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07/12/2022 | FRANCE | N°21-19986

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 décembre 2022, 21-19986


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 737 F-D

Pourvoi n° G 21-19.986

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

M. [B] [W], domicilié

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.986 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Cassation partielle sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 737 F-D

Pourvoi n° G 21-19.986

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

M. [B] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.986 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Domaine de la Guignardière, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
anciennement dénommée Le Golf de la Bosse,

2°/ à la société Le Golf de la Bosse, société par actions simplifiée,
dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [W], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Le Golf de la Bosse, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Domaine de la Guignardière, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 1er juin 2021), M. [W] a exercé la profession d'enseignant de golf sur le terrain exploité par la SARL Golf de la Bosse, devenue SARL Domaine de la Guignardière (la société Domaine de la Guignardière), à la suite d'une convention verbale d'exercice libéral.

2. Par lettre du 9 juillet 2016, le gérant de celle-ci a notifié à M. [W] la rupture du contrat avec prise d'effet au 31 décembre 2016.

3. En janvier 2017, le frère du gérant de cette société a créé la SAS Le Golf de la Bosse (la société Le Golf de la Bosse), pour reprendre l'exploitation du terrain de golf.

4. En décembre 2016, des négociations ont été entreprises entre les associés de la future société Le Golf de la Bosse et M. [W] en vue de la conclusion d'une nouvelle convention portant sur l'activité d'enseignant de golf sur le site.

5. Par lettre recommandée du 28 décembre 2016, M. [W] a informé la société Le Golf de la Bosse qu'il ne donnait pas suite à la proposition.

6. Soutenant que la société Domaine de la Guignardière avait rompu les relations contractuelles de façon abusive et brutale et que la société Le Golf de la Bosse avait adopté un comportement fautif lors des négociations pré-contractuelles, M. [W] a assigné ces sociétés devant le tribunal de grande instance de Blois en paiement de dommages et intérêts. Il a, devant la cour d'appel, fondé sa demande au titre de la rupture également sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexés.

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 442-6, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et D. 442-3 du code de commerce et l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire :

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur un litige portant sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et que toute autre cour d'appel est dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour connaître d'une demande fondée sur ce texte.

10. L'arrêt rejette la demande de dommages et intérêts au titre de la privation d'un préavis suffisant, formée par M. [W] sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle était dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour connaître d'une demande fondée sur ce texte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. La cour d'appel d'Orléans étant dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur la demande de M. [W] fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, il y a lieu de déclarer cette demande irrecevable.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [W] tendant à la condamnation solidaire des sociétés Domaine de la Guignardière et Le Golf de la Bosse au paiement de la somme de 48 505,74 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la privation d'un préavis suffisant, formée sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Statuant à nouveau,

Déclare la demande de condamnation solidaire des sociétés Domaine de la Guignardière et Le Golf de la Bosse au paiement de dommages et intérêts au titre de la privation d'un préavis suffisant, formée par M. [W] sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, irrecevable ;

Condamne M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et le condamne à payer à la société Domaine de la Guignardière et à la société Le Golf de la Bosse, la somme de 1 500 euros chacune ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. [W].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [W] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir déclarer que la relation contractuelle a été rompue de façon brutale, abusive et vexatoire par la SARL du Golf de la Bosse devenue la SARL Domaine de la Guignardière et condamner celle-ci à lui verser les sommes de 48 505,74 euros de dommages-intérêts au titre de la privation d'un préavis contractuel, 47 515,83 euros de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive et de la perte de clientèle y afférente et 10 000 euros au titre de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation professionnelle ;

1° ALORS QUE le contrat d'intérêt commun est celui qui résulte de l'intérêt commun des parties à l'essor de l'entreprise par la création et le développement d'une clientèle commune ; que M. [W] faisait valoir que le contrat d'enseignement du golf le liant à la SARL du Golf de la Bosse constituait un contrat d'intérêt commun, dès lors qu'il existait une clientèle commune de golfeurs qui, tout en bénéficiant de son enseignement, fréquentait le terrain de golf, le restaurant et la boutique exploités par la société (conclusions, p. 6, § 1 et 2) ; qu'en se bornant à retenir qu'il n'était pas établi que les usagers des installations de golf étaient tous des élèves de M. [W] et que tous les élèves de M. [W] étaient des utilisateurs des prestations proposées par la société (arrêt, p. 6, § 7), la cour d'appel s'est fondée sur des motifs insuffisants à écarter la qualification de contrat d'intérêt commun et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 devenu 1103 et 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

2° ALORS QUE toute relation commerciale établie, qu'elle porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service, entre dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; que cette disposition est applicable quel que soit le statut juridique de la victime de la rupture de la relation commerciale ; qu'en retenant, pour écarter l'application des dispositions de ce texte, que M. [W] exerçait à titre libéral et qu'il n'était pas inscrit au registre du commerce et des sociétés (arrêt, p. 6, § 6), ce dont il résultait, selon les juges, l'absence de preuve d'une relation d'affaires (p. 6, § 9), la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

3° ALORS QUE le délai de préavis de résiliation d'un contrat à durée indéterminée tient compte de la durée de la relation commerciale et de l'état de dépendance économique de la personne écartée ; qu'en se contenant, pour retenir que la résiliation n'était pas abusive, à énoncer que la SARL du Golf de la Bosse avait respecté le délai de préavis prévu par la Fédération française de golf au-delà de 36 mois d'ancienneté (arrêt, p. 6, in fine et p. 7, § 1 et 2) sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 7 à 13), si l'application à M. [W] du délai de préavis de six mois en usage pour les contrats d'une durée supérieure à 36 mois tenait compte de la durée des relations ayant existé entre les parties, soit 23 ans, et de l'état de dépendance économique de M. [W], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [W] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir retenir le comportement déloyal de la SAS Le Golf de la Bosse lors des négociations précontractuelles et une complicité dans la violation par absence de préavis raisonnable du contrat d'enseignement et condamner celle-ci à lui verser les sommes de 48 505,74 euros de dommages-intérêts au titre de la privation d'un préavis contractuel, 47 515,83 euros de dommagesintérêts au titre de la rupture abusive et de la perte de clientèle y afférente et 10 000 euros au titre de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation professionnelle ;

1° ALORS QUE l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ; que, pour écarter le moyen tiré de la faute de la SAS Le Golf de la Bosse, la cour d'appel a considéré que les auteurs d'une offre sont libres de déterminer les conditions de leur offre, sous réserve de respecter les règles légales (arrêt, p. 8, § 2) et que la SAS Le Golf de la Bosse avait informé loyalement M. [W] des termes du contrat et lui avait laissé un délai suffisant pour faire une contreproposition (arrêt, p. 8, § 3) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 16 à 19), s'il ne résultait pas des termes des offres de la SAS Le Golf de la Bosse et de leur temporalité qu'elles avaient été émises dans le seul but de fragiliser le pouvoir de négociation de M. [W] et d'établir des conditions facilitant son éviction ultérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1112 du code civil ;

2° ALORS QUE celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l'occasion des négociations engage sa responsabilité ; que pour écarter le moyen tiré de la faute de la SAS Le Golf de la Bosse, la cour d'appel a considéré que les auteurs d'une offre sont libres de déterminer les conditions de leur offre, sous réserve de respecter les règles légales (arrêt, p. 8, § 2) et que la SAS Le Golf de la Bosse avait informé loyalement M. [W] des termes du contrat et lui avait laissé un délai suffisant pour faire une contreproposition (arrêt, p. 8, § 3) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 18, in fine et p. 19, § 1), si la SAS Le Golf de la Bosse n'avait pas commis une faute en diffusant aux adhérents du club des informations tenant à l'avancée des négociations, lesquelles étaient confidentielles et présentées de manière à porter atteinte à l'honneur à la dignité de M. [W], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1112 et 1112-1 du code civil ;

3° ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a écarté tout manquement à la charge de la SARL Domaine de la Guignardière entraînera, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [W] fondées sur la complicité de la SAS Le Golf de la Bosse dans ces manquements.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-19986
Date de la décision : 07/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 01 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 déc. 2022, pourvoi n°21-19986


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP L. Poulet-Odent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.19986
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