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07/12/2022 | FRANCE | N°21-21331

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2022, 21-21331


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Annulation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1312 F-D

Pourvoi n° V 21-21.331

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________r>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

M. [H] [S], domici...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Annulation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1312 F-D

Pourvoi n° V 21-21.331

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

M. [H] [S], domicilié chez Mme [W] [X], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-21.331 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Predia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], et ayant un établissement [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [S], de Me Balat, avocat de la société Predia, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 17 septembre 2020) et les productions, M. [S] a été engagé, le 17 mars 1986, par la société Predi-A, aux droits de laquelle vient la société Predia, en qualité de peintre. L'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave le 2 septembre 2016.

2. Par jugement du 13 septembre 2017, dont appel a été interjeté, un conseil de prud'hommes a rejeté les demandes.

3. La cour d'appel a statué sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt, statuant sans audience, de confirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, alors « que l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 dispose que lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience, qu'il en informe les parties par tout moyen, que les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience et qu'à défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué mentionne seulement que : En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise sous le visa de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie du Covid-19, l'affaire a été retenue sans débats par Monsieur Poupet, Président rapporteur, qui en a rendu compte pour délibéré par la Cour" ; que ces mentions ne permettent pas de s'assurer que les parties ont été avisées et ne se sont pas opposées à ce que l'affaire soit retenue sans audience dans le délai de quinze jours qui devait leur être imparti ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 et 459 du code de procédure civile :

6. Selon le premier de ces textes, applicable aux affaires mises en délibéré entre le 12 mars 2020 et le 10 août 2020, lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience.

7. A peine de nullité, le jugement doit mentionner la décision du président de statuer sans audience, les modalités de l'information aux parties ainsi que l'absence d'opposition de celles-ci.

8. Néanmoins, aux termes du second de ces textes, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

9. Pour statuer sans audience, l'arrêt retient que conformément à l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, prise sous le visa de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de Covid-19, l'affaire est retenue sans débats par le président, sur dépôt de dossiers fixé au 4 juin 2020, les parties ayant été avisées de ce que l'affaire était mise en délibéré au 17 septembre 2020.

10. En statuant ainsi, alors que l'arrêt ne contient pas les mentions énoncées au paragraphe 7, et qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure que les prescriptions légales ont été, en fait, observées, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.

11. L'arrêt est, dès lors, entaché de nullité.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :
ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée ;

Condamne la société Predia aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Predia et la condamne à payer à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [H] [S] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR, statuant sans audience, confirmé le jugement entrepris qui l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes,

ALORS QUE l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 dispose que lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience, qu'il en informe les parties par tout moyen, que les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience et qu'à défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué mentionne seulement que : « En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise sous le visa de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie du Covid-19, l'affaire a été retenue sans débats par Monsieur POUPET, Président rapporteur, qui en a rendu compte pour délibéré par la Cour » ; que ces mentions ne permettent pas de s'assurer que les parties ont été avisées et ne se sont pas opposées à ce que l'affaire soit retenue sans audience dans le délai de quinze jours qui devait leur être imparti ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [H] [S] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris qui l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes tendant à contester le bien-fondé de son licenciement,

ALORS QUE vaut licenciement la lettre par laquelle l'employeur manifeste sa volonté unilatérale de rompre le contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé que, dès le 18 août 2016, l'employeur avait adressé au salarié une lettre énonçant « je ne peux envisager la poursuite de notre collaboration » ; que cette lettre manifestant la volonté unilatérale de l'employeur de rompre la relation de travail, elle valait licenciement, peu important que l'employeur propose par ailleurs une rupture conventionnelle ; qu'en jugeant au contraire qu'il ne s'agissait pas là d'une lettre de licenciement, laquelle était dénuée de motifs, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, dans leur version applicable en l'espèce, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [H] [S] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris qui l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes tendant à contester le bien-fondé de son licenciement,

1) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait en cause d'appel l'infirmation du jugement qui avait retenu qu'il était l'auteur d'une faute grave, en faisant notamment valoir que le seul fait non prescrit du 30 juin 2016 ne lui était pas imputable et ne justifiait pas, en tout état de cause, une rupture immédiate du contrat de travail ; qu'il incombait donc à la cour d'appel de statuer sur l'existence de la faute grave et d'apprécier elle-même la réalité et la gravité des faits invoqués dans la lettre de licenciement au regard des éléments de preuve versés aux débats, la charge de la preuve de la faute grave pesant sur l'employeur ; que cependant la cour d'appel a seulement affirmé : « Les premiers juges ont estimé, au vu des pièces qui leur était produites mais dont la cour ne dispose pas par suite de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée dont elles sont le support, que la société justifiait de la réalité des faits reprochés à M. [S]. Or ce dernier, qui est appelant, ne produit aucune pièce démontrant le caractère erroné de cette appréciation ni même, à tout le moins, de nature à faire naître un doute. Le fait que M. [S], sans s'appesantir sur lesdits faits, plaide en dernier lieu un défaut de proportionnalité entre la faute et la sanction conforte l'appréciation du conseil de prud'hommes. Cette juridiction a pu légitimement juger, comme l'employeur, que la violence tant verbale que physique dont M. [S] avait fait preuve à l'égard de son supérieur hiérarchique rendait immédiatement impossible la poursuite de la relation contractuelle et était donc constitutive d'une faute grave, nonobstant l'ancienneté du salarié dans l'entreprise » ; qu'ainsi, la cour d'appel ne s'est prononcée elle-même ni sur la réalité, ni sur sa gravité, ni sur l'imputation des faits invoqués par l'employeur dans la lettre de rupture, violant ainsi l'article 561 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement ne comportait qu'un motif de rupture, à savoir l'altercation du 30 juin 2016 (arrêt page 4, § 3) ; que la cour d'appel a par ailleurs affirmé que « Les premiers juges ont estimé, au vu des pièces qui leur était produites mais dont la cour ne dispose pas par suite de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée dont elles sont le support, que la société justifiait de la réalité des faits reprochés à M. [S] », ce qui supposait que le conseil de prud'hommes ait jugé établis les faits du 30 juin 2016, seuls faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement ; que cependant, le jugement comporte pour seuls motifs : « Toutes les convocations pour les manquements de M. [S] sont justifiées et non contestées par celui-ci. Malgré les avertissements de l'employeur, l'attitude de M. [S] n'a fait qu'empirer. Toutes les allégations ont été vérifiées par l'inspecteur du travail qui n'a retenu aucune faute de l'employeur » et n'examine pas les faits du 30 juin 2016 ; qu'en estimant pourtant que les premiers juges auraient examinés les seuls faits reprochés par la lettre de licenciement, la cour d'appel a dénaturé le jugement entrepris ;

3) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, comme l'a constaté la cour d'appel, la lettre de licenciement ne comportait qu'un motif de rupture, à savoir l'altercation du 30 juin 2016 ; que cependant, la cour d'appel a fait sienne la motivation des premiers juges concernant l'existence d'une faute grave, lesquels, pour la retenir, s'étaient fondés sur d'autres faits puisqu'ils affirmaient, après avoir rappelé dans leur exposé des faits toute une série d'événements non mentionnés dans la lettre de rupture et remontant jusqu'en 2014, que « Toutes les convocations pour les manquements de M. [S] sont justifiées et non contestées par celui-ci. Malgré les avertissements de son employeur, l'attitude de M. [S] n'a fait qu'empirer. Toutes ses allégations ont été vérifiées par l'inspecteur du travail qui n'a retenu aucune faute de l'employeur », étant précisé que l'inspecteur du travail n'avait été saisi que des faits datant du 17 février 2016 mentionnés seulement à titre de rappel dans la lettre de rupture comme l'a elle-même admis la cour d'appel ; qu'il en résulte que la faute grave n'a pas été retenue au regard des seuls éléments invoqués par l'employeur dans lettre de rupture, en violation de l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ;

4) ALORS QU'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier un licenciement ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait en cause d'appel l'infirmation du jugement qui avait retenu qu'il était l'auteur d'une faute grave, en faisant notamment valoir que le seul fait non prescrit du 30 juin 2016 ne lui était pas imputable et ne justifiait pas, en tout état de cause, une rupture immédiate du contrat de travail ; qu'il incombait donc à la cour d'appel de rechercher si l'employeur justifiait de l'existence d'une faute grave imputable au salarié ; que cependant la cour d'appel, après avoir jugé irrecevable les conclusions comme les pièces de l'employeur, a confirmé le jugement entrepris en reprochant à M. [S] de ne produire aucune pièce démontrant le caractère erroné l'appréciation des premiers juges ni même, à tout le moins, de nature à faire naître un doute en soulignant que le fait que M. [S] plaide en dernier lieu un défaut de proportionnalité entre la faute et la sanction confortait l'appréciation du conseil de prud'hommes ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve de l'absence de faute grave, quand la preuve de la faute grave pesait, en appel comme en première instance, sur l'employeur ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-21331
Date de la décision : 07/12/2022
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 17 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2022, pourvoi n°21-21331


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.21331
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