, relevant de l'article 117 du code de procédure civile, qui doit être relevée d'office en application de l'article 120 du code de procédure civile, eu égard au caractère d'ordre public du texte susvisé » (arrêt p. 6, § 4), la cour d'appel a violé les articles 117 et 120 du code de procédure civile, ensemble l'article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.